En direct
A suivre

Les frères Bogdanov sortent une version actualisée et illustrée de leur best-seller « Le visage de Dieu»

Les Frères Bogdanov proposent à nouveau de remonter le temps jusqu'aux premières heures du Big-Bang, et même au-delà.[© LORENVU/SIPA]

De sacrées collaborations - pas moins de trois Nobel ayant directement contribué à l'élaboration de la théorie du Big-Bang - pour un ouvrage à l'actualité toujours aussi brûlante. En ressortant aux éditions Guy Trédaniel leur ouvrage de 2010 «Le Visage de Dieu», les frères Bogdanov réactualisent ce best-seller qui remonte le temps jusqu'au fameux Big-Bang, la supposée explosion primordiale qui a donné vie à notre univers. Et tentent d'imaginer ce qui a bien pu engendrer ce déferlement d'énergie cosmique.

En bref, et cette question est devenue leur cheval de bataille au fil du temps et de leurs recherches, qu'y avait-il avant ce Big Bang ? Qu'est-ce qui a bien pu entrainer cette explosion d'énergie, avant même la naissance du temps, de l'espace et de la matière ? Pour dérouler ce récit comme le ferait un archéologue spatial, les deux chercheurs usent de leurs talents de vulgarisateurs et de conteurs hors-pairs, toujours dans un langage simple et didactique.

couvdieuok_5e5904842d73e.jpg

Dès les premières pages, les auteurs nous abreuvent d'exemples en tout genre, à grand renfort de chiffres vertigineux, comme pour mieux nous entrainer dans leur démonstration et l'idée que « ce réglage millimétré de l'Univers ne peut être engendré par le hasard, et c'est pourquoi nous recherchons son origine» nous expliquaient-ils lors de la première sortie du livre.

La taille de l'Univers matériel à sa naissance ? 10 puissance moins 33 cm, soit des milliards de fois plus petit qu'un atome. La chaleur qu'il dégage alors ? 100.000 milliards de milliards de milliards de degrés. Trois minutes à peine après le Big Bang, 98% de la masse de l'Univers dans lequel nous vivons était crée...Et des exemples comme ceux-ci, le livre en regorge, construisant pages après pages une sorte de machine à rêves et à questionnement métaphysique. 

Les archéologues du cosmos

Car si l'existence du Big-Bang semble désormais acquise, cette théorie, imaginée au début du XXeme siècle, a longtemps rendu sceptiques les scientifiques, y compris Albert Einstein, qui refusait de concevoir l'idée selon laquelle l'Univers était non stable et en expansion. C'est pourtant sa découverte de la relativité générale, en 1915, qui va servir à ses collègues pour asseoir leurs affirmations, théorisée par Alexander Friedman en 1922, qui imaginait le développement de l'Univers à partir d'un point infinitésimal. C'est d'ailleurs en suivant le cheminement intellectuel du mathématicien russe que les frères Bogdanov commencent à dérouler toutes les avancées qui vont chambouler à jamais notre vision de l'Univers, toujours à grand renforts d'anecdotes sur ces scientifiques défricheurs, replaçants ces cerveaux hors du commun dans un quotidien et des contingences qui les rendent plus vivants que jamais. Une sorte d'histoire condensée de l'astronomie du XXeme siècle et du début du XXIeme.

000_par7692944_5e5905d2126f7.jpg

Ce photomontage montre le satellite Planck, en 2013, devant la radiographie du fond diffus cosmologique. © AFP PHOTO / EUROPEAN SPACE AGENCY / D. DUCROS

Après avoir suivi Friedman et ses quatre mousquetaires d'élèves (Lev Landau, George Gamow, Matveï Bronstein et Dmitiri Ivanenko), les deux frères exposent les découvertes, les questionnements et le vécu de l'abbé belge Lemaitre et sa défense d'un Univers en expansion en 1927, les premières observations de l'américain Hubble en 1929, en passant par l'«écho cosmique» relevé par Robert Wilson et Arno Penzias en 1964, les lancements des divers satellites (COBE, WMAP, Planck) qui permirent les premières observations de l'Univers à sa naissance, jusqu'aux dernières avancées sur le devenir de cette explosion primordiale. Il faut dire que la décennie qui vient de s'achever a été féconde en avancées sur le sujet, avançant de nouvelles suppositions ou précisant ce qui a déjà pu être découvert. Comme l'idique le physicien John Mather dans sa préface, «Pour la première fois, les scientifiques disposent d'outils qui leur permettent de répondre à ces questions : la cosmologie est devenue aujourd'hui une science expérimentale (et précise)».

