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Michel Boujenah : « Je mène la vie dont je rêvais »

Michel Boujenah[CC/Georges Biard]

En 2010, Michel Boujenah revenait avec Enfin libre ! sur trente ans de carrière. Direct Matin était allé à sa rencontre à quelques heures de la première. Stressé mais heureux, l’artiste affirmait alors une fois de plus son bonheur d’être sur les planches.

 

Archive – Article publié le mercredi 10 mars 2010

 

Il vous a donc fallu trente ans pour vous libérer de vos carcans ?

Michel Boujenah : En effet (rires) ! Ce spectacle marque la fin d’une époque et le début d’une autre. Pendant trente ans, j’ai travaillé sur une structure bien définie. Je racontais une histoire comme un film ou une pièce de théâtre. Aujourd’hui, je relate plusieurs histoires. Je ne me cache plus derrière mes personnages, je n’ai plus mes bretelles, ni mon costume de Superman. Enfin libre ! est le spectacle le plus sincère de ma carrière.

 

Quel message souhaitez-vous délivrer à travers ce one-man show ?

M. B. : Je parle de la difficulté d’être soi-même. Il ne faut pas faire attention aux étiquettes que la société nous colle parfois. Nous pouvons en effet écouter la Messe en si mineur de Bach ou la Passion selon saint Matthieu et adorer les titres de la rappeuse Diam’s. Ce n’est en rien contradictoire, bien au contraire. Mélanger les genres et les styles reste une démarche formidable.

 

Vidéo : Enfin libre

 

 

Pourquoi distribuez-vous au public une recette de boulettes de viande délivrée par votre mère ?

M. B. : Les Chinois ont leur muraille de Chine, moi j’ai le mur des boulettes de viande construit par ma mère (rires). Un mur qu’il faut casser pour voir le monde. Je suis contre le communautarisme, mais pas contre l’identité. J’ai vécu toute ma vie en me demandant qui j’étais. Tunisien dans l’âme, j’ai aussi une culture française très vaste. Je suis proche de mon peuple tout en m’intéressant aux autres.

 

Selon vous, la nouvelle génération d’humoristes est-elle moins mordante, plus politiquement correcte que la vôtre ?

M. B. : L’humour ne s’est pas refroidi. En témoignent les sketchs du duo Omar et Fred, de Stéphane Guillon ou de Yann Barthès dans son Petit journal. On peut rire de tout si chacun rit de soi. Un Noir qui se moque d’un Noir reste plus drôle qu’un Blanc qui plaisante sur un Noir. L’arrivée de Jamel Debbouze a eu un côté salvateur car un Arabe se moquait de ses pairs, donc de lui-même. On ne peut donc pas le taxer de raciste. Les origines d’un artiste ne le limitent en aucun cas. Sinon, le cinéaste Marcel Pagnol n’aurait séduit que le public provençal.

 

A quoi pensez-vous quand vous quittez la scène ?

M. B. : Contrairement à certains artistes qui se disent «une de plus» à l’issue d’une représentation, je préfère dire «une de moins». Encore un spectacle que je ne rejouerai plus. C’est triste de devoir quitter son public.

 

Vidéo : Michel Boujenah découvre la fondue savoyarde 

 

 

Avez-vous peur du temps qui passe ?

M.B. : Terriblement. Vieillir ne m’angoisse pas du tout, j’y pense seulement cinquante fois par jour (rires). Avoir mal au dos en me levant le matin, ne pas pourvoir faire la fête avec mes copains jusqu’à trois heures du matin ou ne pas jouer au tennis aussi régulièrement que je le souhaite me pèsent beaucoup. Je suis à la fois fatigué et dans une forme olympique. Je suis très en retard sur le planning que je me suis fixé. J’ai besoin de temps. Je ne veux pas que tout s’arrête maintenant.

 

Et si votre carrière s’arrêtait demain ?

M. B. : Je prendrais ma retraite et continuerais à écrire des histoires. C’est toute ma vie. J’ai eu beaucoup de chance. Je mène la vie que je rêvais d’avoir, enfant. J’exerce un métier que j’aime, je ne meurs pas de faim, mes enfants sont à l’abri et je n’ai pas perdu ma dignité. Mais la scène me manquera. C’est le seul endroit au monde où j’ai l’impression de tout maîtriser. La vie de l’autre côté du rideau est tellement dure et compliquée.

 

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