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Palais de Tokyo : l'œuvre polémique de Miriam Cahn «Fuck Abstraction !» aspergée de peinture

Des associations de défense des droits de l'enfant avaient appelé, sans succès devant la justice, au décrochage de l'oeuvre. [LOIC VENANCE / AFP]

Exposé au Palais de Tokyo depuis la mi-février, le tableau polémique de l'artiste suisse Miriam Cahn «Fuck Abstraction !» a été aspergé de peinture dimanche 7 mai, a annoncé le musée qui compte porter plainte. Le président Emmanuel Macron «condamne cet acte de vandalisme». La ministre de la Culture Rima Abdul Malak dénonce une «instrumentalisation» du RN.

Exposée depuis le 17 février au Palais de Tokyo, l’œuvre de Miriam Cahn «Fuck Abstraction !» a été dégradée dans l’après-midi du dimanche 7 mai. Un individu «âgé» a jeté de la peinture mauve sur une partie du tableau. 

Ce dernier représente une personne aux mains liées, contrainte à une fellation par un homme puissant sans visage. Pour ses détracteurs, la victime est un enfant, ce que dément l'artiste, invoquant la représentation du viol comme arme de guerre et crime contre l'humanité.

Œuvre pédopornographique ?

Certains y voyant une œuvre à caractère pédopornographique, plus de 14.000 personnes avaient signé une pétition en ligne pour demander son décrochage. 

Les associations Juristes pour l'enfance, l'Enfance en partage, Face à l'inceste et Innocence en danger, considérant elles aussi le tableau pédopornographique, réclamaient également son décrochage, mais ont été déboutées au printemps par le tribunal administratif de Paris puis par le Conseil d'Etat.

Le tribunal administratif a estimé que «l'œuvre ne saurait (...) être comprise en dehors de son contexte et du travail de l'artiste Miriam Cahn qui vise à dénoncer les horreurs de la guerre». Le tribunal soulignait aussi que le Palais de Tokyo a choisi d'exposer le tableau «dans une salle séparée avec d'autres œuvres susceptibles de choquer le public» et mis en place des panneaux d'avertissement.

Un dispositif de médiation a été mis en place compte tenu du «caractère sensible de l’œuvre». Ainsi, les mineurs ne pouvaient pas rentrer sans être accompagnés d’adultes.

Emmanuel Macron déplore la vandalisation

Mais à 15h30 dimanche, un homme «a dégradé volontairement» cette oeuvre «en y projetant de la peinture» mauve, a indiqué le musée à l'AFP, confirmant une information de Franceinfo. L'homme, une «personne âgée» selon une source proche du dossier, était «mécontent de la mise en scène sexuelle d'un enfant et d'un adulte représenté selon lui sur ce tableau» mais il ne fait pas partie d'un groupe activiste.

Il «a été immédiatement appréhendé par les agents de sécurité (...) et emmené par la police», ajoute le centre d'art contemporain qui «portera plainte pour dégradation de bien et entrave à la liberté d'expression».

Dans un tweet posté ce lundi 8 mai, le président Emmanuel Macron «condamne» cet «acte de vandalisme». «S'en prendre à une oeuvre, c'est attenter à nos valeurs, estime le chef de l'Etat. En France, l'art est toujours libre et le respect de la création culturelle, garanti.»

Une polémique «suscitée par le RN» 

Après s'être rendue sur place, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak a rappelé dans une déclaration transmise à l'AFP que la justice avait «confirmé que ce tableau, tel que mis en contexte, pouvait être présenté au public».

«Le Rassemblement National a instrumentalisé ce tableau pour susciter la polémique et attaquer la liberté de création des artistes», a affirmé la ministre qui avait été interpellée sur le sujet en mars par la députée RN Caroline Parmentier.

«Sans cette instrumentalisation par le RN, nous n'en serions certainement pas arrivés là», a-t-elle estimé.

«Nous regrettons les conséquences extrêmes de cette polémique», a pour sa part déclaré Guillaume Désanges, président du Palais de Tokyo, soucieux de «soutenir l'art (...) avec enthousiasme, conscience et responsabilité envers tous les publics».

«En accord avec l'artiste, le Palais de Tokyo continuera à présenter le tableau et l'exposition» qui a attiré 80.000 visiteurs, «avec les traces de la dégradation jusqu'à la fin prévue de la saison, le 14 mai», précise le communiqué.

Contactée par l'AFP, l'association Juristes pour l'enfance a indiqué découvrir cette dégradation. «Juristes pour l'enfance et les autres associations (ont) agi comme nous le faisons toujours, en saisissant la justice, en écrivant aux responsables et en informant l'opinion», a-t-elle déclaré.

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