Un titre volontairement provocateur

Mais en choisissant pour titre de leur livre la célèbre phrase de l'astrophysicien américain George Smoot, les deux frères placent volontairement la cosmologie «aux confins de la physique, de la métaphysique, et de la philosophie» selon leurs mots. George Smoot, après avoir vu la première photo de la naissance de l'Univers, grâce au satellite COBE, en 1992, avait alors lancé : «Si l'on est religieux, c'est comme voir le visage digital de Dieu». Une phrase qui fit grand bruit et causa d'ailleurs beaucoup de tort à son auteur, qu'il assorti d'une autre, tout aussi difficile à admettre pour la communauté scientifique : «L'homme n'est pas le fruit d'un accident cosmique». Sur cette célèbre première photo de l'Univers «enfant», on peut apercevoir différentes tâches, en forme de bain de couleur bleu sombre qui parsèment l'Univers.

De quoi s'agit-il ? D'une infime variation de température - 2 millionièmes de degré -  au sein de la première lumière apparue dans l'Univers, il y a presque 14 milliards d'années, et dont on a pu capter le signal. Ces variations seraient en fait les traces, gravées pour toujours, des premiers «restes» du Big-Bang, 380.000 ans après son apparition. Le satellite WMAP, lancé en 2001, puis, surtout, le satellite Planck de 2009, ont affiné ces observations, et ont pu remonter encore plus loin dans le temps...Jusqu'à ce fameux mur de Planck, du nom du Nobel de Physique allemand (1858-1947). Un «mur» qui désigne la période qui se déroula 10-43 seconde après le Big-Bang, alors que les quatres interactions fondamentales (électromagnétisme, interaction forte, interaction faible et gravitation) étaient unifiées, et qui résiste à toute observation. Un mur que les deux auteurs-vulgarisateurs décident tout de même de faire tomber, leur permettant d'avancer leur principale théorie : avant cette existence physique que le Big-Bang a donné à l'Univers, avant même l'apparition du mur de Planck, sous quelle forme pouvait bien exister l'extrême précision des règles physiques qui allaient mettre en branle la matière et la régler pour les milliards d'années à venir ?

au commencement est l'information  

Comme l'indiquent les frères Bogdanov dans leur livre, «il y avait avant le Big-Bang quelque chose qui peut être décrit comme une information. Ainsi, selon notre théorie informationniste, on peut considérer, face à l'évolution de l'Univers, qu'il y avait à la base une sorte de code numérique, qu'on pourrait appeler un code cosmologique». A l'image d'un disque dur qu'on implanterait dans une machine pour lui donner la marche à suivre, cette information aurait en amont ordonné précisément la marche de notre Univers, avec l'apparition de l'énergie, puis la matière. S'appuyant sur toutes les citations de scientifiques qui pourraient venir à l'appui de cette théorie, ils avancent ainsi qu'à la fin de l'expansion de l'Univers, «il s'évaporera et que, sans doute, toute la matière se transformera à nouveau en une information qui aura pris en compte ce qui s'est passé dans l'histoire de l'Univers. Ce qui nous donne à tous un destin».

000_1b4980_5e5908512e880.jpg

Le physicien et astronome George Smoot, prix Nobel de physique en 2006 © Ulises Ruiz / AFP

C'est bien évidemment l'accumulation de ces affirmations, l'utilisation des concepts de «particule Dieu» pour désigner le Boson de Higgs découvert en 2012, les citations d'Einstein - «Je refuse de croire en un Dieu qui joue aux dés avec le monde» - qui peuvent susciter le plus de critiques, la frontière avec les théories créationnistes du «dessein intelligent» devenant de plus en plus fines. Reste que cette ouvrage est passionnant, parfois complexe mais dont rien n'empêche une lecture exhaustive. Surtout, il est appuyé par sa triple préface de haute volée, puisque trois prix Nobel de physique, directement impliqués dans les avancées décisives autour de la naissance de notre univers, se sont exprimés au début du livre. Robert Wilson (primé en 1978), John Mather (2006) et James Peebles (2019) viennent ainsi exposer leur vision de la théorie du Big-Bang et de la formation de l'Univers. Une triple préface à l'intérêt évident, et qui, il faut bien le dire, permet aussi aux frères Bogdanov d'asseoir leurs arguments et leur point de vue original, face aux nombreuses attaques et critiques dont ils sont coutumiers. Au lecteur de se laisser guider dans cette formidable épopée, et de creuser parmis les multiples ressources présentées dans « Le visage de Dieu» pour se faire sa propre idée. 

Le visage de Dieu, Igor et Grichka Bogdanov, nouvelle édition illustrée, Guy Trédaniel éditeur, 24,90 €.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités