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L’art de saisir le bon moment, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani. [Alexis Reau / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

Rarement un remaniement et l’intervention présidentielle à la télévision qui a suivi auront été à ce point malmenés par la presse. Au point que les critiques, traditionnelles celles-ci, des oppositions passeraient presque pour modérées. Une nouvelle fois, s’est vérifié le fait qu’en politique la situation commande. L’exemple le plus célèbre dans notre histoire récente est celui du général de Gaulle lui-même. Dans la tourmente des événements de Mai 68, il parle à la radio et à la télévision et rien ne se produit. Huit jours plus tard, il récidive, annonce des élections législatives et tout s’arrête. Entre temps, la situation avait radicalement changé. Les pompes des stations-service étaient à sec, les Français avaient pris peur et aussitôt plébiscité le retour à l’ordre. L’important est donc de saisir le moment. Il ne pourra se produire, pour François Hollande, que si au cours de l’année 2016 le chômage recule enfin de façon significative. Alors le président pourra peut-être de nouveau être entendu.

Pour l’heure, la situation politique lui est totalement défavorable. Elle se structure autour d’un double refus : celui de voir revenir Nicolas Sarkozy et celui de réélire François Hollande. Tous les regards et les promesses de suffrages se tournent donc vers Alain Juppé, car il est celui qui est réputé permettre d’écarter Nicolas Sarkozy lors de la primaire de la droite et, quelques mois plus tard, lors de l’élection présidentielle, de battre François Hollande. Il semble, en outre, en mesure de rassembler mieux que les autres un plus grand nombre de Français en cas de présence de Marine Le Pen au second tour. Mais prudence : le scrutin a lieu dans quatorze mois. C’est plus de temps qu’il n’en faut pour changer la donne. Côté Sarkozy, le succès de son livre La France pour la vie le porte à espérer dans la reconstruction de son lien avec le pays. Il compte aussi sur ses capacités en campagne qu’il estime supérieures à celles d’Alain Juppé.

Côté Hollande, la première bataille se situe également dans son propre camp, lequel ne manque pas de partisans d’une primaire à gauche, de façon à l’écarter. Un premier élément de réponse est illustré par le remaniement du gouvernement, qui s’inscrit dans une logique de rassemblement à gauche en vue du premier tour. Le retour, sinon du mouvement écologiste en tant que tel, mais de personnalités qui en sont issues, en même temps que l’énoncé comme troisième priorité du gouvernement de la lutte contre le réchauffement climatique ont pour but de convaincre les électeurs verts de se détourner, par exemple, de l’inévitable candidature de Cécile Duflot. Celui de Jean-Marc Ayrault est un message pour le Parti socialiste. Enfin, celui de Jean-Michel Baylet, figure historique des radicaux de gauche, évitera peut-être une candidature de Christiane Taubira, membre de ce parti.

Quant au président, il lui faut aussi désormais compter avec un Premier ministre qui ne fait plus mystère de son intention de se préparer, pour le cas où la persistance du chômage conduirait François Hollande à renoncer. Outre la bataille de l’emploi, le défi majeur du président est de convaincre qu’il met tout en œuvre pour assurer la sécurité des Français, dans les circonstances exceptionnelles créées par une vague terroriste dont Manuel Valls nous assure qu’elle est appelée à durer. Car la critique formulée par Nicolas Sarkozy au lendemain des attentats du 13 novembre, selon laquelle «tout n’a pas été fait», a porté auprès d’une majorité de Français. C’est sans doute pourquoi François Hollande tient bon, malgré les critiques, et veut faire aboutir l’extension du champ de la déchéance de nationalité aux auteurs de crimes terroristes.

Jean-Marie Colombani

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