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Roland Jacquard : «Daesh a mis en place un commando paramilitaire»

Roland Jacquard explique que les terroristes subissent de véritables lavages de cerveau pour arriver à un tel niveau de détermination. Roland Jacquard explique que les terroristes subissent de véritables lavages de cerveau pour arriver à un tel niveau de détermination. [Capture d'écran Dailymotion.]

L'assaut mené ce matin à Saint-Denis pourrait signifier le démantèlement de la cellule terroriste qui a frappé Paris. Mais pour Roland Jacquard, président de l'Observatoire international du terrorisme, le danger n'est pas écarté. 

L'opération de mercredi a-t-elle permis d'éviter le pire ?

Oui, car on peut considérer qu'ils préparaient d'autres actes pour frapper le pays. Daesh utilise des services de contre-ingérence, afin de s'assurer que les terroristes ne vont pas craquer en étant rattrapé par un parent ou un ami, qu'ils vont aller au bout. C'est une logique d'accompagnement. L'appartement de Saint-Denis pouvait dont être un lieu où la cellule pouvait être jointe. Avec les bombardements de la coalition au Moyen-Orient, les chefs du groupe terroriste ont besoin de montrer qu'ils sont encore debouts. Ils doivent donc continuer le recrutement et lancer de nouvelles attaques sur les théâtres extérieurs, et notamment en France.

Que disent les attentats de vendredi et l'opération de mercredi de la détermination des terroristes ?

Cette détermination a déjà été vue auparavant, dans le cas d'un Merah ou de celle de l'attaque du Thalys, qui a pu être évitée de justesse. La nouveauté, c'est de voir la capacité de Daesh à pouvoir mettre en place un véritable commando paramilitaire composé d'artificiers et de kamikazes, de terroristes prêts à tirer sur la foule avec des kalachnikovs, et de coordonner cette opération. Cela représente plus de dix personnes, plusieurs appartements conspiratifs, des ceintures d'explosifs avec du matériel difficile à manipuler, le tout avec des personnes dont la majorité est connue des services de police... La question est donc de savoir comment ils ont pu se déplacer, se préparer de la sorte. 

En quoi leur mode opératoire est-il nouveau ?

Le mode opératoire des attentats nous pousse à être très inquiets pour la suite. Car ce ne sont plus des attaques «classiques». Désormais, un terroriste s'assoit à la terrasse d'un café, commande à boire, puis se fait exploser. Comment prévenir cela ? On ne va pas pouvoir palper l'ensemble des gens. On retrouve ici une technique terroriste utilisée au Moyen-Orient, en Irak, au Liban, en Afghanistan, mais que nous découvrons. 

Que signifie la présence d'une jeune femme dans le commando ? 

Elle prouve que tous les profils sont susceptibles d'être attirés par Daesh. Il ne faut pas oublier qu'environ 90 jeunes femmes sont partis dans les rangs du groupe islamique, et que parmi les 110 morts français sur place, une trentaine étaient des femmes. De plus, tous les profils sociaux sont concernés, ce qui tend à penser que Daesh a un vivier immense de candidats au combat ou au suicide, qu'il va être difficile de stopper. 

Comment sont-ils préparés sur place ? 

Quand ils arrivent, les candidats subissent une sorte d'examen, des profilers de Daesh font une analyse psychologique. Les maillons faibles sont utilisés ensuite pour la surveillance, les secours ou ce genre de tâches secondaires. Les maillons forts sont dirigés vers les opérations kamikazes. On les teste ensuite dans les camps d'entraînement pour choisir les psychopathes, ceux qui sont prêts à aller au bout. 

Quelles peuvent être leurs motivations ?

Certains vont chercher dans le paradis qu'on leur promet ce qu'ils n'ont pas eu dans leur vie. D'autres veulent une nouvelle vie là-bas. Et puis il y a ceux qui, en prenant les armes, en ayant un sentiment de puissance avec elles, prennent une revanche. Le drame du Bataclan montre ainsi des jeunes qui tirent sur d'autres jeunes, en donnant l'impression que les terroristes ont, en quelque sorte, une revanche à prendre.

Comment leur inculque-t-on une telle volonté de violence ?

Ils sont en partie drogués, on leur lave le cerveau. Quand on regarde le profil d'un des terroristes des attentats de Paris, on entend dire que c'était un garçon gentil, père d'une petite fille. La question est donc de savoir comment un salafiste peut passer du stade du militantisme à celui de kamikaze. Comment, en peu de temps, une telle attaque au cerveau peut s'opérer, pour tomber dans une violence insupportable. 

Les services de renseignement peuvent-ils mieux surveiller ce type d'individus, et éviter d'autres actions ? 

Avant Daesh, les services étaient déjà limités pour contrer les actions fomentées par al-Qaida. Daesh a depuis surmultiplié le danger. On a aujourd'hui 120 personnes surveillées en permanence car susceptibles de passer à l'acte, 400 qui peuvent leur apporter un soutien, et des centaines qui sont rentrés en France après être partis sur les zones de combats. Ils sont nombreux à être pris en main par les autorités, mais pas tous. Comment organiser la surveillance de tant de cibles quand on sait que le suivi d'une seule personne, 24h/24, nécessite entre 10 et 20 policiers ? La technologie ne peut pas tout résoudre, car même si on donne de nouveaux moyens aux services, il faudra de toute façon des agents pour analyser les données, les interpréter.

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