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Tapie, un bagarreur éclectique et jusqu'à présent insubmersible

Bernard Tapie, le 26 mai 2013 au stade Vélodrome à Marseille [Gérard Julien / AFP/Archives] Bernard Tapie, le 26 mai 2013 au stade Vélodrome à Marseille [Gérard Julien / AFP/Archives]

Bernard Tapie, 70 ans, placé lundi en garde à vue dans l'affaire de l'arbitrage contesté avec le Crédit Lyonnais, enrichit d'un nouvel épisode son itinéraire hors norme marqué autant par le succès que par l'échec.

Incarnation de la réussite sociale et de la flamboyance au milieu des années 80, "nanard", teint hâlé, cheveux drus et mâchoires fortes, au parler de titi parisien, est devenu le symbole de l'homme d'affaires corrompu à partir de l'épisode du match truqué Marseille-Valenciennes, en 1993.

Mais les sorts contraires, comme son passage en prison en 1997 ou des ennuis de santé, n'ont pas abattu ce bateleur très persuasif aux serments faciles, qui ne cesse de renaître de ses cendres, ce charmeur surtout doué pour la bagarre qui a connu au moins six vies publiques : judiciaire, politique, entrepreneuriale, sportive, médiatique et artistique.

Né le 26 janvier 1943 à Paris, il est le fils d'un ouvrier-chauffagiste. Brièvement membre des Jeunesses communistes, le petit prolo "aux yeux trop grands" (titre d'un de ses livres) pilote des voitures de course, vend des télés, se lance sans grand succès dans la chansonnette.

En 1977, il se spécialise dans la reprise et la revente d'entreprises en difficulté, s'attirant le surnom de "Zorro des entreprises", et atteignant son apogée avec le rachat d'Adidas, le géant allemand de l'équipement sportif. Il se bâtit un empire et une fortune qui lui permettent de s'offrir un hôtel particulier à Paris et un luxueux voilier, le "Phocéa". "S'il y a une chose que je sais faire, c'est du blé", lâche-t-il alors.

Début de la fin

Dans l'intervalle, en 1983, Bernard Tapie investit dans les activités sportives, d'abord en montant une équipe cycliste qui porte le nom de l'une de ses sociétés, "La Vie claire", puis, en reprenant le célèbre club de foot de l'Olympique de Marseille.

Bernard Tapie sort du tribunal de Valenciennes le 14 mars 1995 [Jacques Demarthon / AFP/Archives]
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Bernard Tapie sort du tribunal de Valenciennes le 14 mars 1995

Mettant à profit sa notoriété, il se lance dans la politique, se présentant en 1988 aux législatives à Marseille. Elu en 1989, il enchaîne les succès électoraux: aux régionales de 1992, aux législatives de 1993 où, en pleine déroute de la gauche, il est élu à Gardanne sous l'étiquette du MRG, et, en 1994, aux européennes où, avec 12,5% des voix, sa liste taille des croupières à celle de Michel Rocard et met fin aux ambitions présidentielles de l'ex-Premier ministre.

Entre-temps, s'étant forgé une image de pourfendeur du Front national, à l'issue d'un face-à-face mémorable avec Jean-Marie Le Pen, et de défenseur des jeunes de banlieue, il bénéficie du soutien de François Mitterrand qui le fait nommer en 1992 ministre de la Ville dans le gouvernement Bérégovoy.

L'année 1993, pourtant l'une des plus fastes dans les domaines politique et sportif, marque le début de la fin de "l'ère Tapie". C'est quelques jours avant la victoire de Marseille en Coupe d'Europe des clubs champions - succès unique, à ce jour, dans les annales du football français - qu'éclate l'affaire de corruption du match OM-VA.

"Reborn"

Dès lors, les foudres de la justice vont s'abattre sur lui en cascade, se soldant par quatre condamnations majeures, une incarcération de cinq mois, la perte de tous ses mandats électifs et la fin de sa vie d'homme d'affaires.

Après cette période éprouvante, replié sur sa famille, autour de son épouse Dominique, il change d'orientation en faisant de la radio (sur RMC) et en jouant au théâtre, notamment dans "Vol au-dessus d'un nid de coucous". La pièce est jouée à Marseille en 2000 à guichets fermés, devant un public proche de l'extase. Sur TF1, il tient le rôle du "Commissaire Valence", de 2003 à 2008.

Bernard Tapie en compagnie de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Ecologie, le 8 février 2008 à l'Elysée [Jacques Demarthon / AFP/Archives]
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Bernard Tapie en compagnie de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Ecologie, le 8 février 2008 à l'Elysée

Bernard Tapie, qui a soutenu Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, empoche en 2008 l'argent que lui octroie l'arbitrage dans son conflit avec le Crédit Lyonnais sur la vente d'Adidas.

Il revient en 2009 aux affaires, rachetant puis revendant un peu plus de 1% du groupe Club Med, empochant une importante plus-value. En 2010, il s'offre pour 40 millions d'euros un yacht de 75 m, "Reborn" ("renaissance" en anglais), qu'il propose à la location.

Fin 2012, il met la main sur les derniers titres du groupe Hersant, dont "La Provence". Il endosse un nouvel habit: celui de patron de presse. L'opération est interprétée par la classe politique marseillaise comme un premier pas vers la mairie mais l'intéressé ne cesse de le démentir.

Sujet d'une dizaine de biographies ou d'essais aux titres explicites ("Le flambeur", "Le phénix", "Le mythe Tapie", "Héros malgré lui", "Pour ou contre" etc), Bernard Tapie a été marié deux fois et est père de quatre enfants.

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