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Rio: l'émeute est finie, pas la rancoeur contre la police

Des policiers patrouillent la favela Cantagalo, près du quartier touristique de Copacabana, à Rio de Janeiro, le 23 avril 2014 [Tasso Marcelo / AFP] Des policiers patrouillent la favela Cantagalo, près du quartier touristique de Copacabana, à Rio de Janeiro, le 23 avril 2014 [Tasso Marcelo / AFP]

A 50 jours du coup d'envoi du Mondial, les autorités de Rio ont renforcé mercredi la sécurité dans le quartier touristique de Copacabana, au lendemain d'une émeute d'habitants d'une favela révoltés par le meurtre d'un jeune danseur attribué à la police.

Cette nouvelle flambée de violence illustre la grande difficulté des autorités de Rio de Janeiro à enraciner sans heurts leur politique de "pacification" des favelas, jadis tenues par les trafiquants, lancée en 2008 en vue de la Coupe du Monde de football (12 juin-13 juillet) et des jeux Olympiques de 2016.

Les Unités de police pacificatrice (UPP) ont contribué à faire baisser drastiquement le taux d'homicides à Rio. Mais elles sont depuis des mois la cible d'attaques meurtrières des trafiquants qui tentent de regagner du terrain. Et l'attitude souvent violente des policiers dans ces quartiers déshérités suscite un rejet croissant de leurs habitants.

Le gouverneur de Rio, Luiz Fernando Pezao, a promis mercredi sur Twitter de prendre "des mesures appropriées" dès qu'il aurait reçu les conclusions de l'enquête sur la mort de Douglas Rafael da Silva, 25 ans, alias "DG", qui travaillait pour un programme de divertissement de TV Globo.

L'annonce de la découverte du corps ensanglanté du jeune homme a déclenché mardi soir une émeute extrêmement violente dans la favela Pavao-Pavaozinho, qui surplombe Copacabana.

Des policiers patrouillent la favela Cantagalo, près du quartier touristique de Copacabana, à Rio de Janeiro le 23 avril 2014 [Tasso Marcelo / AFP]
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Des policiers patrouillent la favela Cantagalo, près du quartier touristique de Copacabana, à Rio de Janeiro le 23 avril 2014

Pendant ces troubles, un déficient mental, "Mateus", qui participait à la "révolution des jeunes", a été tué d'une balle en pleine tête par un policier selon des témoins.

La tension avait baissé d'un cran, mercredi, jour férié de la Saint Jorge, avatar catholique du dieu afro-brésilien de la guerre Ogun, et patron très vénéré à Rio des policiers et des truands.

Des dizaines de policiers militaires patrouillaient dans la favela et à ses abords, au milieu de surfeurs cariocas se rendant à la plage, planche sous le bras. Les pompiers ont déblayé à l'aube les barricades érigées par les manifestants.

Au cours d'une conférence de presse, le ministre régional de la Sécurité publique, José Mariano Beltrame, a indiqué que le corps du danseur, retrouvé la veille sans vie, "avait été perforé par une balle d'arme à feu et que le tir avait été mortel".

Cette déclaration contredit la version fournie par la police qui s'était limitée à indiquer que le corps ensanglanté, découvert dans un recoin d'une crèche de la favela, présentait des blessures pouvant avoir été causées par "une chute".

"C'est comme si on l'avait transpercé avec un objet en fer. Il y avait beaucoup de sang, comme si on l'avait traîné contre les murs", avait déclaré à Globo la mère du jeune homme, l'aide-soignante Maria de Fatima da Silva.

- "Comme des ordures" -

Selon des amis du jeune homme, celui-ci aurait été rossé à mort lundi par des agents de l'UPP de la favela. Ils l'auraient pris à tort pour un trafiquant de drogue après un affrontement et auraient ensuite caché son corps.

Des policiers patrouillent la favela Cantagalo, près du quartier touristique de Copacabana, à Rio de Janeiro le 23 avril 2014 [Tasso Marcelo / AFP]
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Des policiers patrouillent la favela Cantagalo, près du quartier touristique de Copacabana, à Rio de Janeiro le 23 avril 2014

Des habitants interrogés mercredi par l'AFP, ont également assuré qu'un enfant de 12 ans aurait également été tué mardi soir par la police.

Mais l'AFP n'a pu confirmer cette information auprès de la police qui n'a divulgué aucun bilan.

Le ressentiment envers la police est très vif dans nombre des 174 favelas pacifiées de Rio.

"Ils nous traitent comme des ordures, ils nous insultent, ils nous frappent", confiait mardi soir à l'AFP un jeune, entre rage et larmes, demandant à ne pas être identifié et à ce que son visage et son tee-shirt soient floutés sur les images vidéos.

"La police et l'occupation militaire des favelas de Rio suscitent des inquiétudes en raison de l'usage excessif de la force et le contrôle militaire des communautés", soulignait Amnesty International le 10 avril dans un communiqué.

Carte de Rio de Janeiro localisant les  émeutes qui ont éclaté à Copacabana [-, JM. Cornu/O. Devos / AFP]
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Carte de Rio de Janeiro localisant les émeutes qui ont éclaté à Copacabana

"Nous sommes loin d'atteindre l'idéal, à savoir que ces communautés se sentent protégées par la police", déclare à l'AFP Ignacio Cano, du Laboratoire de la violence à l'Université d'Etat de Rio de Janeiro.

"Il faut enquêter sur ces morts, mais aussi procéder à un ample évaluation du projet, surtout en ce qui concerne les relations entre les habitants (des favelas) et la police, relève-t-il.

"La politique des UPP a changé le visage de Rio", souligne ce chercheur, "mais les défis sont très grands", notamment parce que "la vente de drogue est très lucrative et que la demande ne fait qu'augmenter".

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