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Alain Guiraudie : «Cannes est un peu le nirvana du cinéaste»

Alain Guiraudie accède à la compétition pour la première fois avec le film "Rester vertical". Alain Guiraudie accède à la compétition pour la première fois avec le film "Rester vertical".[Copyright Les Films du Losange]

Alain Guiraudie arrive pour la première fois en compétition avec «Rester vertical». Un conte social sur la paternité et le déclassement, qui n'a pas froid aux yeux. Le réalisateur français ne cache pas son appréhension à l'idée de présenter son film ce soir dans le Grand Théâtre Lumière du Palais des Festivals.

Après être passé par la Quinzaine des réalisateurs en 2009 avec «Le roi de l'évasion» et à Un certain regard en 2013 avec le très remarqué «L'inconnu du lac», vous êtes sélectionné pour la première fois en compétition.

Il y a le trac. Je viens à Cannes avec une forte appréhension. Quand on est sélectionné en compétition, le pays entier le sait. C’est hallucinant le nombre de gens qui se sont manifestés pour me féliciter. C’est un peu le nirvana du cinéaste. C’est une reconnaissance qui fait du bien. Et après, ça fout la trouille parce que c’est une première projection publique. J’aime ces moments-là où je suis avec le public. Une projection est une communion autour d’un film. Là, ça va être avec 2 000 personnes. Hier, je suis allé voir le film de Woody Allen. J’ai revu ce qu’était la grande salle. Ca va être un sacré truc. Donc un accueil, ne serait-ce que poli, dans cette salle-là, ça doit être dur à vivre. Je pense que je sentirai la moindre vibration du public. C’est une appréhension et en même temps beaucoup d’excitation. Mais il faut connaître ça au moins une fois dans sa vie quand on est cinéaste.

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Quel est le parcours de Leo, le héros du film?

Il se laisse beaucoup porté par les événements. C’est un vrai héros passif. On part sur des bases étranges. Chercher à voir le loup. C’est une espère de chimère. Le loup est l’animal qu’on ne voit jamais. On ne peut le voir que quand il est en captivité. Leo est un mec qui va et vient. Le film parle aussi de l’angoisse de la page blanche. C’est vrai que je me suis déjà posé cette question de savoir qu’est-ce qui se passera quand je n’aurai plus envie de faire des films, de rencontrer mon prochain… Ca parle de la question du désir. J’ai l’impression que le moment où l’on rentre véritablement en déchéance c’est quand on n’a plus de désir. C’est là où se situe la différence entre la capitulation et quand on a encore envie de voir, faire, de survivre, de rester debout. Et en même temps, il n’y a pas de message clair dans mes films. J’aime brasser et questionner l’actualité. Il y a quand même pas mal de sujets actuels dans le film comme l’homoparentalité, la monoparentalité, le suicide assisté… En tant que militant, j’ai des idées, je les affirme, mais en tant que cinéaste, j’ai envie de dépasser mon activité de militant et de rentrer dans des choses plus intemporelles, comme le conte par exemple. Dans ce que les Américains appellent le "bigger than life". J'aime l’idée qu’un film sert aussi à ça. A sublimer notre quotidien, à universaliser nos, et mes, expériences intimes. C’est un film à beaucoup d’entrées, qui brasse beaucoup de situations où on est à la fois dans le vraisemblable et l’invraisemblable.

Vous filmez la chair et le sexe de façon frontale.

C’est une façon pour moi d’aller voir des choses qui me font peur. Cette scène d’accouchement, aller regarder le sexe de la femme, ce "continent noir" comme l’appelle Freud... C'est un monde obscur qui nous fout un peu la trouille, mais qui donne la vie et dont on vient. L’accouchement, c’est monstrueux, un bébé qui sort du sexe d’une femme, c’est du niveau d’Alien. Et en même temps je trouve ça très beau. J’essaie d’aller chercher la beauté là où elle n’est pas forcément. C’est surtout pour moi une manière d'aller affronter des choses que j’ai un peu du mal à regarder. 

 

 

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