En direct
A suivre

«Kaamelott – Premier volet» : Pour Alexandre Astier, «au cinéma, tout est plus facile !»

Le réalisateur a souhaité raconter l'histoire d'un héros «qui échoue et n'y croit plus». [© JOEL SAGET / AFP]

C'est peu dire que l'attente fut longue, mais elle sera désormais récompensée dans quelques heures pour les premiers spectateurs à se rendre en salle. Avec la sortie de son long-métrage «Kaamelott - Premier volet», Alexandre Astier offre aux spectateurs une comédie d'aventure comme on n'en avait plus vu depuis longtemps en France.

A savoir un mélange ambitieux d'humour, de grands moyens – utiles et visibles à l'écran – et de savoir-faire, le tout porté par un casting de haute volée, comme on pouvait en trouver dans «La Grande Vadrouille» ou encore «La folie des grandeurs». Celui qui porte la couronne et cumule comme à son habitude les fonctions (compositeur, réalisateur, acteur, scénariste et bien d'autres), a répondu aux questions de CNEWS avec ce franc-parler qui le caractérise, évoquant aussi bien les avantages du long format au cinéma que l'importance de prendre l'humour au sérieux.

Dans quel état d'esprit êtes-vous à quelques jours de l'arrivée du film au cinéma, après plus de dix ans d'attente depuis la fin de la série ?

J'attends un peu le stress mais il ne vient pas pour le moment. Contrairement à la série, où chacun la découvrait seule devant son écran, le cinéma est quelque chose de collectif. J'aimerais bien que chacun y trouve ce qu'il doit y trouver. Bizarrement, je n'ai pas la notion de ce grand public, pas d'impression de larguer ce film dans l'espace ! J'ai plutôt l'impression de le confier à chacun des spectateurs. Peut-être parce qu'il y a beaucoup de choses dans ce film, beaucoup de gens, c'est assez touffu. J'ai donc surtout hâte, sans nervosité, qu'on arrête d'en parler et que les gens se mettent dans une salle et soient ouverts à ce qui se passe à l'écran.

Si ce n'est pas votre premier long-métrage, c'est la première fois que vous développez «Kaamelott» sur un temps aussi long, deux heures pile de film. Avez-vous changé vos habitudes pour vous y adapter, vous qui parlez souvent de l'importance du rythme et des dialogues dans une comédie ?

Non, je dirais même que tout est plus facile dans le long-métrage. Kaamelott, c'est depuis toujours un environnement qui tente de mettre en opposition de petits personnages, inopérants, inefficaces, avec un grand environnement périlleux. Le long-métrage a permis beaucoup de raccourcis pour cet environnement périlleux.

Kaamelott met en opposition de petits personnages dans un grand environnement périlleux.

D'un coup, les décors sont grands, on va dans d'autres pays, on met plus de temps à mettre en scène de grandes choses, des armées imposantes...Du coup, ces personnages sont immédiatement aux prises avec ce grand truc. Il y a une polarisation qui va plus vite. Il suffit d'être en plein désert d'Oman, avec un petit feu de bois, pour que la petitesse des personnages saute aux yeux.

Vous parlez souvent de votre admiration pour Louis de Funès, ou encore pour l'art du dialogue d'un Michel Audiard par exemple. D'un autre côté, votre humour absurde vous relie aussi à celui, plus anglo-saxon, des Monty Python. Quelle filiation revendiquez-vous finalement ?

Je crois qu'il y a quand même un point commun à tout ça. Je sais qu'entre les british et nous, il y a une longue histoire d'opposition, mais on est quand même assez cousins. De son côté, de Funès, quand vous voyez la scène du «Corniaud», ou il répare la voiture, c'est un véritable ballet. Il n'y a pas le moindre clin d'œil chez lui, pas un clin d'œil décalé. Il y a du rythme, du sérieux, une musicalité...Les Monty Python, de Funès...Tous ces gens-là créditent cette absurdité, ils mettent beaucoup d'énergie, de sérieux et de travail dans cette absurdité. Si vous la faites en déconnant, ça tombe par terre, car elle très fragile. Faire la comédie avec beaucoup de sérieux et de respect, beaucoup d'humilité, c'est commun à tout ça.

Votre galerie de personnages répond souvent à des archétypes très forts, et chacun sait le rôle qu'il tient, sans chercher à en déroger. L'idiot sait qu'il est idiot, le traître également...C'est cette possibilité de mettre en scène ces archétypes qui vous plaît dans la légende arthurienne ?

Je pense que les personnages de comédie sont des gens qui ne sont pas assez efficaces pour ce qu'ils entreprennent. On peut retrouver ça dans toutes les comédies. Mais si en plus, vous avez l'occasion de leur affubler des archétypes francs, de traîtres, de parricides, de putschistes, tout en les mettant dans une situation domestique, banale, le ressort comique n'en est que plus fort.

