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Filmer le sexe à la télé ou au cinéma de manière sécurisée : il existera bientôt une formation universitaire

La série «Sex Education», qui traite de la sexualité des adolescents, est réalisée sous la supervision d'une coordinatrice de l'intimité. [Taylor/NETFLIX ]

Le premier diplôme universitaire au monde destiné à former les futurs «coordinateurs de l’intimité», une fonction à laquelle de plus en plus de productions télévisuelles et cinématographiques font appel, sera proposé à la rentrée prochaine au Royaume-Uni.

Devenue ces dernières années une véritable star, la coordinatrice de l’intimité Ita O'Brien a, ce 20 mars, annoncé la naissance en septembre prochain du premier cursus universitaire dédié à la coordination de l’intimité. Une première mondiale, fruit de la collaboration de sa société Intimacy on Set avec l'école de théâtre britannique Mountview Academy of Theatre Arts. 

Après la naissance du mouvement #MeToo en 2017, la coordination de l'intimité a connu un essor très rapide, et des séries telles que «Sex Education», «Normal People» et «I May Destroy You» ont décidé de faire appel à Ita O’Brien pour mettre en place des protocoles pour les tournages de leurs scènes intimes. 

Le coordinateur d’intimité est chargé d’assurer «une communication ouverte» entre le réalisateur et les acteurs sur toutes les scènes intimes de séries ou de films, qu’il s’agisse de baisers, de nudité, ou de sexe, afin d'y apporter un cadre professionnel qui puisse permettre aux artistes d’être rassurés sur leur sécurité, et ainsi «donner le meilleur d'eux-mêmes» sans risque de traumatismes.

C'est oui ou bien c'est non

«On se met d'accord sur (ce que l'autre) peut toucher et nous chorégraphions clairement le déroulement du contact intime, exactement comme une danse», avait en 2021 expliqué à l'AFP la Britannique. Chaque scène est ainsi discutée, puis répétée loin des dizaines de personnes habituellement présentes sur un plateau, pour que «lorsque la caméra se met à tourner, les acteurs sachent exactement comment va se dérouler le contact». La notion de consentement est au centre de la pratique et les acteurs sont d’ailleurs invités à formuler clairement par des «non» et des «oui» ce qu’ils acceptent ou pas de faire. 

Dans un entretien avec le magazine Neon, Amanda Blumenthal («Euphoria») expliquait que sa mission était d’analyser toutes les scènes susceptibles de provoquer de l’inconfort chez les acteurs et actrices, pour discuter avec eux des limites qu’ils souhaitent fixer. Concrètement, il s’agit souvent de définir les zones du corps qui peuvent être touchées ou montrées à l’écran.

Un bon coordinateur d'intimité se doit d’avoir «de bonnes compétences en communication», mais aussi «connaitre le processus» du jeu d’acteur, estime Ita O'Brien, toujours selon les propos retranscrits pas l’AFP. La spécialiste ajoute que des connaissances anatomiques sont également nécessaires, pour nommer précisément les parties du corps. 

Face à la demande croissante d’interventions, Ita O’Brien regrettait en 2021 de ne pas avoir le temps de former plus de personnes. Le premier cursus de pratique de l'intimité au monde va donc permettre de fournir à l'industrie plus de praticiens correctement formés et expérimentés. «Depuis que je travaille en tant que praticien de l'intimité et que le rôle a pris de l'importance, chaque jour, nous avons reçu des demandes de personnes demandant à être formées», a-t-elle confirmé à Metro.co.uk. 

«La pratique de l'intimité est une jeune profession, et bien que la prise de conscience de son existence ait considérablement augmenté au cours des dernières années, une compréhension profonde de la bonne pratique manque, a-t-elle aussi confié à Deadline. Pour garantir que nous développons une profession qui peut fièrement grandir vers l'excellence, nous devons être en mesure de former des personnes talentueuses qui peuvent naviguer à la fois dans le voyage physique et émotionnel que chaque acteur va entreprendre, et aussi livrer de manière responsable et en toute sécurité le contenu intime tel qu'envisagé par le réalisateur, la narration et chaque personnage.» 

Avec un CV qui compte des collaborateurs comme la BBC, Netflix, Prime Video, Apple TV Plus, Channel 4, HBO, Sky, ITV, le National Theatre ou encore le Royal Opera House, elle promet donc que seront enseignées les meilleures pratiques afin d’aider à former et à soutenir les professionnels dans ce rôle de plus en plus crucial.

Le cours de maîtrise de deux ans sera validé par l'Université d'East Anglia, avec des candidatures ouvertes depuis ce 20 mars, pour une première rentrée en septembre 2023. 

