En direct
A suivre

André Comte-Sponville : « Vouloir que tout soit égal à tout est un contresens sur les droits de l’homme »

André Comte-Sponville[Capture d'écran Youtube]

Depuis son «Petit traité des grandes vertus», c’est l’un des philosophes préférés des Français. Avec «L’esprit de l’athéisme» (Albin Michel), André Comte-Sponville défend une spiritualité sans Dieu.

 

Archives – Article publié le lundi 8 janvier 2007

 

Né en 1952, André Comte-Sponville est un ancien élève de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm (promotion 1972). Agrégé de philosophie et docteur es-Lettres, sa pensée s’oriente en particulier sur la question du bonheur et de sa recherche, dans la lignée d’Epicure  ou de Lucrèce.

Longtemps enseignant (à l’université de Paris I-Panthéon-Sorbonne), il signe régulièrement des chroniques dans la presse (Libération, Psychologies…) et multiplie les conférences. Mais ce sont ses ouvrages qui lui ont assuré sa réelle notoriété.

Son Petit traité des grandes vertus (1998) rencontre un grand succès auprès du public. Avec Luc Ferry, il publie dans la foulée La sagesse des Modernes qui confirme l’engouement des lecteurs. Ses travaux ne laissent pas indifférents : en 2000, Serge A. Claeys publie Ni Comte, ni Sponville : opuscule sur la Volonté.

 

Peut-il y avoir une foi sans croyance en un dieu ?

André Comte-Sponville : Je ne parle pas de foi, mais de spiritualité. L’erreur souvent commise est de croire que spiritualité et foi sont la même chose. Je me définis comme athée, non dogmatique et fidèle. Athée, parce que je ne crois pas en Dieu, non dogmatique, parce que mon athéisme n’est pas un savoir. Je ne prétends pas savoir que Dieu n’existe pas. Si quelqu’un dit : «Je sais que Dieu n’existe pas», ce n’est pas un athée, c’est d’abord un imbécile. Pareillement, si quelqu’un vous dit : «Je sais que Dieu existe», c’est un imbécile qui a la foi. Enfin, la fidélité, c’est ce qui reste de la foi quand on l’a perdue. Un athée fidèle reste attaché à un certain nombre de valeurs. Le fait de ne pas croire en Dieu n’est pas une raison valable pour repousser 3 000 ans de civilisation judéo-chrétienne.

 

Le religieux prend une place de plus en plus importante aujourd’hui. Est-ce un danger ?

A. C.-S. : Mon adversaire est double : d’un côté le fanatisme et l’obscurantisme, de l’autre le nihilisme. Le fanatisme, c’est l’excès de foi, voire imposer sa foi aux autres par la force s’il le faut. Le nihilisme, c’est un défaut total de foi. C’est celui qui ne croit en rien, qui n’a ni valeurs ni idéaux.

 

Lequel est le plus menaçant ?

A. C.-S. : A l’échelle du monde, c’est le fanatisme. Mais à l’échelle de la France, le nihilisme est encore plus dangereux.

 

«Dieu est mort», formule célèbre de Nietzsche. Que voulait-il dire ?

A. C.-S. : Que la religion avait perdu toute crédibilité sociale et intellectuelle. Il avait donc tort : le cadavre de Dieu bouge encore. Si on nous avait dit en 1968 que 30 ans plus tard le plus grand rassemblement de jeunes dans notre pays serait les Journées mondiales de la jeunesse devant le pape Jean- Paul II, personne n’y aurait cru. Même chose pour la question du voile ou les menaces de mort à l’encontre des dessinateurs danois du Jyllands Posten ou du professeur de philosophie Robert Redeker. Nietzsche pensait dépasser les fanatismes, or le combat pour les Lumières n’a jamais été aussi urgent qu’aujourd’hui.

 

Comment analysez-vous la tension interreligieuse née dans le sillage du discours de Benoît XVI sur l’Islam ?

A. C.-S. : Les réactions démesurées après le discours de Ratisbonne m’ont surpris. Les gens s’étonnaient qu’un pape trouve le christianisme mieux que l’islam. Les êtres humains sont égaux en droit et en dignité, et dire qu’un musulman est inférieur à un athée est un acte raciste. Pour autant, toutes les religions ne sont pas égales. Arrêtons de vouloir que tout soit égal à tout, car c’est un contresens sur les droits de l’Homme. Si tout se vaut, alors le «droit-de-l’hommisme» se réduit à un nihilisme raffiné.

 

Vous avez cru en Dieu jusqu’à l’âge de 18 ans. Que s’est-il passé ?

A. C.-S. : J’étais en terminale deux ans après 1968. Dans ces années-là, la passion politique a tout emporté. Or, toute passion est monomaniaque par définition. Dieu a d’abord cessé de m’intéresser, puis j’ai cessé d’y croire. Ensuite, étant en terminale, je faisais de la philosophie et les arguments allant dans le sens de l’inexistence de Dieu m’ont apparu plus forts que ceux allant dans le sens de son existence.

 

Cela ne vous empêche pas de vivre des expériences mystiques…

A. C.-S. : J’avais 25 ans, nous nous promenions en forêt avec des amis. J’ai vécu une expérience mystique. Une suspension du discours, de la raison : c’est le silence. Une suspension du manque : c’est la plénitude. Une suspension de la séparation entre soi et tout : c’est l’unité. Entre soi et soi : c’est la simplicité. Une mise entre parenthèses du temps, du moins du passé et de l’avenir, pour qu’il ne reste que le présent : c’est l’éternité. Une parenthèse de l’espoir et de la crainte : c’est la sérénité. La spiritualité est un état modifié de conscience, un état de mystique. J’ai mis longtemps à accepter le mot.

 

Enthoven : « L’actualité ne doit pas dicter les sujets de philo »

Le Grand Rabbin de France usurpe un titre d’enseignement

Luc Ferry lance une polémique sur Hollande

 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités