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Europe : Le leadership italien, par Jean-Marie-Colombani

Jean-Marie Colombani [REAU ALEXIS / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

 

 

L’Union européenne est placée pour six mois sous présidence italienne. Ces présidences tournantes n’ont plus le même rôle ni la même importance depuis qu’a été signé le traité de Lisbonne, lequel a donné naissance à une présidence permanente du Conseil européen (occupée par Herman Van Rompuy bientôt remplacé). Pourtant, ces six mois peuvent et doivent être utiles. La présidence italienne a plutôt bien commencé. Matteo Renzi, venu devant le Parlement européen à Strasbourg, y a fait un tabac.

Non, comme on le dit trop souvent, à la manière d’une «rock star», mais parce qu’il a trouvé les mots justes. En refusant que l’Union ait le signe de la «fatigue, de la résignation et de l’ennui». Il a au contraire plaidé pour que l’Europe «retrouve son âme et le sens profond du vivre ensemble». Voilà bien longtemps qu’un dirigeant européen ne s’était exprimé de la sorte, évoquant «l’avenir de l’esprit» plutôt que celui des déficits. Il y a là, bien sûr, le résultat d’une situation qui a cessé de placer l’Europe à l’épicentre de la crise. La zone euro redevient une zone de stabilité. Même si l’Italie, pas plus que la France, n’a fait reculer sa dette – 135 % du PIB pour la première, bientôt 100 % pour la seconde – la zone euro a recommencé d’inspirer confiance aux marchés comme le montrent les taux d’intérêts auxquels ces pays peuvent emprunter.

Mais il y a aussi la touche personnelle, «la jeunesse, le culot et la parole» comme l’a fort bien dit l’eurodéputée (centriste française), Sylvie Goulard. Et nous avons furieusement besoin de cet élan. Il faut sans doute remonter à l’éloquence de Tony Blair pour retrouver un verbe mobilisateur. Notre intérêt est qu’il réussisse. La bataille engagée pour obtenir une application «flexible» du pacte de stabilité ne concerne pas que l’Italie et la France, qui sont au cœur de cette demande, mais bien l’Europe entière. Celle-ci est toujours collectivement en panne de croissance. Et il lui faut trouver les moyens de la stimuler si l’on veut stopper enfin l’augmentation du chômage et redonner confiance à des opinions dont on a vu qu’elles pouvaient être tentées par des solutions politiques extrêmes.

Les thèses en présence sont connues. D’un côté (Italie et France), on demande cette fameuse flexi­bilité et donc un étalement des engagements relatifs à la réduction de la dette ; de l’autre (Allemagne et Hollande), on fait valoir que les pays demandeurs doivent d’abord apporter la preuve de leur capacité à se réformer. Ce débat est de moins en moins pertinent. Au sein même du gouvernement allemand, la conscience existe de la nécessité de trouver les moyens d’aider la croissance si l’on veut éviter le triom­phe des populismes.

Wolfgang Schäuble a raison de faire observer que l’Union européenne devrait d’abord se préoccuper de dépenser l’argent existant, comme par exemple les six milliards d’euros qui doivent être alloués à la lutte contre le chômage des jeunes et n’ont toujours pas été engagés. De même il existe, sans entrer dans des querelles dogmatiques comme par exemple la création d’eurobonds, d’autres moyens inexplorés.

Prenons l’exemple de la Banque européenne d’investissement. Cette institution emprunte et prête huit milliards d’euros par an. Rien n’empêche que la BEI emprunte non plus huit mais cinquante milliards d’euros. Où est l’obstacle ? A la direction même de la BEI qui vit dans l’obsession du triple A. Si elle prenait davantage de risques, elle pourrait le perdre, mais qui se préoccupe encore du triple A ? Oui, il existe des possibilités de relance sans remettre en cause l’essentiel du pacte de stabilité, tout en lui insufflant la dose de flexibilité que la raison commande. 

Jean-Marie Colombani

 

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