Un métier indispensable

Le raz-de-marée #MeToo en a témoigné, les cas de harcèlements sexuels et d'agressions, voire de viols dans le milieu du cinéma et de la création audiovisuelle sont nombreux. De malsains rapports de force et d'influence entre producteurs/réalisateurs et acteurs en sont souvent à l'origine. Les crimes ont parfois lieu dans le secret mais des traumatismes peuvent aussi être infligés au moment des répétitions et du tournage. En 2013, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux avaient notamment dénoncé des conditions de travail «horribles» sur le tournage de «La Vie d’Adèle» d'Abdellatif Kechiche, rapportant entre autre une scène d’amour dont le tournage avait duré plus dix jours. Des situations que devrait prévenir la présence d'un coordinateur d'intimité sur les plateaux.

Après des débuts difficiles où sa présence sur les plateaux n’était pas vraiment bien accueillie par certains, Ita O'Brien est aujourd’hui sollicitée de toutes parts et sa popularité a fait un énorme bond avec #MeToo, puis un nouveau après que Michaela Coel, réalisatrice de «I May Destroy You», l'a chaleureusement remerciée lors de la cérémonie des Bafta, soulignant le caractère capital de son rôle sur les tournages.

«Merci Ita d'avoir fait de notre industrie un espace sûr, d'avoir créé des frontières physiques, émotionnelles et professionnelles pour que nous puissions faire des œuvres sur l'exploitation et les abus sans être nous-mêmes abusés dans le processus», avait salué l'actrice et réalisatrice.

Tourner sans coordinateur d'intimité, c'est risquer de créer un «sentiment de désordre et de gêne pour l'équipe» et parfois même une «dévastation interne pour l'acteur». Cette nécessité se fait selon elle impérieuse lorsqu'il s'agit de scènes de viol. Dans ces cas très précis, il convient de «donner aux acteurs une chorégraphie précise de l'agression», a expliqué Ita O'Brien. «Vous devez évidemment prendre soin de la personne qui joue la victime», détaille-t-elle, «mais surtout de celle qui joue l'agresseur, car l'acteur doit vraiment aller dans un endroit profond en lui pour raconter cette histoire». 

Qu'il s'agisse de séquences de cette nature comme d'autres, Ita O’Brien rêve que la coordination d’intimité devienne légion pour toutes les productions. En 2021, la BBC fait partie de ceux qui ont pris les devants en rendant les coordinateurs d'intimité obligatoires pour ses séries et ses films. 

La scène de sexe, une cascade comme une autre

Leur présence devenue quasiment la norme ravit des actrices comme Rachel Zegler et Emma Thompson qui ont fait leur éloge, mais leur présence incommodent certains acteurs. Parmi eux Toni Collette, qui a déclaré qu’elle avait récemment choisi de ne pas travailler avec l'un d'entre eux lorsqu'on lui en a donné l’opportunité, sans préciser à quel film ou série elle faisait référence.

«Je me suis sentie à l'aise avec les gens avec qui je travaillais», a-t-elle justifié dans une interview pour le Times. «J'avais l'impression que ces personnes qui avaient été amenées pour que je me sente plus à l'aise me rendaient en fait plus anxieuse. Elles n'aidaient pas, alors je leur ai demandé de partir», a-t-elle confié. S'adressant à Variety l'année dernière pour promouvoir «The Staircase», dans laquelle elle partageait des scènes intimes avec Colin Firth, l'actrice avait déclaré qu'un coordinateur de l'intimité était présent lors du tournage des scènes de sexe, bien qu'elle se soit sentie «complètement en sécurité» avec Colin Firth et le réalisateur Antonio Campos, et préférait travailler sans. «Si j'avais été avec d'autres personnes avec qui je ne me serais pas sentie aussi à l'aise, je l'aurais probablement apprécié», a expliqué Collette. «Mais je me sentais tellement en sécurité dans notre monde donc je ne ressentais pas le besoin de sa présence.»

L’acteur Sean Bean («Game of Thrones») a lui émis des réserves en estimant «que le comportement naturel des amoureux serait ruiné par quelqu'un qui le réduirait à un exercice technique». Une remarque qui manque de bon sens comme l’a fait remarquer l’actrice Jameela Jamil, qui lui a rétorqué : «Cela ne devrait être que technique. C'est comme une cascade. Notre travail en tant qu'acteurs est de faire en sorte que cela ne paraisse pas technique. Personne ne veut un pelotage impromptu...».

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D'autres acteurs ont finalement changé d'avis sur la question en cours de route, comme Jacob Elordi, qui incarne Nate dans la série HBO «Euphoria». L'acteur a expliqué à Elle Australia : «Dans la première saison, j’ai eu un peu de mal avec ça car je pensais que ça tuerait la spontanéité d’une scène et que ce serait peu pratique. Mais avoir travaillé avec elle, sur cette seconde saison a été un véritable cadeau.» 

Peut-être une solution, Jessica Steinrock, coordinatrice d’intimité de métier, prend elle le parti d’en rire pour désamorcer toute gêne. Elle partage d’ailleurs avec beaucoup d'humour quelques-unes de ses astuces sur Instagram. 

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