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Mohammed Morsi, une mort suspecte

Derrière les barreaux de la prison de Tora, le président égyptien déchu pourrait avoir subis des violences [KHALED DESOUKI / AFP]

Suite au décès brutal de Mohammed Morsi, le doute plane sur la mort du président égyptien déchu. Hommes politiques et ONG remettent en doute la thèse d'un arrêt cardiaque et réclament une enquête. Le président turc Erdogan est allé plus loin mercredi, affirmant que Morsi avait été tué.

«Dans le tribunal, il s'était tordu sur le sol pendant vingt minutes. Les autorités n'ont rien fait pour lui venir en aide. Il a été tué et n'est pas mort de causes naturelles», a dit Recep Erdogan lors d'un meeting électoral à Istanbul.

Au tribunal, lundi, Mohammed Morsi était convoqué lundi pour répondre aux accusations d'espionnage au profit du Qatar, de l'Iran et de groupes comme le Hamas. Et c'est en pleine audience, devant les juges du Caire qu'il s'est effondré.

L'ancien président islamiste, détenu depuis sa destitution en 2013 par l'armée, succombait quelques heures plus tard d'un malaise. La télévision d'Etat égyptienne affirmait que l'homme de 67 ans était «décédé d'un arrêt cardiaque» quelques heures plus tard.

Dans la presse égyptienne mardi, l'événement était relaté de façon minimale, certains journaux ne mentionnant même pas qu'il avait été chef de l'Etat entre 2012 et 2013.

Issu de la confrérie des Frères musulmans, interdite en Egypte, Mohamed Morsi avait pourtant été le premier président démocratiquement élu dans ce pays après le Printemps arabe de 2011 qui avait poussé au départ l'ancien chef de l'Etat Hosni Moubarak, depuis 30 ans de pouvoir.

Dès le lendemain, c'est lors d'une discrète cérémonie sous haute surveillance que l'ancien homme fort des Frères musulmans était enterré, hors de toute caméra.

«un meurtre à petit feu»

Une figure ennemie du pouvoir, un malaise en pleine audience, une inhumation express : les conditions de la mort de Mohammed Morsi sèment le doute. 

Le Parti de la Liberté et de la Justice, bras politique des Frères Musulmans, a dès le départ accusé les autorités égyptiennes de «meurtre à petit feu», suggérant même la préméditation. Dans un communiqué paru mardi au titre évoquant un «assassinat», ils ont déploré les mauvaises conditions de détention du leader islamiste, emprisonné depuis six ans à prison Tora du Caire.

Mohammed Morsi était en effet retenu dans le tristement célèbre quartier de haute sécurité Scorpion, réputé pour les violences et les abus. En 2016, dans rapport de Human Rights Watch, un ancien gardien déclarait que l'établissement avait été conçu «pour que ceux qui entrent dans le camp ne reviennent pas, à moins qu'ils ne soient morts». 

UN NOUVELLE ENQUÊTE

En mars 2018, une commission britannique indépendante avait d'ailleurs condamné le maintien à l'isolement 23 heures par jour de cet homme souffrant d'antécédents diabétiques et d'insuffisances rénale.

A l'époque, c'était Crispin Blunt, un député conservateur britannique, qui dirigeait cette commission. Rejoignant les demandes d'Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), il réclame dès mardi dans une tribune qu'une «enquête internationale indépendante» soit lancé sur ce décès.

Enfin, le bureau des droits de l'Homme de l'ONU a également réclamé une enquête «minutieuse et indépendante». «Toute mort soudaine en prison doit être suivie d'une enquête rapide, impartiale, minutieuse et transparente menée par un organe indépendant afin de faire la lumière sur la cause du décès», a déclaré Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme. 

Derrière les barreaux du centre de détention de Tora, plusieurs sources suspectent donc un traitement abusif du président égyptien déchu, à l'origine de son décès. Tard lundi, le procureur général égyptien avait annoncé que le corps de Morsi serait examiné pour déterminer la cause de son décès. 

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