En direct
A suivre

Pr Martinet : "L’augmentation est trop modeste"

Plus aucun paquet de cigarettes ne sera vendu en France à moins de 6,10 euros en France. [PIERRE ANDRIEU / AFP]

Aujourd'hui lundi, plus aucun paquet de cigarettes ne sera vendu à moins de 6,10 euros en France, conséquence de la hausse des prix de 6,5% ordonnée par le gouvernement. L’Alliance anti-tabac et son président Yves Martinet veulent aller plus loin.

 

Que pensez-vous de cette augmentation d’au moins 6,5% du prix des paquets ?

Elle est trop modeste, et ne sera pas efficace sur la consommation. Nous pensons qu’elle devrait être de l’ordre de 10%. Un chiffre qui, en observant ce qui est fait à l’étranger, porte ses fruits. En 2003-2004, sous Jacques Chirac, on a tenté de casser la consommation, avec une hausse globale des prix de 40%. A raison, puisque plus d’1,5 millions de Français ont arrêté de fumer. Les petites hausses successives mises en place depuis ne sont que des effets de rattrapage par rapport à l’inflation.

 

La stagnation du pourcentage de fumeurs en France depuis 10 ans (autour de 30%) est-elle un constat d’échec ?

L’échec, il est dans le contrôle du tabac en France, le contrôle de l’accès au produit. D’une part, l’interdiction de vendre des cigarettes à un jeune de moins de 18 ans n’est pas respectée. N’importe quel adolescent le dira. D’autre part, l’interdiction de publicité pour les cigarettes dans les bureaux de tabac, elle non plus, n’est pas respectée par plus de 90% des vendeurs. Donc en premier lieu, puisqu’il y a des lois, il faudrait d’abord commencer par les faire appliquer.

 

Quelles mesures recommandez-vous en parallèle ?

Nous demandons l’instauration des paquets neutres standardisés, mais également l’obligation de la vente sous le comptoir, pour ne plus avoir les paquets de cigarettes sous les yeux des clients. La Grande-Bretagne a aujourd’hui 20% de fumeurs, l’Australie 19%, le Québec 15%. Comment font-ils ? En appliquant des règles strictes, avec une véritable coordination dans le contrôle du tabac, ce que nous n’avons pas.

 

En haussant les tarifs, l’Etat ne pousse-t-il pas les fumeurs à aller s’approvisionner dans les pays voisins ?

En France, les achats transfrontaliers, en dehors du réseau national des buralistes, représentent 15% du marché. Ils dépendent de deux leviers : la différence de prix avec la France, et bien sûr la distance qui sépare le consommateur de la frontière en question. Mais actuellement, des pays qui attirent les fumeurs, comme l’Espagne et la Belgique, sont dans une stratégie de hausse de tarifs. Ils vont donc être de moins en moins attractifs. Ne resterait alors plus que le Luxembourg.

 

Reste alors le problème de la contrebande….

Elle concerne environ 5% des cigarettes. Mais surtout, contrairement aux idées reçues, elle n’est pas liée à la demande mais bien à l’offre, et donc au crime organisé. Exemple en Europe : dans les pays comme la Lituanie et l’Estonie, où les prix des paquets sont très bas (2,50 euros), la contrebande est très présente. A contrario, en Norvège, où le paquet est à 10 euros, la contrebande est très faible. C’est lié à la tolérance que l’on peut avoir vis-à-vis du crime organisé.

 

Pensez-vous que l’interdiction de fumer dans certains lieux peut être étendue ?

L’idée, c'est de rendre le fait de fumer de moins en moins banal. Certains pays interdisent aujourd’hui de fumer dans une voiture dans laquelle se trouve un enfant, sur les terrasses des cafés, dans les stades, dans les jardins publics. Ca viendra en France.

 

Quel pourcentage de fumeurs dans la population souhaitez-vous atteindre, et en combien de temps ?

On peut espérer, d’ici à cinq ans, tomber à 25% voire approcher les 20% de fumeurs en France. Le gouvernement actuel s’est engagé pour renforcer le contrôle du tabac. Et ce contrôle, on sait comment le faire, mais encore faut-il en avoir l’envie. Les politiques qui n’en ont pas fait assez sont aujourd’hui responsables de dizaines de milliers de morts.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités