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Pakistan: Noël sans joie pour les rescapés de l'attentat antichrétien

Des chrétiens pakistanais pleurent le 22 décembre 2013 à Peshawar, leurs proches tués dans un attentat suicide le 22 septembre 2013 [A Majeed / AFP/Archives] Des chrétiens pakistanais pleurent le 22 décembre 2013 à Peshawar, leurs proches tués dans un attentat suicide le 22 septembre 2013 [A Majeed / AFP/Archives]

Les rescapés de l'attaque contre les chrétiens, la plus meurtrière de l'histoire du Pakistan, s'apprêtent à célébrer un premier Noël sans leurs pères, leurs mères, leurs enfants tués à la fin de l'été dans un attentat suicide des talibans contre leur église.

La petite cathédrale All Saints de Peshawar, grand carrefour du nord-oust du pays à la porte de l’Afghanistan, porte encore les stigmates du double attentat suicide perpétré en septembre par deux kamikazes qui se sont glissés dans l'enceinte du bâtiment à la sortie de la messe du dimanche.

Sur la façade et dans la cour intérieure de l'église, des impacts des billes de métal, mélangées à la charge explosive, ont creusé la pierre ; à l'intérieur, l'horloge s'est arrêtée à 11H43, moment précis où ces deux talibans ont fauché 82 vies et marqué au fer rouge le coeur des rescapés.

Anwar Khokhar s'en souvient comme si c'était hier. Ce jour-là, il a perdu six membres de sa famille, dont trois de ses frères. Et à l'approche de Noël, période de joie et d'espoir pour les quelque quatre millions de chrétiens du Pakistan, son coeur tangue entre l'absence d'êtres chers et l'amertume.

Des chrétiens pakistanais lors d'un office religieux le 22 décembre 2013 à Peshawar [A Majeed / AFP]
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Des chrétiens pakistanais lors d'un office religieux le 22 décembre 2013 à Peshawar

"Plus Noël approche, plus ils me manquent. Ils me manquent aussi intensément qu'il puisse être possible de ressentir le manque", l'absence, souffle-t-il lors de la dernière messe du dimanche avant Noël.

Lors de son sermon le révérend Ejaz Gill a bien tenté de réconforter les familles chrétiennes de Peshawar qui ont toutes ou presque perdu un proche lors de cet attentat et appelé les fidèles à une communion spirituelle entre les victimes "aux cieux" et les rescapés sur terre.

Mais les plaies sont encore vives. Et après la messe des femmes endimanchées se sont réunies pour pleurer dans la cour intérieure de l'église illuminée par des affiches ornées des photos en couleur des 82 victimes de cette tuerie sans nom. Une femme, inconsolable, s'est recouvert le visage d'une affiche avec la photo de sa fille, une adolescente aux yeux lumineux.

"Chaque famille a perdu (au moins) une ou deux personnes. Comment pouvons-nous célébrer Noël? Il n'y aura pas de joie cette année", Nasreen Anwar, qui a perdu sa fille de 14 ans dans cette attaque qui a aussi grièvement blessé au bas du ventre son autre fille de neuf ans.

Des chrétiens pakistanais lors d'un office religieux le 22 décembre 2013 à Peshawar [A Majeed / AFP]
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Des chrétiens pakistanais lors d'un office religieux le 22 décembre 2013 à Peshawar

Descendants pour la plupart des basses castes indiennes, les chrétiens restent souvent relégués aux tâches ingrates au Pakistan ou cibles d'accusations diverses. Au cours des dernières années, des chrétiens y ont malgré eux défrayé la chronique pour avoir été accusés de profaner le Coran ou le prophète Mahomet, un crime passible de la prison à vie, voire de la peine de mort.

Ces accusations avaient crispé les relations entre la minorité chrétienne et une partie de la majorité musulmane. Mais après l'attentat de Peshawar, des musulmans et même des membres de partis islamistes avaient manifesté dans les rues du pays aux côtés des chrétiens pour dénoncer cette attaque et exiger une meilleure protection pour les minorités.

"Tout le monde partage notre chagrin. Les musulmans sont venus chez nous, dans nos maisons, pour partager notre peine", se réconforte Nasreen dont la fille qui a survécu doit subir une intervention chirurgicale cette année. "Depuis l'attentat, nous sommes unis, pas seulement les chrétiens de Peshawar, mais les chrétiens de tout le Pakistan et du monde entier. Ils nous tous ont témoigné leur solidarité", souligne le révérend Gill.

Barbelés, gardes, lecteurs d'empreintes digitales : la sécurité a été renforcée à l'entrée de cette église protestante construite à la fin du 19e siècle par le pouvoir colonial britannique.

Les paroissiens attendent toujours le million de roupies (6.800 euros) promis par le gouvernement pour réparer ce bâtiment historique, une réparation qui ne pansera jamais les plaies et les traumatismes laissés par deux kamikazes inconnus un dimanche de septembre.

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