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L'astronaute Thomas Pesquet invité exceptionnel de l'Insep, temple du sport français

«Un système à préparer pour le vol spatial, c’est son corps», a affirmé l'astronaute. [JULIEN DE ROSA / AFP ]

A deux ans des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, l’astronaute français Thomas Pesquet s’est rendu mardi 20 septembre à l’Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance (Insep), à Paris. L’occasion d’évoquer, devant un parterre d’athlètes de haut niveau, la préparation intensive et les contraintes physiques et mentales auxquelles sont soumis les astronautes.

«Nous avons sans doute pas mal de points communs avec le sport de haut niveau», a affirmé le spationaute Thomas Pesquet lors d’une conférence organisée à l’Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance (Insep), mardi 20 septembre. Au cours de la journée, après avoir visité les installations de cette fabrique d’athlètes olympiques, le Normand a revêtu le costume de conférencier le temps d’une soirée. En effet, l’institution française «Terre de champions» semblait être l’endroit adéquat pour aborder toutes les exigences et sacrifices auxquels sont soumis les astronautes. Des notions bien connues des sportifs de haut niveau.

En décrivant sa dernière mission dans l’espace nommée «Alpha» - qui a eu lieu d’avril à novembre 2021 -, Thomas Pesquet a ainsi livré un récit captivant aux athlètes de l’INSEP.

«Un système à préparer pour le vol spatial, c’est son corps»

Outre les divers protocoles ou techniques scientifiques à assimiler, les spationautes doivent respecter un entraînement spécifique et parfois éprouvant. «Nous ne sommes pas des athlètes de haut niveau mais quand même, nous avons des accélérations du décollage et de l’atterrissage ou encore des phases compliquées (…), nous perdons beaucoup de masse musculaire et de masse osseuse pendant six mois, il faut donc essayer de partir le plus en forme possible», a affirmé l’astronaute français.

Et pour cause, le voyage est périlleux pour atteindre la station spatiale internationale (ISS) qui tourne sur une orbite terrestre située à 400 kilomètres d’altitude. Stage de survie sans assistance et sous des températures extrêmes, répétition dans une centrifugeuse dédiée aux astronautes… Tous les scénarios possibles au moment du décollage font dès lors l’objet de nombreuses répétitions. En outre, les femmes et hommes de l’espace s’astreignent à 1 h 30, voir 2 h d’exercice physique par jour. S’ils effectuent quotidiennement ces durées de séance à bord de l’ISS, à l’approche du jour du décollage, les temps d’entraînement peuvent augmenter.

La préparation qui s’étend sur plusieurs années, se déroule de surcroît entre la NASA à Houston (Etats-Unis), la Cité des Etoiles dans la région de Moscou (Russie) ou encore le centre d’entraînement européen basé à Cologne (Allemagne).

«Un marathon du haut du corps»

En effet, il est nécessaire de préparer le corps à l’état d’impesanteur qu’il va connaître pendant 200 jours et notamment aux sorties extravéhiculaires, autrement dit hors de la station.

En raison des températures extrêmes, le spationaute doit s’équiper d’un scaphandre de 175 kg, rempli d’air. L’inertie des engins ou objets portés est telle qu’avoir des abdominaux et les maitriser semble essentiel. Dès lors que le cosmonaute bouge le scaphandre, il se bat contre la pressurisation. Chaque fois qu’il ferme la main, il ressent la sensation d’écraser une balle de tennis et ce, pendant près de sept heures. Selon le Français, les sorties extravéhiculaires sont ainsi de véritables «marathons du haut du corps, la chose la plus difficile que j'ai eu à vivre».

Pour maîtriser cet exercice acrobatique, l’entraînement sur Terre passe par des cours de plongée dans le plus grand bassin du monde à Houston. La piscine permet à l’astronaute de retrouver des conditions simulées d’impesanteur proches de celles vécues dans l’espace.

Un temps de réadaptation au retour sur Terre

A leur retour sur Terre, le moindre geste est un effort, a expliqué Thomas Pesquet. Lever son bras revient à soulever près de 7 kg, un effort totalement étranger pendant 200 jours sans gravité. Les astronautes sont, de plus, confrontés à une perte de masse musculaire, en particulier des muscles difficiles à entraîner, ceux situés autour de la colonne vertébrale. Ils perdent aussi en masse osseuse, rencontrent des problèmes d’équilibre, et leur vision peut être affectée. Toutefois, tout cela revient à la normale. «La seule chose que je n’ai pas encore totalement récupérée, c’est la densité osseuse, car les os ne sont pas sollicités dans l’espace», a reconnu l’astronaute de 44 ans.

Si une mission dans l’espace a des conséquences positives au niveau de la confiance en soi, après avoir passé autant de temps dans l’ISS à flotter avec les six mêmes personnes, certaines situations de la vie quotidienne paraissent en revanche incongrues. «Je me suis retrouvé dans les embouteillages, j’étais dans ma voiture avec 5.000 autres personnes qui avaient décidé au même moment, au même endroit de prendre leur voiture, le truc le plus aberrant de la Terre. Je me suis demandé mais qu’est-ce que je fais là, qui sont ces gens ?».

Un suivi psychologique «préhistorique»

A l'instar les sportifs de haut-niveau, les astronautes investissent une grosse partie de leur temps à la préparation de leur objectif. De même, ils n’hésitent pas à renoncer à une partie de leur vie privée pour y arriver.

Le temps moyen d’attente de dix à douze ans difficile à gérer, 4 candidats sur 23.000 retenus pour une mission, les échecs, la crainte de perdre une aptitude médicale, ne pas être choisi pour aller dans l’espace, quitter ses proches… La carrière d’un spationaute est effectivement éprouvante d’un point de vue mental. Néanmoins, le suivi psychologique reste assez archaïque avec une seule entrevue par an avec un praticien.

D’après Thomas Pesquet, les astronautes ne sont «pas tellement suivis par rapport à des sportifs. Tu dois te débrouiller un peu tout seul».

Au cours de la mission «Alpha», Thomas Pesquet et ses collègues ont ainsi tenté de récréer un semblant de vie sociale ou familiale. Outre des soirées pizzas, à l'occasion du 14-Juillet ou pour la fête nationale japonaise, ils ont organisé des Jeux olympiques de l’espace. Dans un module spatial décoré par une guirlande de fanions représentant les drapeaux du monde, les spationautes se sont affrontés sur des épreuves spatiales telles que le handball sans les mains ou encore la flottaison synchronisée.

Alors que la plupart des athlètes préparent les JO de Paris 2024, la venue à l’Insep de Thomas Pesquet, passionné et ambitieux, à insuffler un vent de témérité. Le dixième astronaute français à avoir été dans l'espace voit lui aussi grand. Dans le viseur : une mission sur la Lune à l’horizon 2025-2030.

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