En direct
A suivre

Steve McCurry : «découvrir d'autres cultures»

Le photographe Steve Mc Curry, le 24 octobre à Paris. [© KENZO TRIBOUILLARD / AFP]

Une légende vivante du photojournalisme lève le voile sur ses archives. Après avoir parcouru le monde durant plus de trois décennies, l’Américain Steve McCurry revient sur ses reportages les plus marquants dans le livre Inédit : les histoires à l’origine des photographies (Phaidon). De son célèbre portrait d’une jeune Afghane à ses clichés de Ground Zero après les attentats du 11-Septembre, en passant par ses reportages en Inde, ses clichés sont le fruit d’aventures hors du commun.

Pourquoi avoir voulu revenir sur la genèse de vos photographies ?

Il était très intéressant de montrer comment se déroulait le processus qui a abouti à ces photos. Une grande partie de ma vie consiste à préparer, à rechercher, à observer… c’est grâce à cet important travail que les photos finissent par apparaître.

C’est votre goût de l’aventure qui a fait de vous un photographe ?

La photographie m’a permis de voir le monde, de rencontrer des personnes, de découvrir de très nombreuses cultures… Je me suis très vite rendu compte que c’était la manière la plus intéressante de vivre ma vie. Cela m’a permis d’aller dans des pays comme l’Afghanistan et de raconter ce qui s’y passe, en espérant que cela contribue à améliorer la situation.

Comment êtes-vous devenu, en 1979, le premier photographe à couvrir la guerre d’Afghanistan ?

Tout s’est joué sur une rencontre. J’étais dans un hôtel au Pakistan quand j’ai rencontré des Afghans qui m’ont dit qu’il y avait une guerre de l’autre côté des montagnes. Ils m’ont alors demandé de venir prendre des photos car personne ne racontait leur histoire. J’ai ensuite pu entrer clandestinement dans le pays, en revêtant un déguisement.

Pourquoi votre portrait de la jeune Afghane est-il devenu si célèbre ?

Lorsque je l’ai photographiée (en 1984, ndlr), c’était une petite fille d’une grande beauté, très touchante. Il y avait chez elle un mélange de tristesse et de fragilité, dissimulé derrière un regard fier traduisant une forte personnalité. Son visage était sale, mais il y avait en elle de la dignité.

Quel est le reportage qui vous a le plus marqué ?

En dehors de l’Afghanistan, c’est sans doute la première guerre du Golfe, en 1991. Il y avait cette énorme catastrophe environnementale (causée par le sabotage des puits de pétrole du Koweït par l’Irak, ndlr) et tellement de pertes humaines. Partout autour de moi, je voyais des scènes de destruction épiques, c’était inimaginable. C’est certainement l’histoire la plus puissante que j’ai eu l’occasion de raconter.

Pourquoi l’Inde a-t-elle une place si importante dans votre carrière ?

Quand je suis parti pour ce pays (en 1979, ndlr), je devais y rester six semaines. Mais je me suis retrouvé happé par cette expérience, et je suis resté deux ans. Depuis, j’y suis retourné près de quatre-vingts fois. Il est plus intéressant de travailler dans des endroits où il se passe des choses. Et en Inde, toutes les activités ont lieu dans la rue.

Vous avez couvert les évènements du 11-Septembre à New York, votre ville. Comment l'avez-vous vécu ?

C’était au-delà de l’imagination. J’étais dans un état de déni, je n’y croyais pas. J'avais conscience de vivre le genre d'événement qui change une vie. C’était une journée horrible. J’ai senti qu’il fallait que je photographie, car c’est ce que je sais faire de mieux. Et nous avons besoin d’avoir des traces, de nous souvenir du monde dans lequel on vit.

Que recherchez vous lorsque vous faites des photos ? 

Je cherche les histoires, des petites choses qui m’intéressent. Il ne s'agit pas seulement de prendre des photos : je suis fasciné par le monde dans lequel on vit. Et j'aime commencer la journée dans un état d'esprit consistant à être ouvert à la nouveauté, j'aime aller dans des zones ou l'on découvre des choses, être pris dans le mouvement du monde.

Vous ne vous sentez jamais seul lorsque vous voyagez ? 

Je suis toujours avec un assistant ou un guide, je suis régulièrement au téléphone avec mon studio… J’ai expérimenté la solitude, mais je ne me sens jamais seul quand je voyage.

Dans le livre, vous racontez avoir échappé plusieurs fois à la mort. Comment gérez vous la peur ?

Il y a des moments ou vous aimeriez vraiment être ailleurs. La peur est toujours là, mais j’essaie de travailler avec une marge de sécurité. Je n’ai jamais mis ma vie en danger intentionnellement : il y a toujours un calcul. J’essaie d’être prudent.

Etes-vous marqué par les drames dont vous avez été témoin ?

Oui, cela m’affecte. J’essaie de garder du recul, mais c’est parfois tellement triste, tellement tragique… Ce n’est pas toujours évident de passer à autre chose. 

Vous êtes un observateur privilégié du monde. Comment voyez vous son évolution au cours des trente dernières années ? 

Certaines choses se sont améliorées, comme les relations entre les cultures ou les droits civiques. Mais d’autres choses continuent à poser problème : les atteintes à l'environnement, l'extrêmisme religieux… il y a encore beaucoup de travail à faire. Beaucoup de gens continuent à ne pas se préocupper des conséquences de leurs actes. C’est parfois difficile d’être optimisme, quand vous voyez des endroits comme la Syrie ou l’Irak. Et c'est la même chose quand on voit des milliers d'espèces comme les éléphants, les tigres, les rhinocéros... qui disparaissent. Quand on sait qu'une corne de rhinocéros est vendue 50 000 dollars, vous pouvez juste leur dire adieu ! C’est infiniment triste.

Inédit : les histoires à l’origine des photographies, Steve McCurry, éd. Phaidon.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités