En direct
A suivre

Attentat à Moscou : que doit-on craindre de Daesh en 2024 ?

Les combattants de Daesh, dispersés en Syrie et en Irak, seraient entre 5.000 et 25.000 combattants. [©YouTube / AFP (Photo d'archive)]

Trois jours après l'attentat revendiqué par Daesh, qui a fait plus de 130 morts près de Moscou en Russie, la crainte du terrorisme refait surface en Occident. Dans ce contexte, CNEWS s'est entretenu avec Adel Bakawan, sociologue et chercheur, expert sur la question du Moyen-Orient.

Avec l'attentat terroriste survenu dans une salle de concert près de Moscou qui a fait plus de 130 morts, la crainte d'une nouvelle vague d'attaques terroristes se fait sentir en Europe. Sommes-nous en danger ? CNEWS a interrogé sur le sujet Adel Bakawan, sociologue, fondateur et directeur du Centre Français de Recherche sur l'Irak.

Les Etats-Unis ont averti le Kremlin il y a plusieurs semaines d'un risque certain d'attentat terroriste. Pensez-vous que les Russes n'aient pas pris la menace au sérieux ? 

Pour le cas de Moscou, il y a deux contextes très importants. Le premier, la guerre en Ukraine. Il est tout à fait logique et rationnel, au vu de l’escalade du conflit ces derniers mois, que la Russie donne la plus grande priorité à cette guerre. Lorsque vous réorientez la totalité ou presque des services de votre pays, il est naturel de négliger les autres menaces. On parle d’un avertissement des Américains, mais on ne connaît pas à ce jour, la nature de ce dernier. Quelle était sa nature ? Quel était son degré ? Son échéance ? Si vous lancez comme ça que vous êtes menacés d’une manière assez vague, sans donner de contenu, il est très simple de dire «oui mais on vous avait averti».

Deuxième contexte, il ne faut pas oublier qu’il y a quelques jours, Vladimir Poutine a remporté l’élection présidentielle pour un cinquième mandat. On est encore dans l’ivresse de cette victoire en Russie, avec un pourcentage de vote de plus de 87%. Daesh a ainsi saisi cette occasion, cette faille sécuritaire. Ce qui est important pour Daesh, ce n’est pas de frapper Bagdad, ni Damas où il n’y a pas de journalistes, c’est d’avoir de la visibilité. C’est pourquoi Daesh va mobiliser la totalité de ses armes pour pouvoir attaquer les grandes capitales de la communauté internationale.

La communauté internationale a-t-elle oublié la menace islamiste ? 

Il y a cette idée chez la communauté internationale, que Daesh est défait territorialement, que Daesh n’est plus en mesure d’être une menace. Mais à chaque fois, Daesh frappe. Daesh frappe à Bagdad, Daesh frappe en Afrique du Nord, Daesh frappe en Europe. Si on pense que la défaite territoriale de Daesh est la défaite à la fois de l’organisation terroriste et de son idéologie, on fait une erreur stratégique capitale.

Daesh est actuellement beaucoup plus menaçant qu'auparavant.

Faut-il craindre une résurgence de Daesh en Europe ? 

Je n’ai aucun doute sur la menace de Daesh qui pèse en Occident, notamment en France et sur Paris. Les services de renseignements des pays européens et des Etats-Unis le savent très bien. Oui Daesh a été défait territorialement, oui Daesh n’a plus son califat, mais Daesh actuellement est beaucoup plus menaçant qu’auparavant. Un Daesh territorialisé ce sont des institutions, une armée, une population et surtout un territoire, un front contre un front. Mais une organisation terroriste sans base, c’est une organisation qui est désormais sans limites. Daesh est nulle part et en même temps partout. Dites-moi où allez-vous bombarder Daesh ? Nulle part. C’est pourquoi la base militante de Daesh se déploie à l’international. Ils ont le temps, puisqu’ils sont beaucoup moins menacés. Ils peuvent prendre plusieurs mois pour fomenter un attentat, tant qu’ils arrivent à reproduire un nouveau Bataclan comme en Russie, qui a fait plus de 130 morts.

Il faut rappeler que Daesh dispose d’une économie exceptionnelle, plus de 100 millions de dollars*. Quant aux combattants de Daesh, dispersés en Syrie et en Irak, ils sont estimés entre 5.000 à 25.000 aujourd’hui. Une donnée difficile à chiffer puisqu’il est impossible de savoir combien ils sont réellement, notamment en Europe par exemple. Regardez ce qu’il se passe en Israël ou au Yémen, le contexte est tout à fait favorable pour être instrumentalisé, capitalisé et rentabilisé par Daesh pour pouvoir mener des actions à l’échelle internationale et mobiliser les bases sociales en France, au Royaume-Uni, etc. Autrement dit, il y a des conditions objectives qui favorisent cette idéologie terroriste.

Quel rôle peuvent jouer l'Occident et les Etats-Unis pour lutter efficacement contre Daesh ?

Si on limite comme on le fait aujourd’hui, la lutte contre une organisation terroriste comme Daesh à un seul espace, Daesh reviendra en force. Il renaîtra de ses cendres systématiquement tant que la communauté internationale n’a pas traité les conditions qui permettent l’émergence des organisations terroristes telles qu’Al-Qaïda. Aujourd’hui c’est Daesh, mais demain cela peut être une organisation terroriste encore plus importante et extrémiste. Pour sortir de cette situation, il faut traiter à la fois, donc en même temps et à la racine, les causes politiques, sociales, économiques et idéologiques du terrorisme.

Il est également nécessaire de s’interroger sur les cadres dirigeants de Daesh. Une grande majorité de leurs dirigeants sont des sunnites irakiens ou syriens. Même s’il y a des branches terroristes islamistes en Europe et même en Asie, ce sont ces cadres-là qu’il faut traiter avant tout. Ce sont eux qui fournissent l’économie et l’idéologie à l’organisation.

*Entre 2014 et 2017, la Financial Action Task Force (FATF) estime que Daesh a généré plusieurs centaines de milliers de dollars, en exploitant les territoires qu’ils occupaient et en revendant leurs denrées, comme le pétrole notamment.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités