Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.
Un journal britannique – sans doute trop heureux de trouver dans la situation française une diversion qui lui permette d’échapper à l’âpreté du débat pour ou contre le «Brexit» – se demande quelle nouvelle catastrophe pourrait bien s’abattre sur la France. Et propose cette réponse : «Une pluie de grenouilles !» On pourrait ajouter les neuf autres plaies qui, selon la Bible, avaient frappé l’Egypte de l’Antiquité. Mais, n’était l’humour britannique, la liste est déjà bien remplie : des inondations, consécutives à un printemps pourri ; la menace d’un nouvel attentat qui, selon les services américains, ciblerait l’Euro de football, cette manifestation sportive et festive que les grévistes de la CGT peuvent être tentés de perturber. Pas question pour eux de faire preuve d’une quelconque «solidarité», demandée par le Premier ministre et le patron de la SNCF. Les Français auront donc les inondations et la grève ! On est en France, Monsieur !
Le tout est, bien sûr, la faute du gouvernement et du président. Du moins si l’on en juge par le nouveau plancher de popularité atteint par le couple exécutif. Mais n’est-ce pas Manuel Valls qui assurait que la blessure de Raphaël Varane était aussi… la faute du gouvernement ! Au passage, il eut été étonnant que des Bleus, ou d’anciens Bleus, ne cherchent pas à gâcher la fête, en l’occurrence par des accusations de «racisme» contre Didier Deschamps, pour la mise à l’écart de Karim Benzema après l’odieux chantage sur son ex-coéquipier Mathieu Valbuena. Cette liste fait ressembler l’air du temps à la météo de ces dernières semaines.Le principal abcès de fixation est le débat sur la loi travail. Actuellement en discussion et en voie de transformation au Sénat, dont la majorité est à droite, elle reviendra en seconde lecture devant les députés début juillet. Elle est le prétexte choisi par la CGT pour tenter de faire reculer le gouvernement afin, pense-t-elle, d’enrayer un recul qui menace de la placer derrière la CFDT. Le syndicat de Laurent Berger et d’autres syndicats réformistes approuvent la loi travail mais en sont aussi les coauteurs avec le gouvernement. La difficulté, pour ce dernier, est qu’à l’inverse du quinquennat précédent, la CGT est gouvernée par son aile radicale, qu’incarne le secrétaire général Philippe Martinez et non plus par son aile réformiste qu’incarnait Bernard Thibault.
Le texte sert aussi de prétexte aux «frondeurs» du PS, cette fraction des socialistes qui a déclaré la guerre au gouvernement à l’Assemblée nationale au point de vouloir déposer une motion de censure. De l’intérieur d’un parti majoritaire à l’Assemblée, c’est du jamais-vu ! Leur objectif est simple : éviter que François Hollande puisse être de nouveau candidat et couper la route de Manuel Valls. Ils veulent être certains de la défaite, à l’image de cette partie de l’électorat de François Hollande de 2012 qui, selon les sondages d’aujourd’hui, voterait Alain Juppé ou pour l’extrême gauche. Le pouvoir paie au prix fort son impopularité. D’où l’ardeur des «frondeurs» et le jusqu’au-boutisme de la CGT, les uns et les autres pariant que cette faiblesse lui sera fatale. Il faut s’attendre, de la part de la CGT, à la multiplication d’opérations là où ça gêne le plus.
Et pourtant «ça va mieux» : c’est le FMI de Christine Lagarde qui l’explique en revoyant à la hausse la perspective de croissance de 2016, tandis que la plupart des organismes internationaux prévoit, pour cette même année, une baisse du chômage. C’est sans doute ce qui permet au président de dire qu’après le temps du «redressement», vient celui de la «redistribution» comme pourront le mesurer pêle-mêle les enseignants, les jeunes (la garantie jeune est dans la loi travail), voire l’ensemble de la fonction publique.
Jean-Marie Colombani