En direct
A suivre

«Aveux» de deux Français retenus en Iran : ce que l'on sait

En 2020, des ONG avaient déjà exhorté l'Iran à mettre fin à cette pratique des «aveux forcés» télévisés. [Unsplash/mostafa meraji]

En Iran, la télévision d'Etat a diffusé ce jeudi 6 octobre ce qu'elle présente comme les «aveux» de deux prisonniers Français qui se disent coupables d'espionnage.

Sur une vidéo diffusée ce jeudi 6 octobre par la télévision officielle iranienne, Cécile Kohler et un homme identifié comme Jacques Paris se présentent comme des agents du renseignement français pour avouer des faits d'espionnage. Dénonçant une «mise en scène indigne», Paris a réclamé leur «libération immédiate».

L'arrestation de ces deux Français remonte au mois de mai dernier. A l'époque, l'Iran était le théâtre de manifestations d'enseignants qui réclamaient des réformes pour une revalorisation de leurs salaires et appelaient à la libération de collègues arrêtés lors de précédentes mobilisations.

Les autorités avaient dans un premier temps annoncé l'arrestation de deux Européens «entrés dans le pays dans le but de déclencher le chaos et déstabiliser la société». Par la suite désignés comme deux «syndicalistes français», les prisonniers avaient été accusés, en juillet, d'«atteinte à la sûreté» de l'Iran.

A ce moment-là, la France avait déjà dénoncé une arrestation «sans fondement» et demandé la libération des deux Français. Ces derniers avaient alors été identifiés comme Cécile Kohler, une responsable du syndicat d'enseignants Fnec FP-FO, et son conjoint Jacques Paris. Ils avaient profité des vacances de Pâques pour faire du tourisme en Iran.

La jeune femme qui s'exprime en français dans la vidéo diffusée ce jeudi à la télévision iranienne se présente comme Cécile Kohler. Elle affirme être un agent de renseignement opérationnel à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, service de renseignement français) et dit s'être rendue en Iran, avec son conjoint, «pour préparer les conditions de la révolution et du renversement du régime iranien».

Ils prévoyaient selon elle de financer des grèves et des manifestations et même d'utiliser des armes «si nécessaire pour se battre contre la police». L'homme montré dans la vidéo s'exprime lui aussi en français et assure que l'objectif de la DGSE est de «faire pression sur le gouvernement» iranien.

Des «otages d'Etat»

Les autorités françaises ont immédiatement réagi, dénonçant une «mise en scène indigne, révoltante, inacceptable et contraire au droit international». Réclamant à nouveau la «libération immédiate» de Cécile Kohler et Jacques Paris, le ministère des Affaires étrangères les a désignés comme des «otages d'Etat», considérant qu'ils «sont détenus arbitrairement en Iran depuis mai 2022».

Leurs «prétendus aveux extorqués sous la contrainte n’ont aucun fondement, pas davantage que n’en avaient les motifs invoqués pour leur arrestation arbitraire» et «nous tenons les autorités iraniennes pour responsables de leur sort et de leur traitement, comme de tous les ressortissants français détenus arbitrairement en Iran en ce moment», a poursuivi le Quai d'Orsay.

Evoquant des «manipulations et pratiques dignes des procès spectacles des pires régimes dictatoriaux», le ministère a dénoncé une «mascarade» qui «révèle le mépris de la dignité humaine qui caractérise les autorités iraniennes».

D'autres «aveux forcés» par le passé

Ce n'est pas la première fois que la télévision iranienne diffuse des «aveux» de détenus. Une vidéo similaire montrant le journaliste de Newsweek Maziar Bahari était notamment passée à l'antenne en 2009. Dans un livre paru à l'étranger, ce dernier avait affirmé avoir été forcé à le faire lors de sa détention.

D'autres victimes interrogées par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Justice for Iran (JFI) ont dit avoir été «soumises à des actes de torture et à des mauvais traitements pour les forcer à avouer des faits (souvent faux) devant la caméra». En 2020, des ONG avaient d'ailleurs exhorté l'Iran à mettre fin à cette pratique des «aveux forcés» télévisés.

La vidéo de ces deux prisonniers français intervient alors que l'Iran est traversé par une vague de manifestations. Elles ont commencé le 16 septembre dernier, en hommage à la jeune Mahsa Amini, décédée après son arrestation par la police des moeurs. L'Iran a accusé à plusieurs reprises des forces extérieures d'attiser les protestations et a fait savoir la semaine dernière que neuf ressortissants étrangers - notamment de France, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et des Pays-Bas - avaient été arrêtés.

Plus d'une dizaine de ressortissants de pays occidentaux, binationaux pour la plupart, sont détenus ou bloqués en Iran. Selon des ONG, le pays mène ainsi une politique de prise d'otages pour obtenir des concessions des puissances étrangères.

Parmi les prisonniers figurent notamment la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah. Arrêtée en juin 2019, elle a ensuite été condamnée à cinq ans de prison pour atteinte à la sécurité nationale, ce que ses proches ont toujours nié. Le Français Benjamin Brière est lui aussi détenu, depuis mai 2020. Il a été condamné à huit ans et huit mois d'emprisonnement pour espionnage, ce qu'il conteste lui aussi .

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités