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Aung San Suu Kyi, du prix Nobel de la paix à la Cour internationale de justice

La dirigeante birmane veut défendre «l'intérêt national» de son pays. La dirigeante birmane veut défendre «l'intérêt national» de son pays.[STR / AFP]

Qu'il semble loin le temps du prix Nobel de la paix. Conspuée par une partie de la communauté internationale pour ne pas être intervenue lors des massacres de la minorité musulmane rohingya en Birmanie, Aung San Suu Kyi se rend à La Haye le 10 décembre, alors qu'une première audience sur la question s'ouvre à la Cour internationale de justice (CIJ).

La présence de la codirigeante du pays a surpris, tant son silence depuis le début de la crise avait attiré l'attention. Elle viendra donc aux Pays-Bas «défendre l'intérêt national de la Birmanie», alors que la question de savoir si l'armée a perpétré un génocide se pose officiellement. Entre 2017 et 2018, plus de 700 000 Rohingyas avaient fui le pays en direction du Bangladesh, après une offensive des militaires birmans qui aurait fait plus de 10 000 morts, selon un rapport de l'ONU. 

Les dirigeants du pays assurent qu'il s'agissait avant tout de raids antiterroristes après l'attaque de certains commissariats par des rebelles rohingyas. Une justification qui n'a pas suffi à convaincre la communauté internationale. Dans un rapport de 2018, l'ONU écrit ainsi que «la nécessité militaire ne saurait à aucun moment excuser les tueries aveugles, le viol collectif des femmes, l’agression d’enfants et l’incendie de villages entiers». 

Une icone déchue

Aung San Suu Kyi, quant à elle, n'a jamais cessé de défendre la Birmanie, que ce soit par son silence, puis ses discours assurant qu'il n'y a eu aucun «conflit (...) ni d'opération d'évacuation». Cela explique d'ailleurs le soutien qu'elle possède toujours parmi ses concitoyens, puisque des rassemblements de ses partisans sont organisés depuis le 7 décembre à Naypyidaw, la capitale du pays. En effet, Aung San Suu Kyi est avant tout une politicienne, et soutenir publiquement les Rohingyas pourrait lui coûter sa place dans un pays où les tensions ethniques sont très fortes. Comme elle le rappelait dans une interview en 2017 à la BBC : «je ne suis pas comme Margaret Thatcher, mais je ne suis pas mère Theresa non plus». 

À l'étranger, cela a été bien compris. Alors que le sort des Rohingyas a ému, nombreux sont ceux qui ont pris leur distance avec celle qui était surnommée «la Dame de Rangoun». Si son prix Nobel de la paix de 1991 (obtenu pour son opposition non-violente à la dictature militaire) est intouchable, Amnesty lui a retiré sa distinction d'Ambassadeur de la conscience. Cet honneur est l'un des plus importants des droits de l'Homme, et a constitué le pic de sa déchéance à l'étranger. Une chose est sûre, chacun de ses gestes sera scruté à La Haye, et l'on voit mal comment elle pourrait retrouver grâce aux yeux des défenseurs des droits humains si elle continue de se placer du côté de l'armée birmane. 

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