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La semaine de Philippe Labro : Quiétude à Angkor, inquiétude pour Schumi

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste. [THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour DirectMatin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

MERCREDI 8 JANVIER

Retour à Paris après dix jours au Cambodge. C’est une banalité : pour peu que l’on s’éloigne de l’Hexagone, on mesure à quel point le monde tourne d’une autre manière. L’actualité, en Asie du Sud-Est, comme en Asie tout entière, n’a que faire de nos problèmes, querelles, anecdotes locales.

Entre deux visites de cet étonnant vestige d’un monde disparu, ces temples et palais d’Angkor, fréquentés par des masses de touristes chinois, russes, japonais, et un peu moins d’Occidentaux, il m’arrivait de saisir quelques images et informations venues de France. Je voyais surgir et resurgir, en boucle, l’attente autour du sort de Schumacher, avec l’extraordinaire déploiement de forces médiatiques (combien de micros et caméras, en ce moment, à Grenoble ?) – événement hors de proportion, mais justifié par le poids d’un palmarès (sept fois champion du monde), le profil d’un gagneur, qui, à chaque fois qu’il montait dans une Formule 1, flirtait avec la mort – et que le destin atteint lors d’une banale descente de ski.

J’avais droit, aussi, à du Dieudonné jusqu’à l’écœurement ; au «tournant» que semble vouloir amorcer François Hollande ; aux nombreuses prédictions pour 2014.

Rien de tout cela n’apparaît, bien entendu, dans les médias asiatiques. Il est rare qu’on lise une seule ligne sur ce qui se passe en Europe. Les journaux sont plus occupés par les affrontements politiques en Thaïlande ; les faits divers d’envergure en Chine (démantèlement d’un réseau géant de fabrication de drogues, à l’échelle de toute une ville – destruction de tonnes d’ivoire saisies à Denguan) ; une campagne d’activistes australiens contre la flotte japonaise, qui, comme chaque année à cette date, entame la chasse à la baleine (le Japon, cette année, devrait tuer plus de mille baleines) ; la Corée du Sud qui, dans l’esprit du nouvel an, souhaite un rapprochement avec le Nord.

Enfin, et surtout, car cela s’est passé à Phnom Penh, capitale du Cambodge, la cruelle attitude d’un pouvoir qui n’a pas hésité à faire tirer l’armée sur des ouvriers grévistes réclamant une augmentation de salaires : quatre morts – plus de cinquante blessés. Les touristes de Siem Reap avaient beau côtoyer la beauté des fresques et l’imposante domination des gommiers géants dont les racines ont, depuis le XIIIe siècle, repris possession des pierres de l’Empire khmer, on était, le soir venu, rattrapé par cette violence, qui rappelait, à une échelle évidemment bien moindre, la folie khmère rouge des années 1970.

 

JEUDI 9 JANVIER

Quelques bonnes nouvelles, au retour. La présidence de l’académie Goncourt revient à Bernard Pivot. Voilà quelqu’un qui, toute sa vie, aura œuvré pour le livre. Il demeure, comme il se définit lui-même, un «homme d’influence». C’est un bon choix. De même, celui de la réalisatrice néo-zélandaise, Jane Campion, pour présider le prochain Festival de Cannes. L’auteur du si beau film La leçon de piano, saura, comme Pivot au Goncourt, distinguer les œuvres de grande qualité, que l’on peut offrir au plus grand public.

Pour moi, le plus beau livre de la rentrée actuelle (janvier, c’est la deuxième grande rentrée littéraire après les 500 et quelques livres de septembre), est signé de Marc Lambron : Tu n’as pas tellement changé (Grasset).

Qu’on pardonne le ton un peu décousu de cette première chronique de 2014 : le décalage n’est pas seulement horaire, il est culturel. J’ai encore les temples khmers dans la tête et les malheureuses victimes de Phnom Penh dans le cœur.

 

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