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Demain ne meurt jamais : retour sur le tournage chaotique d'un James Bond qui aura frôlé la catastrophe

Il fallait avoir le cœur bien accroché sur le tournage du film. [© EON Productions/MGM]

En 1997, Pierce Brosnan enfilait le costume de James Bond pour la deuxième fois dans «Demain ne meurt jamais», seulement deux ans après le triomphe de «GoldenEye». Un film au succès respectable, malgré le chaos qui aura régné tout au long de sa production.

Au bord de l’implosion. C’est probablement dans cet état que de nombreuses personnes ayant travaillé sur «Demain ne meurt jamais» se sont senties durant la production chaotique du 18e volet des aventures de James Bond. Deux ans auparavant, pourtant, la franchise cinématographique inspirée des romans de Ian Fleming venait de connaître un succès phénoménal avec «GoldenEye», qui marquait les premiers pas de Pierce Brosnan dans la peau de l’agent 007. À tel point que le film de Martin Campbell a été considéré presque instantanément comme un des meilleurs James Bond jamais réalisé.

Les attentes entourant le volet suivant – Demain ne meurt jamais – étaient donc colossales. Ce que les producteurs Michael G. Wilson et Barbara Broccoli n’ignoraient pas. La production de ce nouveau volet va toutefois se révéler particulièrement compliquée, précipitée, et désordonnée. Le fait que le film ne se soit pas transformé en immondice cinématographique tiendrait presque du miracle. Explications.

Un film lancé dans la précipitation

Il aura suffi qu’un teaser de «GoldenEye», publié avant sa sortie en novembre 1995, fasse bonne impression auprès du public pour que le projet d’un second volet soit immédiatement validé. Le feu vert est officiellement accordé en mai 1995, pour une sortie prévue en décembre 1997. Un calendrier serré, mais pas irréaliste, même si «GoldenEye» avait pu bénéficier pour sa part d’une écriture étalée sur cinq ans avant même que le réalisateur ne lance le tournage.

Il était hors de question d’attendre aussi longtemps entre deux James Bond cette fois – c’est «Permis de tuer» réalisé 1989 qui avait précédé «GoldenEye» – et avec la rétrocession de Hong Kong à la Chine prévue pour juillet 1997, mettant fin à 156 années de présence britannique sur le territoire, le scénario de ce 18e volet semblait écrit d’avance. La première idée, rédigée par Donald Westlacke, voyait James Bond affronter un riche homme d’affaires américain, Gideon Goodread, alors que celui-ci prévoyait de réaliser un casse élaboré auprès des banques hong-kongaises au moment de la rétrocession.

Le problème de calendrier était toutefois trop évident pour être ignoré. La rétrocession officielle devant se faire le 1er juillet 1997 – une date à laquelle le film n’avait aucune chance d’être prêt – le risque de proposer un film autour d’une intrigue déjà périmée en décembre de la même année avait obligé les producteurs à bouleverser leurs plans. Et c’est là que la machine s’est emballée.

La frustration à tous les étages

Michael G. Wilson et Barbara Broccoli décident de faire appel à Bruce Feirstein, qui avait travaillé sur «GoldenEye», pour écrire un nouveau scénario. Il ne gardera qu’une poignée d’élément du script de Donald Westlake – dont l’agent d’origine chinoise incarné par Michelle Yeo. En septembre 1996, c’est Roger Spottiswoode qui est désigné à la réalisation. Dans la foulée de sa nomination, il décide de rassembler plusieurs auteurs – dont Nicholas Meyer – dans un hôtel de Londres afin de reprendre le texte de Bruce Feirstein.

Le problème ? Les producteurs n’apprécient pas la nouvelle mouture, et font revenir Bruce Feirstein à la rédaction. Pour le plus grand agacement du réalisateur. Un script définitif est fourni en janvier 1997, mais pour Roger Spottiswoode, celui-ci se révèle être totalement inexploitable, obligeant la production à procéder à des réécritures permanentes pendant le tournage.

L’ambiance entre les membres de la production se dégrade rapidement à partir de là, et en mai 1997, Roger Spottiswoode et Bruce Feirstein ne s’adressent plus la parole. Pour les acteurs, les problèmes ne font que commencer. Et le fait que certains d’entre eux entretiennent des rapports compliqués n'aidera en rien à détendre l'atmosphère générale.

Tension et action

Alors que le temps presse, et que certains événements – comme l’annulation au dernier moment du tournage prévu au Vietnam en raison de visas expirés avec toutes les équipes bloquées à l’aéroport avec leur matériel – surviennent au pire moment, les acteurs principaux constatent avec horreur le manque total de préparation au moment de tourner leurs scènes.

Jonathan Pryce et Terri Hatcher – qui incarnent Elliot et Paris Carver respectivement – entrent dans une colère noire quand ils découvrent un scénario totalement différent de celui pour lequel ils s’étaient engagés au moment de la signature du contrat. Exigeants, eux aussi, des réécritures de dernière minute.

La tendance de Bruce Feirstein à réécrire des scènes entières la veille pour le lendemain ne fera qu’ajouter de la tension auprès des comédiens. Pis, Pierce Brosnan, qui avait milité en coulisses pour que le rôle de Teri Hatcher soit confié à Monica Bellucci (qui sera au générique de «Spectre»), ne s’entend pas du tout avec la star de la série «Desperate Housewives», dont les retards fréquents pour le tournage de leurs scènes le mettent hors de lui (il s’excusera platement quand il découvrira qu’elle était enceinte à ce moment-là). Les dernières images seront tournées le 5 septembre 1997, soit 95 jours avant la sortie du film.

Et le miracle se produit

Roger Spottiswoode et ses équipes vont alors travailler sans relâche pour que «Demain ne meurt jamais» – un titre né d’une erreur de compréhension avait révélé le réalisateur en 2004, et qui n’a jamais été corrigée – voit le jour à la date prévue. Le compositeur David Arnold n’a même pas fini d'enregistrer tous les morceaux de la bande-originale quand le CD sort dans les bacs (avec seulement les 2/3 des morceaux dessus).

Pourtant, malgré un tournage chaotique de bout en bout, ce second James Bond avec Pierce Brosnan a rencontré un succès tout à fait respectable, même s’il finira par engranger 20 millions de dollars de recette de moins que «GoldenEye». L’histoire du film, centrée sur un magnat des médias égocentrique (inspiré de Rupert Murdoch) qui décide de manipuler l’information afin d’atteindre ses objectifs – paraît presque prémonitoire aujourd’hui, et résonne plus que jamais avec l’actualité. Les personnages de Wai Lin (Michelle Yeo) et Elliot Carver (Jonathan Pryce) sont considérés comme parmi les plus marquants de toute la saga.

S’il ne restera pas dans les annales de la franchise, «Demain ne meurt jamais» aura réussi à éviter une catastrophe qui, à un moment donné, paraissait presque inévitable tant les dysfonctionnements semblaient s'enchaîner à chaque étape de la production. Avant qu'un miracle digne d'Hollywood ne se produise.

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