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BPCE : quel rôle Sarkozy a-t-il joué dans la nomination de Pérol ?

François Pérol, président du directoire de BPCE, à Paris le 25 juin 2013 [Eric Piermont / AFP/Archives] François Pérol, président du directoire de BPCE, à Paris le 25 juin 2013 [Eric Piermont / AFP/Archives]

Nicolas Sarkozy a-t-il été le maître d'oeuvre de la nomination controversée de François Pérol à la tête de BPCE début 2009? Certains témoins l'ont confirmé dans l'enquête, alors que le patron du groupe bancaire se défend de tout conflit d'intérêts.

M. Pérol a été mis en examen jeudi à Paris pour prise illégale d'intérêts par le juge Roger Le Loire, qui lui reproche d'avoir "accepté" en février 2009 la tête du groupe issu du mariage entre Banque populaire et la Caisse d'Epargne, alors qu'il avait suivi le dossier à l'Elysée, en tant que secrétaire général adjoint chargé des dossiers économiques.

La loi interdit à tout fonctionnaire de travailler pour une entreprise qu'il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat ou sur laquelle il a fait des propositions à l'autorité compétente dans les trois ans précédant son passage du public au privé.

Selon une source proche du dossier, François Pérol a convenu devant le juge que les circonstances de sa candidature étaient "originales".

D'après des témoignages, c'est l'ex-chef de l'Etat lui-même qui avait réuni à l'Elysée les patrons des deux banques, le 21 février 2009, en présence de M. Pérol et de son secrétaire général Claude Guéant, pour leur souffler un nom.

"Le président de la République nous indiquait (...), en rappelant que l'Etat prêtait 5 milliards (aux deux banques), qu'il entendait que François Pérol (...) soit proposé comme futur directeur général exécutif du nouvel ensemble", a ainsi témoigné fin décembre Bernard Comolet, alors patron de la Caisse d'Epargne. Une annonce "sans appel", "présentée comme une décision", a-t-il assuré, selon une source proche du dossier.

"Le principal objet de cette réunion était de nous signifier la nécessité d'agréer la proposition de nommer François Pérol", a abondé en janvier Philippe Dupont, alors patron de Banque populaire.

Quelques jours plus tard, cette candidature était validée par les deux banques. L'opposition avait immédiatement dénoncé un conflit d'intérêts.

'Meilleur candidat possible'

"On a la confirmation que la décision a bien été prise à l'Elysée", a réagi Me Jérôme Karsenti, l'avocat de la CGT-Caisse d'Epargne, qui avait déposé plainte dès 2009. "D'une certaine manière, cela montre la pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy, qui consistait à placer ses proches à tous les postes clés et à s'ingérer dans tous les domaines."

Selon l'avocat, l'ex-chef de l'Etat doit désormais être entendu comme témoin.

Devant le juge, l'actuel patron de BPCE a démenti avoir été formellement désigné par Nicolas Sarkozy. "Ce qu'il me dit, c'est que devant l'incapacité des dirigeants des deux groupes, depuis plusieurs semaines, à se mettre d'accord sur un nom, il pense que, au fond, je suis le meilleur candidat possible."

Entendu le 20 janvier comme témoin, Claude Guéant ne s'est pas souvenu de la réunion à l'Elysée. Pour lui, s'agissant de banques privées, le nom de Pérol ne pouvait venir que d'elles.

De son côté, François Pérol a relativisé son rôle dans le rapprochement des banques. Selon lui, il n'avait que le pouvoir d'éclairer Nicolas Sarkozy et n'entrait donc pas dans le champ des interdictions prévues par la loi.

L'Elysée avait été le théâtre, fin 2008-début 2009, de plusieurs réunions entre les acteurs du dossier, animées par François Pérol. Le tout dans un climat de crise financière majeure et sur fond de négociations sur la fusion qui traînaient en longueur, mettant les deux banques en péril.

Selon une source proche du dossier, le juge dispose de notes attestant de propositions de l'ex-secrétaire général adjoint au chef de l'Etat. François Pérol a affirmé qu'il ne faisait que répercuter des positions déjà connues ou venant des "autorités compétentes", comme la Banque de France ou du Trésor.

Il a aussi remis une synthèse juridique du secrétariat général du gouvernement. Prudente, la note juge qu'"il doit être possible, d'un strict point de vue juridique, de défendre la validité" de sa désignation. Mais sous réserve "qu'il n'existe pas d’éléments précis montrant un investissement particulier" de M. Pérol dans les affaires de l'entreprise.

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