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Ras-le-bol policier : l'Essonne, foyer de la fronde

Une fougonette et un véhicule de police brûlés à Viry-Chatillon (Essonne) le 8 octobre 2016 par des agresseurs qui ont blessé deux policiers en patrouille [Thomas SAMSON / AFP/Archives] Une fougonette et un véhicule de police brûlés à Viry-Chatillon (Essonne) le 8 octobre 2016 par des agresseurs qui ont blessé deux policiers en patrouille [Thomas SAMSON / AFP/Archives]

Lundi soir, sur un parking de Corbeil-Essonnes : le patron de la police de l'Essonne, Luc-Didier Mazoyer, tente de dissuader une centaine d'agents en colère de rejoindre les Champs-Élysées. En vain. Certains lui tournent le dos: c'est le point de départ d'une grogne qui a fait tache d'huile.

"Ce n'est pas étonnant que ça parte de chez nous, ça fait longtemps que l'Essonne est l'un des départements les plus violents de France", souligne un policier d'Évry.

Des policiers réunis devant le commissariat d'Evry (Essonne) le 18 octobre 2016 pour exprimer leur ras-le-bol après l'agression de leurs collègues à Viry-Châtillon [Thomas SAMSON / AFP/Archives]
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Des policiers réunis devant le commissariat d'Evry (Essonne) le 18 octobre 2016 pour exprimer leur ras-le-bol après l'agression de leurs collègues à Viry-Châtillon

 

Dans le fief de Manuel Valls, maire d'Evry de 2001 à 2012, la fronde n'est pas dirigée en particulier contre le Premier ministre, mais "contre tout le gouvernement et notre hiérarchie qui se foutent de nous", peste une fonctionnaire.

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En Essonne, une part importante de la délinquance est concentrée dans deux zones de sécurité prioritaires (ZSP): les Tarterêts, à Corbeil-Essonnes ; la Grande-Borne, à cheval sur les communes de Grigny et Viry-Châtillon. La première a vu une fusillade entre bandes rivales faire un mort en septembre, et la seconde a été le théâtre de l'attaque aux cocktails Molotov contre des policiers, le 8 octobre.

Manuel Valls et Luc-Didier Mazoyer (d) à Evry le 27 mars 2013 [MIGUEL MEDINA / AFP/Archives]
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Manuel Valls et Luc-Didier Mazoyer (d) à Evry le 27 mars 2013

 

Cette agression contre quatre agents, dont un adjoint de sécurité toujours hospitalisé, a catalysé des tensions latentes depuis plusieurs mois et rompu un dialogue déjà difficile entre la hiérarchie policière et la base.

Dès le 14 octobre, une centaine de policiers s'étaient rassemblés devant la préfecture et l'hôtel de police d'Evry, gyrophares allumés et sirènes hurlantes. Bis repetita le lendemain à Savigny-sur-Orge, où travaille l'adjoint de sécurité.

Des policiers réunis devant le commissariat d'Evry (Essonne) le 11 octobre 2016 après l'agression de quatre de leurs collègues à Viry-Châtillon [Thomas SAMSON / AFP/Archives]
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Des policiers réunis devant le commissariat d'Evry (Essonne) le 11 octobre 2016 après l'agression de quatre de leurs collègues à Viry-Châtillon

 

Lundi, c'est "entre bleus" de l'Essonne qu'ont circulé les SMS appelant à la manifestation surprise le soir-même sur les Champs-Elysées. Le départ du cortège a été retardé par l'intervention du "patron", Luc-Didier Mazoyer, directeur départemental de la sécurité publique. "Il nous a traités de gitans, nous a menacés de révocations et de convocations devant des conseils de discipline", assure un policier présent.

"On nous a reproché d'être montés à Paris avec des véhicules de patrouille, mais parfois, on ne travaille qu'avec une seule voiture pour toute une circonscription", s'agace un autre fonctionnaire, expliquant la colère par "des années de déconsidération".

"Tâches indues"

Le manque d'effectifs - 300 selon le syndicat Alliance - se traduit parfois par un recul sur les interventions. "Maintenant, on ne dit plus +prendre en chasse+ mais +prendre en charge+, quand on poursuit un véhicule", rapporte ce même fonctionnaire. "On doit seulement le suivre de loin, mais on ne peut pas l'interpeller. On nous explique qu'un autre service va prendre le relais, mais on n'est pas dupe, on sait que personne ne s'en charge".

Le directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone le 24 juillet 2014 à Paris [MATTHIEU ALEXANDRE / AFP/Archives]
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Le directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone le 24 juillet 2014 à Paris

 

Mardi soir, le directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone, a rencontré plusieurs dizaines de responsables policiers et des délégués syndicaux du département.

Si M. Falcone n'a fait que confirmer les arrivées de 101 fonctionnaires d'ici la fin de l'année promises par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, des avancées ont été obtenues sur les "tâches indues", véritable point de crispation depuis plusieurs années.

Des policiers manifestent devant le commissariat d'Evry (Essonne) le 18 octobre 2016 pour exprimer leur ras-le-bol après l'agression de leurs collègues à Viry-Châtillon [Thomas SAMSON / AFP/Archives]
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Des policiers manifestent devant le commissariat d'Evry (Essonne) le 18 octobre 2016 pour exprimer leur ras-le-bol après l'agression de leurs collègues à Viry-Châtillon

 

Plusieurs personnalités du département, qui bénéficiaient d'une garde rapprochée très gourmande en effectifs de sécurité publique, seront à l'avenir protégées par les hommes du service de la protection (SDLP), spécialement formés pour ces missions, selon deux sources policières.

Des engagements ont également été pris pour alléger les tâches de garde devant la préfecture ou de filtrage à l'entrée du tribunal de grande instance d'Evry, selon un syndicaliste d'Alliance.

A Grigny, "des policiers en point fixe" étaient chargés de surveiller un chantier de la Grande-Borne, où plusieurs ouvriers ont déjà été agressés et des engins de travaux vandalisés. "On nous demandait de protéger les employés d'une société de sécurité privée", peste un policier. "On a obtenu qu'ils travaillent en patrouille dynamique", affirme-t-il.

Enfin, début novembre, une réunion doit se tenir avec le service des affaires immobilières de la préfecture de police, selon ce délégué syndical. Au menu: la sécurisation des accès à plusieurs commissariats du département, dont certaines barrières d'entrée ne ferment plus. Un policier soupire: "à Étampes, c'est une vieille maison qui fait office de commissariat. On cache la misère".

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