Votre personnage d'Arthur est-il celui qui, justement, refuse la place qu'on lui attribue, le destin tout tracé qu'on lui réserve ?

Ce qui pèse à Arthur, c'est ce qu'on lui fout sur le dos. C'est un destin qui lui est dicté : les dieux, le Graal, la dame du lac...En plus de ça, il doit arriver à ses fins avec une équipe qui ne pige pas grand-chose. Il est seul à comprendre, et être seul clairvoyant d'une situation, c'est assez flippant ! C'est le seul en tout cas à s'autoriser – non pas à lutter contre, mais à se débiner devant son destin.

Vous introduisez dans le film quelques passages qui s'apparentent à des flashbacks dans l'enfance d'Arthur. Quel sens donnez-vous à ces retours en arrière, très touchants dans le film ?

L'enfance est quand même souvent la référence des auteurs populaires. Quand vous lisez Marcel Pagnol, vous n'avez pas seulement quelqu'un qui vous fait le journal de son enfance, vous avez quelqu'un qui vous dépeint une période qui a illuminé sa vie, qui lui sert de référence tout le temps, parce que les amours étaient surpuissants, parce que les héros de cette époque – aussi bien un type qui tire bien sur les oiseaux qu'un autre qui jour bien aux boules – lui paraissaient grandioses.

L'enfance, c'est la pâte à crêpe de ce que l'on fabrique.

C'est cette amplification des souvenirs d'enfance que j'ai voulu montrer dans ces passages. Steven Spielberg dit lui-même qu'il y a beaucoup d'argent à faire à se souvenir de l'enfant qu'on était. L'enfance, c'est la pâte à crêpe de ce que l'on fabrique.

La distribution du film est, à l'image de celle la série, impressionnante, avec une immense galerie de rôles. Dans votre processus créatif, est-ce l'acteur qui vous suggère un rôle à créer pour lui, ou vous cherchez plutôt, à l'inverse, l'acteur ou actrice qui collera au mieux avec le rôle que vous avez précédemment imaginé ?

Chez moi, tous les acteurs ont inspiré un personnage, ça n'a jamais été l'inverse ! Je suis un auteur qui part du principe que mon imagination est plutôt limitée. On voit toujours l'imagination comme quelque chose de foisonnant, mais je n'y crois pas, je pense que c'est l'inverse. Si vous partez de ce principe, vous devez choper toutes les occasions pour que les choses racontent votre film ou votre histoire à votre place. Cela va agir comme un révélateur, un moyen de faire le tri dans ce que vous avez à dire. Quand j'ai bu un café avec Guillaume Gallienne par exemple, avant que le rôle de chasseur de prime n'existe pour lui, j'ai d'abord discuté avec lui, je l'ai entendu parler. Quand je lui ai proposé de l'embarquer avec moi, je lui ai demandé s'il y avait des choses qu'il n'aimait pas, qui le bloquait. Il m'a répondu qu'il avait le mal de mer, qu'il n'aimait pas les bateaux. C'est justement ce que j'ai imaginé pour lui, de le mettre sur ce navire. Le gag naît de ça, mais s'il ne m'en avait pas parlé avant, cette scène n'aurait probablement jamais existé. J'avais envie de le faire parler à l'écran, avec la mer autour de lui, et tout le ressort comique qui en résulte.

Le roi Arthur est une figure qui a connu d'innombrables versions, dans lesquelles chaque auteur a voulu y projeter quelque chose. Quelle est propre votre image de ce héros, depuis la première saison de la série jusqu'au film ?

Mon Arthur à moi, il échappe au principe compétitif du héros, énergique, valeureux du héros. C'est un héros qui se décourage, qui pose son sac, qui en a plein le cul, qui ne veut plus y aller. J'ai envie de raconter ça aux gamins aujourd'hui, leur raconter un mec qui échoue, qui n'y croit plus, qui reprend courage de temps en temps puis qui en a de nouveau ras-le-bol. Un type mélancolique, dépressif.

Arthur, c'est un héros qui se décourage. (...) Un type mélancolique, dépressif.

On est quand même dans un monde où on rabâche aux jeunes les notions de réussite, de succès...

En gros, si à 50 ans tu n'as pas ta Rolex, tu n'es pas un homme. Je suis content de mon côté de leur dire : «C'est beau aussi de perdre». Le mythe arthurien, je l'utilise pour renvoyer ça aux gens, sous un verni d'humour et d'absurdité. Mais au fond, il y a quand même un mec que je suis fier de montrer faible.

Le premier volet est prêt à sortir dans quelques jours, mais on ne peut s'empêcher de vous poser la question : les deux prochains sont-ils déjà lancés, entamés, en cours de réalisation ?

Pas du tout, je ne veux pas ! Alors bien sûr, je sais que dans le deuxième il se passera telle chose, et dans le troisième, telle autre! Mais je me force à ne pas rentrer plus avant dans la suite. Mais je compte bien aller jusqu'au bout du mythe arthurien.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités