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Lycéennes enlevées : l'armée nigériane, partenaire compliqué

Un homme porte un t-shirt réclamant la libération des lycéennes enlevées par Boko Haram, le 9 mai 2014 à Abuja au Nigeria [Pius Utomi Ekpei / AFP/Archives] Un homme porte un t-shirt réclamant la libération des lycéennes enlevées par Boko Haram, le 9 mai 2014 à Abuja au Nigeria [Pius Utomi Ekpei / AFP/Archives]

Choc des cultures, problèmes de souveraineté nationale: les experts étrangers envoyés pour aider l'armée nigériane à retrouver plus de 200 lycéennes enlevées par le groupe islamiste armé Boko Haram n'auront pas la tâche facile.

Des militaires américains se trouvent au Nigeria depuis moins d'une semaine et déjà, le Pentagone a fait état de tensions.

"Le Nigeria est un partenaire avec lequel il est extrêmement difficile de travailler", a déclaré la responsable Afrique du ministère américain de la Défense, Alice Friend, déplorant que "les forces de sécurité nigérianes (aient) été lentes à s'adapter et à mettre en œuvre de nouvelles stratégies et tactiques face à la menace sophistiquée" que représente Boko Haram.

Après une relative indifférence au départ, l'enlèvement le 14 avril de 276 lycéennes à Chibok, dans l'Etat de Borno (nord-est), avait fini par provoquer une vague d'indignation à travers le monde. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le Canada, la Chine et Israël ont envoyé de l'aide.

Pour Jonathan Hill, professeur au département des études de défense au King's College de Londres, qualifier le Nigeria de partenaire problématique réticent à accepter des conseils est une simplification abusive.

"Les Nigérians se sont montrés plutôt prêts à coopérer", estime-t-il, soulignant le rôle du pays - largement reconnu - dans les forces multinationales de maintien de la paix à travers le continent africain.

"Mais les obstacles sont vraiment considérables" pour les conseillers occidentaux, admet-il.

- Mentalité "Oga" -

La plupart des hauts responsables nigérians ont été formés à l'étranger, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et savent comment opèrent les armées les plus puissantes de la planète, explique M. Hill, qui a travaillé avec l'armée britannique à former des soldats nigérians.

Un convoi militaire à Ngala dans l'Etat de Borno, au Nigeria, le 11 mai 2014 [ / AFP/Archives]
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Un convoi militaire à Ngala dans l'Etat de Borno, au Nigeria, le 11 mai 2014

"Le problème que nous avons rencontré, c'est la mentalité Oga", terme nigérian désignant un chef influent, selon le chercheur. Les officiers supérieurs sont "des Ogas au sein des forces armées et des Ogas en dehors des forces armées", ce qui peut créer des interférences dans la chaîne hiérarchique, surtout quand des officiers subalternes doivent rapidement prendre des décisions de leur propre initiative.

Les autorités nigérianes ont indiqué que les lycéennes enlevées étaient sûrement détenues dans ou près de la vaste forêt de Sambisa, dans l'Etat de Borno, une zone isolée où Boko Haram a installé des bases.

Des avions et des drones de surveillance américains survolent la région, mais les recherches au sol restent dévolues aux équipes nigérianes.

De multiples sources ont décrit comment les militaires nigérians du nord-est manquaient des équipements de communication de base, même de radios, gênant la communication avec le quartier général de Maiduguri, la capitale de l'Etat de Borno.

- Droits de l'Homme bafoués -

Plusieurs observateurs, dont l'ancien ambassadeur américain au Nigeria John Campbell, ont expliqué que l'armée nigériane avait montré des réticences à accepter l'aide des Etats-Unis dans le passé.

Nnamdi Obasi, un expert nigérian de l'International Crisis Group (ICG), n'est pas d'accord: selon lui, la coopération avec Abuja a en réalité été bloquée par les Occidentaux, légitimement inquiets de violations des droits de l'Homme.

Car les forces de sécurité au Nigeria ont un sombre bilan en la matière, notamment depuis le début de l'insurrection de Boko Haram il y a 5 ans - elles ont notamment exécuté sommairement son premier chef, Mohammed Yusuf. D'innombrables témoignages ont décrit des soldats tirant sans discrimination sur des civils lors de soi-disant opérations de contre-insurrection.

"Les droits de l'Homme sont la principale pierre d'achoppement", explique M. Obasi, estimant que les Occidentaux pourraient continuer de "traîner les pieds" à cause de ces exactions.

- "Question de fierté" -

Pays le plus peuplé d'Afrique avec 170 millions d'habitants, première économie du continent et potentiel pays émergent, le Nigeria est souvent appelé "le géant de l'Afrique".

Des associations nigerianes rassemblées à Abuja le 9 mai 2014 pour réclamer la libération des lycéennes enlevées par Boko Haram [Pius Utomi Ekpei / AFP/Archives]
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Des associations nigerianes rassemblées à Abuja le 9 mai 2014 pour réclamer la libération des lycéennes enlevées par Boko Haram

Le pays a été dirigé par des juntes militaires des années 1970 aux années 1990. L'échec de l'armée à stopper l'insurrection de Boko Haram a remis en cause ses capacités.

"C'est embarrassant pour certains officiers supérieurs de devoir reconnaître que ces conseillers (étrangers) sont nécessaires", estime Jonathan Hill. "C'est une question de fierté" qui complique la coopération.

Les propos arrogants, voire insultants, tenus cette semaine par le sénateur de l'Arizona John McCain - "Je n'attendrais pas la permission d'un type nommé Goodluck Jonathan" pour envoyer des forces spéciales secourir les otages - "n'aident pas non plus", ainsi que les remarques émanant du Pentagone sur la difficulté de travailler avec le Nigeria, note Jonathan Hill.

Selon lui, pour que leur mission soit efficace, les experts doivent d'abord concentrer leurs efforts à établir de bonnes relations avec les commandants en chef des forces de sécurité.

"Les experts ne peuvent aider que si les Nigérians l'acceptent", rappelle-t-il.

Cependant pour Nnamdi Obasi de l'ICG, il ne faut pas trop attendre des résultats de l'aide internationale pour retrouver les otages, car "il s'agit d'une situation très difficile". La négociation avec Boko Haram doit être envisagée.

L'offre d'échange formulée par Abubakar Shekau de prisonniers islamistes détenus par l'Etat nigérian contre des jeunes filles otages est peut-être le meilleur moyen de libérer les adolescentes, selon plusieurs spécialistes.

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