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La semaine de Philippe Labro : unanimité universelle, éternelle humanité

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste.[THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour DirectMatin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

DU JEUDI 5 DÉCEMBRE AU MERCREDI 11 DÉCEMBRE

La grande figure de Mandela aura donc dominé toute cette semaine. Depuis la seconde où l’on apprend sa mort, dans la nuit de jeudi à vendredi, jusqu’au lendemain de cet extraordinaire hommage, mardi, dans le stade de Soweto, sous la pluie, il nous a été donné à tous, dans notre vie quotidienne, de réfléchir à la personnalité et à la vie de cet homme.

Bien entendu, l’actualité a continué de dérouler ses imprévus, ses annonces, ses événements.

Ainsi, il était parfois dérisoire de voir à quel point certains médias mettaient pratiquement au même niveau d’intérêt la «chance» des Bleus qui ont eu droit à une «poule facile» pour la prochaine Coupe du monde au Brésil. Mais ce n’était qu’un épiphénomène.

Face à cette réunion, sans précédent, de présidents venus de tous les coins de la planète (ou presque, car où étaient donc les Russes et les Israéliens ?), à l’écoute du discours d’Obama, à la vision – événement, lui aussi, singulier – du même Obama serrant la main de Raul Castro, et face, aussi, reconnaissons-le, à la parfaite courtoisie entre les deux présidents français, (l’ex, Sarkozy et l’actuel, Hollande), face, enfin, et surtout, à ces dizaines de milliers de Sud-Africains chantant sous la pluie, il fallait bien, en effet, réfléchir à la raison profonde, réelle, pour laquelle un tel moment d’unanimité universelle a eu lieu.

Le pourquoi de cet émoi et cette admiration se résument en un seul mot : le pouvoir absolu du pardon. Mandela a su pardonner. Comme l’écrit très bien, dans son talentueux blog, mon confrère Michel Crépu (L’édito mobile de La revue des deux mondes) : «Que l’on veuille bien seulement se souvenir que Mandela ne put assister aux obsèques de sa propre mère et qu’il ne fut pas, non plus, un an plus tard, autorisé à assister à celles de son fils

Le prisonnier de Robben Island, arrivé au pouvoir suprême, a mis de côté la rancune et la rancœur, a oublié la tentation de la vengeance, et il a tenu la main aux Blancs de l’apartheid qui les avaient, lui et son peuple, opprimés. En ce sens, il était tout ce que doit être un homme d’Etat.

J’ai particulièrement remarqué un article de Bill Keller dans le New York Times. De tout ce que j’ai lu sur Mandela, c’est là que j’ai trouvé une des meilleures explications du geste de pardon de Mandela. Lorsque, en 2007, le même éditorialiste du grand journal américain avait rencontré Mandela afin de préparer sa biographie, il lui avait demandé :

– Après des tourments aussi barbares que ceux que vous avez subis, comment avez-vous pu mettre la haine de côté ?

A quoi, l’admirable Rolihlahla Mandela, né le 18 juillet 1918 dans un petit village de vaches, blé, et toits faits de boue séchée, répondit à Keller :

– La haine obscurcit l’esprit. Ça entrave le chemin de la stratégie. Les leaders ne peuvent pas se permettre de haïr.

Tout était dit en quelques mots. Lucidité et calme dans une réponse ni orgueilleuse, ni faussement humble, mais portée par une intelligence supérieure qui rejoint celle d’un Gandhi, ou, plus tard, d’un Vaclav Havel.

«Les leaders ne peuvent pas se permettre de haïr», tel était l’état d’esprit (provisoire ?) de l’étonnant rendez-vous mondial de Soweto. On a eu raison de rappeler que de nombreuses nations, parmi celles invitées à l’hommage de mardi, avaient longtemps soutenu l’apartheid.

Mais il faudrait, surtout, répéter, pour la troisième fois dans cette page : un leader ne doit pas haïr, la haine obscurcit l’esprit. Il y a une sérieuse brochette d’Etats – et d’hommes qui les dirigent – qui pourraient s’inspirer de ces mots. Mais ont-ils seulement envie de les lire ?

 

Retrouvez tous les éditos de Philippe Labro

Mandela : l'interprète en langage des signes faisait n'importe quoi

 

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