Une maison colorée, aux murs recouverts de graffitis attire l'attention. Dans ce quartier populaire d'Athènes, Metaxourgeio, des immigrés poussent des caddies de supermarchés chargés d'objets métalliques, des garages réparent de vieilles voitures.
Klimaka, une ONG, créée en 2000 et subventionnée par les ministères de la Santé, des Affaires étrangères et du Travail, s'est installée là pour aider les plus démunis. Dans la maisonnette rouge, le long des voies ferrées, des sans domicile fixe (SDF) viennent trouver un refuge chauffé, des vêtements, de la nourriture ou un soutien psychologique.
A Athènes, le profil des sans-abri a changé avec la crise économique explique la responsable de Klimaka, Effie Stamatogiannopoulou, infirmière de profession: "Avant, dans la rue on rencontrait un triptyque composé d'immigrés, d'alcooliques et de drogués. Ces deux dernières années, on note, d'après nos données, une augmentation de 25% de SDF qui n'ont pas de syndromes psychopathologiques, qui sont simplement au chômage".
Les dernières statistiques confirment la tendance: 20% de la population active est au chômage, et près d'un jeune sur deux de moins de 25 ans (48%).
Parmi les quelques 400 personnes accueillies dans le centre chaque semaine, Lorenzo Braimi, 33 ans, originaire d'Albanie. Stylo en main, il parcourt les pages des journaux. Installé à Athènes depuis 18 ans, il a perdu son emploi d'électricien il y a près de six mois. "Je ne pouvais plus payer mon loyer, et je me suis retrouvé à la rue. Des amis m'ont hébergé plusieurs jours de suite et m'ont conseillé de m'adresser à cette association" raconte-t-il.
Depuis dix jours, il vient tous les matins décortiquer les petites annonces et utiliser le téléphone pour postuler aux offres. "Aucun travail ne m'effraie" assure-t-il, et demande même aux journalistes de l'AFP: " Vous n'avez pas un petit boulot pour moi dans votre entreprise?"
Petros, 56 ans, fuit les médias. Ancien marin au chômage depuis trois ans, il a perdu son emploi victime de la mondialisation, face à la concurrence croissante des marins turcs ou philippins. Petros, rémunéré 2.000 euros par mois pour quelque 50 heures par semaine, ne faisait pas le poids face à cette main d'oeuvre payée 600 euros.
A la rue depuis deux ans, il cherche constamment un lit pour la nuit. Il a bien deux frères, mais "eux-mêmes sont au chômage".
"En Grèce, le problème des sans-abri est récent" affirme Christos Papatheodorou, professeur en politique sociale à l'Université Democritus (Thrace, nord du pays).
La solidarité familiale, traditionnelle en Grèce, a jusqu'à présent permis de contenir l'expansion du phénomène due à la crise, "mais la situation risque d'exploser" s'inquiète Effie Stamatogiannopoulou.
D'après l'organisme de statistiques officielles ELSTAT, un peu plus de trois millions des quelque 11 millions d'habitants du pays (soit 27,7%) étaient au bord de la pauvreté ou de l'exclusion sociale en 2010, au tout début de la crise de la dette, qui s'est accentuée depuis.
Mais, comme le souligne M. Papatheodorou "Eurostat ou les statistiques nationales basent leurs résultats sur un ménage type, c'est-à-dire des personnes ayant un toit au-dessus de leurs têtes. Donc, l'augmentation de l'extrême pauvreté dans laquelle se trouvent les SDF n'apparaît pas dans les statistiques".
L'association Klimaka estime à 20.000 le nombre de personnes vivant dans la rue à Athènes. Le maire d'Athènes, George Kaminis, a déclaré en décembre au journal Ethnos que le nombre de SDF avait augmenté de 20% par rapport à l'an dernier.
M. Papatheodorou craint pour l'avenir: " La détérioration des conditions salariales, et toutes ces coupes, réalisées dans les services publics et dans le système de sécurité sociale, risquent d'accentuer encore davantage la pauvreté" prévient-il.