En direct
A suivre

Tout comprendre aux tensions entre la France et l’Algérie

Les relations franco-algériennes sont au plus mal après le rappel samedi par Alger de son ambassadeur en France. En pleine crise des visas, des propos tenus par Emmanuel Macron dans la presse ont choqué les autorités algériennes.

Des mots qui ne passent pas

Tout commence par la publication samedi 2 octobre d'un article du Monde qui relate une discussion entre le président Français et une vingtaine de jeunes descendants de protagonistes de la guerre d'Algérie.

Après avoir écouté ces petits-enfants de soldats français ou de combattants du FLN évoquer leur héritage mémoriel, Emmanuel Macron a dénoncé ce qu'il estime être une instrumentalisation du conflit par les autorités algériennes. Le président a ainsi pointé une «histoire officielle» et un discours «totalement réécrit qui ne s’appuie pas sur des vérités» mais «sur une haine de la France». «La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle, et qui dit : tout le problème, c’est la France», a-t-il assuré.

Répondant à un jeune qui lui rétorquait que la jeunesse algérienne n'avait pas de «haine» envers la France, Emmanuel Macron a enfoncé le clou : «Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs mais du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle».

Le chef de l'Etat est allé jusqu’à questionner l'existence d'«une nation algérienne avant la colonisation française» en rappellant qu'il y avait eu de «précédentes colonisations». Selon lui, la Turquie a réussi à «faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie» et «les Algériens y croient».

Une réaction immédiate

Le gouvernement algérien a aussitôt rappelé son ambassadeur en France pour «consultations». Dans un communiqué, Alger a dénoncé samedi des «propos irresponsables», «non démentis», qui constituent une «ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures» et «portent une atteinte intolérable à la mémoire des 5,63 millions de valeureux martyrs qui ont sacrifié leurs vies dans leur résistance héroïque à l'invasion coloniale française».

Dimanche 3 octobre, Alger a interdit le survol de son espace aérien aux avions militaires français participant à l'opération «Barkhane».

Un contexte déjà très tendu

Les déclarations d'Emmanuel Macron sont intervenues dans un contexte diplomatique déjà compliqué. Mardi 28 septembre, le gouvernement français a en effet annoncé la réduction du nombre de visas accordés aux ressortissants du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie au motif que ces pays ne délivraient pas les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France. Le lendemain, l’ambassadeur de France à Alger François Gouyette a été convoqué au ministère des Affaires étrangères algérien pour se voir notifier «une protestation formelle du gouvernement».

Dans ce même article du Monde, Emmanuel Macron assume la position française et précise qu'elle ne touchera pas «les étudiants et le monde économique» mais davantage «les gens qui sont dans le milieu dirigeant, qui avaient l’habitude de demander des visas facilement».

Emmanuel Macron et l'Algérie, des hauts et des bas

Emmanuel Macron porte depuis longtemps une attention particulière à la mémoire de la guerre d'Algérie. S'il a qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité» pendant la campagne de 2017, il aussi affiché sa volonté de «tourner la page» lors de son premier déplacement présidentiel à Alger.

Entretenant des rapports plutôt cordiaux avec le président Tebboune en poste depuis 2019, le président français s'est évertué à envoyer des signaux d'apaisement à Alger. Par exemple en mars 2020, lorsqu'il a reconnu pour la première fois que l’avocat algérien Ali Boumendjel, mort en mars 1957, a été torturé et tué par l’armée française.

En juillet 2020, le président de la République a confié à l'historien Benjamin Stora la rédaction d'un rapport sur «les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie». Très attendu, le texte présenté en début d'année a été qualifié de «non objectif» par Alger qui a critiqué l’absence de «reconnaissance officielle par la France des crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés pendant les 130 années de l’occupation de l’Algérie».

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités