En direct
A suivre

Baltasar Garzon: la chute d'un farouche défenseur des droits de l'homme

Blanchi lundi par la justice dans son procès sur les disparus du franquisme, le juge espagnol Baltasar Garzon, fils de pompiste d'un humble village d'Andalousie, avait déjà vu sa carrière médiatique de traqueur d'oppresseurs détruite par une affaire d'écoutes illégales.[AFP/Archives]

Blanchi lundi par la justice dans son procès sur les disparus du franquisme, le juge espagnol Baltasar Garzon, fils de pompiste d'un humble village d'Andalousie, avait déjà vu sa carrière médiatique de traqueur d'oppresseurs détruite par une affaire d'écoutes illégales.

Cheveux blancs marqués d'une mèche grise, fines lunettes, l'image de ce magistrat hyperactif de 56 ans, aux velléités de "justicier international", assis sur le banc des accusés a marqué la fin du parcours d'une personnalité aussi admirée qu'haïe en Espagne.

Mais des deux procès retentissants pour lesquels il a comparu ces dernières semaines, c'est finalement le moins symbolique, sur le plan international, qui aura précipité sa chute: une affaire d'écoutes illégales dans une enquête sur un réseau de corruption qui avait éclaboussé en 2009 la droite espagnole.

Pour ses partisans, cela ne fait aucun doute: le magistrat paye surtout l'audace d'avoir voulu enquêter sur le passé franquiste de l'Espagne, un procès dans lequel il a finalement été acquitté lundi.

Le célèbre juge, que ses détracteurs décrivent comme une "star" plus préoccupée d'occuper la Une des journaux que de ficeler juridiquement ses dossiers, était déjà suspendu de ses fonctions à l'Audience nationale depuis mai 2010.

Sans attendre les verdicts, Baltasar Garzon s'était déjà "exilé", selon le terme employé par ses proches: d'abord à La Haye puis en Colombie, où il sert actuellement le gouvernement comme consultant envoyé par la Cour pénale internationale (CPI).

Il poursuit ainsi son idéal d'une "justice universelle" à des milliers de kilomètres de Torres, le village assis à flanc de montagne dans la campagne andalouse où il est né le 26 octobre 1955.

Ce fils d'un employé de station service qui a grandi dans la misère de l'Espagne rurale des années 1950 s'est forgé une carrière de magistrat grâce aux études: d'abord boursier au lycée, il passe par le Séminaire avant de choisir sa voie, le droit, où il enchaîne les affaires délicates et médiatiques.

Si ses enquêtes sur le terrorisme islamiste ou les trafiquants de cocaïne galiciens ont souvent été battues en brèche par les tribunaux, il a obtenu d'indéniables succès en 22 ans de lutte contre l'organisation indépendantiste basque ETA.

Sa renommée internationale explose en 1998 lorsque le juge espagnol ordonne l'arrestation à Londres de l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet.

Ses sympathies affichées pour la gauche le poussent jusqu'à se faire élire député du parti socialiste, en 1993. Mais elles ne l'ont pas empêché d'enquêter dans les années 1980 sur les Groupes antiterroristes de libération (Gal), organisation secrète créée sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez pour éliminer des membres de l'ETA.

Cette enquête lui avait alors valu l'adulation de la droite et des inimitiés à gauche.

Depuis ses débuts, ses ennemis sont nombreux. Mais jamais le "juge star" n'avait eu à faire front à un tir aussi nourri que celui déclenché par sa décision, en 2008, d'ouvrir la première instruction sur les "crimes contre l'humanité" du franquisme, malgré la loi d'amnistie votée par le Parlement espagnol en 1977, deux ans après la fin de la dictature.

Cette démarche était cohérente avec sa trajectoire. Après avoir longuement traqué d'ex-tortionnaires des dictatures sud-américaines des années 1960-70, Baltasar Garzon a considéré qu'il ne pouvait ignorer les crimes impunis de la dictature espagnole.

Le juge Garzon a échoué dans son pays. Mais ses enquêtes sur l'Amérique latine ont planté le germe de la reconnaissance, en 2005, par la justice espagnole, de sa compétence pour poursuivre et juger des crimes contre l'humanité et des génocides dans le monde entier.

Son vieux rêve d'une "justice universelle" a cependant été revu à la baisse en 2009 en Espagne, l'un des rares pays à l'avoir brièvement mise en oeuvre, à la suite de démêlés diplomatiques avec Israël et la Chine.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités