En direct
A suivre

Ils veulent inoculer le coronavirus à des volontaires pour développer un vaccin plus vite

Les partisans du challenge infectieux estiment que cette méthode pourrait sauver de nombreuses vies.[JOEL SAGET / AFP]

On appelle cela le «challenge infectieux». Une technique qui consiste à raccourcir les délais de conception d'un vaccin en inoculant délibérément le virus à des volontaires sains pour mesurer directement la réponse immunitaire. Alors que la course au vaccin contre le coronavirus bat son plein, la méthode a des partisans parmi les chercheurs.

Ils sont 153 à avoir adressé une lettre ouverte à Francis Collins, le directeur des Instituts américains de la santé. Ensemble, ils ont créé la plate-forme 1Day Sooner («un jour plus tôt») qui promeut l'idée qu'«accélérer le développement du vaccin contre le coronavirus d'un jour seulement sauve déjà «3.750 vies».

Ce calcul repose sur l'hypothèse que «les décès quotidiens confirmés par Covid-19 restent à une moyenne d'environ 5.000 par jour» dans le monde, comme en juillet 2020. En partant du principe qu'un vaccin pourrait éviter «75% de ces décès».

En poursuivant ce raisonnement, on passe à 26.250 personnes sauvées en gagnant une semaine, 112.500 pour un mois et 337.500 pour trois mois. Pour parvenir à réduire les délais de manière si drastique, les créateurs de 1Day Sooner défendent le challenge infectieux.

Selon eux, il permettrait notamment de raccourcir la troisième et dernière phase de l'élaboration d'un vaccin : les essais cliniques. Destinée à vérifier l'efficacité de la formule, cette étape est la plus longue. Elle peut même durer plusieurs années.

Raccourcir l'étape des essais cliniques

Cette ultime phase repose elle aussi sur la participation de volontaires. Mais c'est le candidat-vaccin et non le virus qui leur est injecté. Et encore, pas à tous. Ils sont divisés en deux groupes dont l'un seulement se voit administrer la formule. Le second reçoit un placebo.

L'ensemble des volontaires est soumis à des tests au bout de quelques mois et la comparaison des résultats renseigne les chercheurs concernant l'efficacité du candidat-vaccin. Si la formule est efficace, le premier groupe aura été mieux protégé que le second. Sachant que, pour que les données soient pertinentes, il faut que les volontaires aient été confrontés au virus.

Dans leur lettre ouverte, les 153 partisans du challenge infectieux expliquent vouloir sauter ces dernières étapes en exposant directement leur cohorte au SARS-CoV-2. «Au lieu de reprendre leur vie comme d'habitude et d'attendre d'attraper le virus, les volontaires sont délibérément exposés à l'agent pathogène dans des conditions contrôlées», écrivent-ils.

Pour soutenir leur argumentaire, ils rappellent que la méthode a déjà été utilisée par le passé, notamment dans l'élaboration de vaccins contre la grippe, la malaria, la typhoïde, la dengue ou le choléra. Une pratique néanmoins abandonnée depuis les années 70 pour des raison éthiques.

Ces scientifiques ne nient pas les risques encourus par les volontaires. Pour les minimiser, Nir Eyal, Marc Lipsitch et Peter Smith préconisent, dans un article publié dans The Journal of infectious diseases, de recruter uniquement des «jeunes adultes en bonne santé, qui présentent un risque relativement faible de maladie grave».

Une stratégie que le Journal international de médecine juge invalide puisqu'une telle cohorte ne serait pas représentative de la population. En particulier «alors que le Covid-19 est principalement un danger chez les plus âgés (et chez des sujets atteints par certaines pathologies chroniques comme l'obésité) dont la réponse spécifique du système immunitaire pourrait être une clé importante pour l'élaboration d'un vaccin efficace».

Sans compter que, si l'occurence des formes graves est certes plus faible chez les jeunes, ces derniers peuvent néanmoins y être sujets. Dans ce cas-là, ils risquent des séquelles cardiaques, pulmonaires et cérébrales à long terme, mais aussi la mort.

Pour toutes ces raisons, le Conseil scientifique français a fait savoir qu'il est «défavorable au recours au challenge infectieux de volontaires sains comme étape de développement clinique des vaccins anti-SARS-CoV-2». Un avis rédigé conjointement avec le Comité scientifique Covid-19 et le Comité d'analyse recherche expertise (Care) avait déjà tranché la question le 9 juillet dernier.

La France se distingue ainsi des Etats-Unis et du Royaume-Uni où le débat à ce sujet est encore vif. D'ailleurs, dans une note datée du 6 mai, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne s'oppose pas à cette technique. Elle recommande simplement un encadrement strict du procédé, énumérant les «critères pour rendre acceptable un "challenge infectieux"».

Qui serait prêt à être délibérément contaminé pour accélérer la course au vaccin ? Difficile à dire mais si l'on en croit le compteur de la page d'accueil de 1Day Sooner, les candidats ne manquent pas. Au moment d'écrire ces lignes, 32.665 volontaires issus de 140 pays se sont déjà signalés.

Retrouvez toute l'actualité sur le coronavirus ICI

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités