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Tabac : tout savoir sur ces «perles de nicotine» qui ciblent les ados et inquiètent les associations

Les perles de nicotine se sont largement démocratisées, notamment chez les jeunes. [Twitter @JeNeFumePlus]

Dans une étude publiée ce mardi 14 novembre, l’Alliance contre le tabac (ACT) a estimé que 11 % des adolescents de 13 à 16 ans ont expérimenté «les perles de nicotine», apparues en France en milieu d’année. Face à cette consommation inquiétante, les associations militent pour son interdiction rapide, tout en pointant ses méfaits et son caractère addictif.

Le tabagisme, première cause de décès évitable en France, demeure, de toute évidence, un fléau. Une étude relayée ce mardi par l’Alliance contre le tabac (ACT) a démontré que 21 % des jeunes de 13 à 16 ans ont affirmé connaître les «perles de nicotine». Pire encore, 11 % de cette population a assuré en avoir déjà consommé cette année.

Pour mieux comprendre les contours de ce produit en pleine expansion chez les jeunes, le comité national contre le tabagisme (CNCT) a détaillé pour CNEWS les caractéristiques de ce dernier. 

«Les perles de nicotine sont un tout nouveau produit qui est apparu en France au deuxième trimestre 2023. Il s’agit vraiment de toutes petites billes aromatisées qui contiennent 8mg/g de nicotine. Elles sont disponibles à plusieurs saveurs fruitées et mentholées. Elles se font fondre sur la langue, ça dure quelques secondes», a expliqué l’une de ses porte-paroles.

La marque qui les commercialise depuis le milieu d’année, Nicopop, a toujours répété que son produit n’était pas destiné aux mineurs.

Pourtant, ces perles de nicotine vendues sur le site internet de la marque au prix de 9,90 euros pour 60 billes se sont largement démocratisées, notamment chez les jeunes.

Un produit de sevrage sur le papier mais addictif au final

Parfois mises en avant pour aider les fumeurs à mettre un terme au tabagisme, les perles de nicotine ne sont pas sans danger.

«Il est vendu comme un produit de sevrage mais ce n’est pas le cas puisque le taux de nicotine est beaucoup trop faible pour que les fumeurs puissent se sevrer de la nicotine. Ce taux est néanmoins suffisant pour recruter de nouveaux consommateurs et faciliter l’addiction à la nicotine», a analysé l’experte du CNCT contactée par CNEWS.

Un avis largement partagé par la communauté scientifique, qui a reconnu volontiers son caractère addictif. 

«Les produits comme les perles ont un effet “shoot“ de nicotine à chaque absorption et c’est cet effet “flash“ qui crée véritablement la dépendance. C’est absolument redoutable, ça n’amène pas du tout au sevrage, au contraire, ça maintient la dépendance à la nicotine», a précisé le professeur Loïc Josseran, également président de l’ACT.

Ce dernier a ajouté une donnée importante concernant la facilité d’accoutumance aux perles de nicotine, à savoir la possibilité non restreinte de son utilisation dans l’espace public. 

«Les effets sur la santé sont divers. Le plus évident est celui de rendre dépendant. Cette nicotine va être absorbée de façon régulière. A la différence de la cigarette, on peut l’utiliser tout le temps, partout, n’importe où… Cette nicotine, à force d’une consommation permanente, va rapidement rendre dépendant, notamment les plus jeunes. Ces pastilles, qui sont aux fruits ou aux parfums plus surprenants les uns que les autres, ne s’adressent pas à de vieux fumeurs», a regretté le professeur pour CNEWS.

Des associations militent pour l'interdiction des perles de nicotine

Pour endiguer la démocratisation des perles de nicotine, les associations de lutte contre le tabac ont martelé la nécessité d’interdire au plus vite ces produits. «Ce que l’on demande, c’est d’interdire ces produits-là. Il y a certains pays européens, notamment la Belgique, qui ont interdit les produits oraux à la nicotine», a rappelé la CNCT.

Elle a proposé d’encadrer la vente de nicotine afin d’éviter que les jeunes ne soient directement atteints par la dépendance. «Il faudrait avoir une règlementation de la nicotine, qu'elle soit considérée comme un médicament et uniquement prescrite sur ordonnance. Cela éviterait que de nouveaux fabricants mettent sur le marché toujours plus de produits à la nicotine destinés à un usage commercial et non thérapeutique», a fait savoir le CNCT.

Le professeur et doyen de l'UFR Simone Veil-Santé à l'Université Versailles Saint-Quentin a abondé en ce sens, évoquant un passage un tremplin potentiel des perles de nicotine vers la cigarette.

«C’est la dépendance des plus jeunes qui est un des risques principaux. Tout ça relève d’une épidémie pédiatrique. Quand ces enfants seront addicts à la nicotine et qu’ils auront 20-25 ans, ils vont passer à autre chose et bien souvent, c’est la cigarette», a déploré le président de l’ACT.

Il en profité pour mettre à mal une idée persistante dans l’opinion publique qui voudrait que la quantité de tabac fumé importe plus que le temps passé comme fumeur.

«Les fumeurs pensent réduire les risques liés au tabac car au lieu de fumer par exemple 15 cigarettes par jour, ils ne vont plus en fumer que 10. Malheureusement, ils vont continuer à fumer et ce qui fait la dangerosité du tabac, c’est la consommation dans la durée. La dangerosité s’installe dans le temps quel que soit le volume consommé», a souligné le professeur.

L’interdiction prochaine des puffs en guise d’exemple à suivre

Avec l’interdiction annoncée des puffs, une cigarette électronique à usage unique, avant la fin de l’année, les associations espèrent profiter de cet effort politique pour englober les perles de nicotine.

«Il y a des choses qui se passent car on va avoir l’interdiction de la puff début décembre. Il a fallu quasiment deux ans et demi pour en arriver là, c’est long mais en même temps, à l’échelle législative, c’est assez court. Est-ce que le gouvernement va se mobiliser plus vite maintenant qu’il a compris ce qu’était le danger de ces produits-là ? On va voir. Nous militons en tout cas pour l’interdiction de ces produits le plus rapidement possible», a avancé le professeur Josseran.

Il a rappelé la rapidité d’expansion des puffs dans l’Hexagone, avec une part de marché exponentielle chez les jeunes ces dernières années.

«Les puffs, quand c’est arrivé sur le marché fin 2020, il y avait 0% de consommateurs. Aujourd’hui, on est à 15 % de consommateurs réguliers entre 13 et 16 ans. On voit très bien la rapidité avec laquelle s’installent ces pratiques chez les adolescents et pré-adolescents. Il ne faut pas laisser le temps aux industriels de prendre possession du cerveau de nos enfants», a mis en garde le président de l’ACT.

Pour rappel, le tabagisme est responsable chaque année de près de 75.000 morts par an en France, ce qui en fait la première cause de décès évitable. Le gouvernement, qui doit présenter son plan national de lutte contre le tabagisme dans les prochaines semaines, a fait part de son ambition de parvenir à une génération sans tabac d’ici 2032.

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