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Turquie : qui était Atatürk, l'homme qui a fondé la République il y a tout juste 100 ans ce dimanche ?

Mustapha Kemal, dit Atatürk, a crée le Parti républicain du peuple et proclamé la République turque le 29 octobre 1923. [Ozan KOSE/AFP]

La République turque va fêter ses 100 ans d’existence ce dimanche 29 octobre, à l’occasion de la traditionnelle fête d’indépendance organisée chaque année dans tout le pays. L’occasion de retracer le parcours de l’homme considéré comme son père fondateur, à savoir Mustafa Kemal, dit Atatürk.

Un homme érigé en modèle en Turquie, peu importe les orientations politiques de ses différents successeurs. Considéré comme le père fondateur de la Turquie, Mustafa Kemal sera à nouveau largement célébré ce dimanche dans tout le pays à l’occasion de la fête de l’indépendance, marquant cette année le centenaire de la création de la République turque.

Grâce à des mesures ambitieuses, frôlant parfois le despotisme, il est parvenu à fonder un État laïque et républicain sur les ruines du puissant Empire ottoman. Respecté peu importe la couleur politique de ses successeurs, son œuvre a grandement inspiré les différents gouvernements turcs des dernières décennies. Son portrait continue même d’orner les plus importants édifices du pays ainsi que certaines résidences, peu importe la classe de population.

De lieutenant à président en 15 ans

Mustafa Kemal naît à Salonique (la capitale de la Macédoine alors sous domination ottomane) en 1881 d'un père modeste fonctionnaire provincial, selon la revue spécialisée L’Histoire. La prise définitive de la ville par les armées grecques en 1912 le contraint à l’exode vers Ankara, tout comme des centaines de milliers de réfugiés turcs et musulmans des Balkans.

A 12 ans, il entre à l'école préparatoire militaire de Salonique, puis fait ses études au collège militaire de Monastir en Macédoine. Il intègre ensuite l'école de guerre d'Istanbul puis l'école d'état-major dont il sort lieutenant en 1905.

En mai 1919, Mustafa Kemal est envoyé par le sultan de l’époque pour inspecter la IIIe armée en Anatolie orientale. Au lieu de remplir sa mission, il s'insurge et s'impose aux résistants de l'Est anatolien lors des congrès d'Erzurum et de Sivas lors de l'été. En fin d'année, Mustafa Kemal installe son quartier général à Ankara. Après la dispersion du Parlement ottoman en mars 1920, il y réunit une Assemblée nationale dont il devient le premier président. 

La guerre d’indépendance

La «guerre d’indépendance» éclate alors en Turquie, opposant la grande Assemblée nationale menée par Mustafa Kemal à Ankara contre le sultan-calife Mehmet VI Vahdettin, légitime sur le plan historique, dynastique et religieux mais sous la coupe des Alliés, à Istanbul. 

En août 1922, les troupes kémalistes lancent une vaste contre-offensive contre une armée grecque et entre à Smyrne en septembre. Quelques mois plus tard, Ismet Pacha, le bras droit de Mustafa Kemal, arrache aux Alliés le traité de Lausanne donnant à la Turquie son indépendance.

En fin d’année, Mustapha Kemal supprime le sultanat et contraint le dernier sultan à l’exil. Quelques mois plus tard, il crée le Parti républicain du peuple et proclame le 29 octobre 1923 la République turque.

Il se faire élire président par l’Assemblée et déplace la capitale du pays à Ankara. Il abolit finalement le califat en mars 1924, ultime vestige de la monarchie.

Les six principes prônés par Atatürk

Pour opérer sa refonte de la société, celui qui est désormais surnommé Atatürk (le «Turc-père») , depuis 1934 par l'Assemblée d'Ankara, en hommage au libérateur du pays pendant la guerre d'indépendance (1919-1922), se repose sur six piliers. Ces six «flèches» sont les suivantes : nationalisme, populisme, réformisme, laïcité, républicanisme et étatisme. L’objectif est simple : permettre à la Turquie d’entrer dans la «civilisation» selon ses propres termes.

Il décide de fermer les écoles religieuses, d’interdire les confréries et de mettre sous tutelle de l’Etat certaines fondations pieuses. La loi religieuse cheriat est remplacée par une législation de type occidental modifiant le droit civil, commercial et pénal. En 1937, il introduit un amendement à la Consitution afin d’inclure le principe de laïcité dans le but de cantonner la religion dans l'espace privé.

Dans la même lignée, Atatürk supprime la polygamie et permet aux femmes turques d’accéder à une égalité économique en cas d’héritage. Le port du turban est interdit pour les hommes et celui du voile est prohibé pour les femmes. Ces dernières obtiennent le droit de vote en 1934 puis plusieurs femmes entrent au Parlement. 

Sur le plan éducatif, il met un terme à l’enseignement religieux et fait passer le repos hebdomadaire du vendredi au dimanche. Il privilégie l’alphabet latin au profit de l’arabe, tout comme le calendrier grégorien plutôt que le calendrier de l’hégire. La langue turque est imposée aux minorités et de nombreux domaines sont uniformisés, comme le droit, les mesures, les poids ou encore l’enseignement. 

Enfin, il développe le réseau de chemin de fer du pays en construisant 2.800 kilomètres de voies nouvelles à travers la Turquie.

Une forte répression de l’opposition et du peuple kurde

Largement adulé par la population turque, Mustafa Kemal cache également des facettes plus sombres de sa personnalité, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression. En 1924, une révolution kurde menée pour la défense de l'islam et du califat par un cheikh de la puissante confrérie nakchibendi éclate. Il la mate difficilement l’année suivante puis s’en sert de prétexte pour durcir le cadre du régime.

Il contrôle la presse, met à mal les différentes oppositions, réprime les milieux religieux et rend une justice expéditive via des «tribunaux de l’indépendance». Pire encore, il s’attaque directement au parti nationaliste des Jeunes-Turcs, arrêtant ainsi 7.500 de leurs sympathisants et abattant 660 d’entre eux.

Atatürk est également accusé d’avoir poursuivi le génocide arménien, entamé d’avril 1915 à décembre 1916, jusqu’en 1924, selon les dires d’Yves Ternon, spécialiste du génocide arménien, pour Le Figaro.

A sa mort en 1938, le développement des infrastructures du pays, de l’éducation chez les jeunes, de l’égalité hommes-femmes et le regain économique de la Turquie demeurent dans toutes les têtes. A l’inverse, les problématiques liées aux kurdes, à sa démocratie encore imparfaite et au délaissement des campagnes au profit de l’urbanisation des grandes villes restent moins médiatisées.

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