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La semaine de Philippe Labro : Monsieur Tout-va-mal, Monsieur Tout-va-bien

Les Bleus après leur défaite face à la Suisse lors des huitièmes de finale de l'Euro 2021 à Bucarest, le 28 juin 2021. Les Bleus après leur défaite face à la Suisse lors des huitièmes de finale de l'Euro 2021 à Bucarest, le 28 juin 2021. [Daniel MIHAILESCU / POOL / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

DIMANCHE 6 JUIN

Voici la dernière chronique de la saison – avant les vacances, puisque votre chroniqueur a la chance de pouvoir en prendre, ce qui n’est pas le cas de beaucoup, auxquels je pense avec solidarité et affection.

Pour ce dernier «papier» – comme on dit dans notre jargon journalistique –, j’ai voulu interroger deux citoyens français, bien connus de tous. Vous les rencontrez souvent au bistrot, au bureau ou ailleurs.

– Bonjour, Monsieur Tout-va-bien.

Ça va ?

– Oui, pas mal.

– Bonjour, Monsieur Tout-va-mal.

Ça va ?

– Non, justement.

– Pourquoi ?

– Comme si vous ne le saviez pas ! Il y a eu cette abstention ahurissante lors des élections régionales. La perte de confiance et d’intérêt envers le politique me chagrine. Je sais bien qu’il en sera autrement pour la présidentielle, dont, d’ailleurs, on va nous bassiner dès la rentrée.

– Vous êtes vraiment bougon et négatif.

– S’il n’y avait que cela ! Les Bleus qui perdent contre la Suisse, quelle humiliation, quelle image ternie ! Le variant Delta qui commence à s’infiltrer, alors qu’on aurait pu espérer un été tranquille – mais voyez comment, déjà, l’Asie veut se protéger de certains pays européens, se barricade. Et puis, le pire peut-être, les statistiques et les révélations récentes du Giec : notre planète souffre, les icebergs s’écroulent et aboutiront à la montée des eaux, les espèces les plus diverses disparaissent, des «dômes de chaleur» record accablent le Canada et l’Ouest américain, provoquant des morts et renforçant l’angoisse générale autour de ce problème majeur, universel, irréversible. Ça ne vous suffit pas ? Vous en voulez encore ?

– Je vous en prie, Monsieur, calmez-vous ! Permettez que je m’adresse à votre collègue, Monsieur Tout-va-bien. Alors comment voyez-vous les choses ?

– Je les vois plutôt rassurantes. L’économie est forte, la consommation a repris de façon spectaculaire, depuis le déconfinement et la suppression de multiples barrières. Ça va s’accélérer. Les soldes vont faire exploser les chiffres. C’est la «reprise» ! On va de plus en plus au cinéma – d’ailleurs, l’offre est attractive, distrayante, on recherche le rire, on est attiré par les comédies, comme Présidents – et au concert, au théâtre, dans les festivals, de rock ou de classique. On respire, et la culture a repris tous ses droits, tout comme le sport. Avoir perdu à l’Euro n’est pas grave, c’est une leçon de modestie et d’humilité. En Amérique, la relance à coups de milliards va profiter au reste du monde. Le Brexit a fait fuir de Londres des banques et des entreprises qui vont se réfugier en France, «choisie» avant d’autres.

A force de dénigrer notre pays, mon ami Tout-va-mal oublie à quel point nous attirons les étrangers – et pas seulement pour des raisons économiques. Vous allez voir que les touristes vont revenir. On va parler des Jeux olympiques de 2024. Ce n’est plus très loin, et cela peut devenir un autre événement majeur pour le prestige de la France. Et puis, n’oubliez pas, tout là-haut, il y a un Français, l’astronaute Thomas Pesquet, qui symbolise l’intelligence, l’audace, de toute une génération, celle qui prend le pouvoir un peu partout.

– Assez, ça suffit, s’exclame alors Monsieur Tout-va-mal ! Je vous prédis une rentrée difficile, peut-être une «quatrième vague», des faillites, des révoltes. Vous ne me convainquez pas avec vos cocoricos.

– Ne m’interrompez pas, lui réplique Monsieur Tout-va-bien. Vous êtes désespérant de négativité et de scepticisme. Votre verre à moitié vide est triste. Je préfère toujours le mien, à moitié plein. Finissons-en, je vous paie un café au bistrot, là-bas. La terrasse y est agréable.

Je les ai alors vus partir, sinon réconciliés, du moins pacifiques. Et, surtout, libres de dialoguer. La liberté de dire, écrire, s’exprimer, ils ne se rendaient même pas compte que c’était ce qui les unissait, les rassemblait. La liberté ! A bientôt.

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