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La tradition du "café en suspens" ou la solidarité à la napolitaine

Maurizio del Bufalo, le créateur du "réseau du café suspendu", le 9 décembre 2013 à Naples [Carlo Hermann / AFP] Maurizio del Bufalo, le créateur du "réseau du café suspendu", le 9 décembre 2013 à Naples [Carlo Hermann / AFP]

Les cafés napolitains ont fêté mardi la "journée du café en suspens", l'occasion de célébrer une tradition de solidarité sociale plus utile que jamais dans une ville plombée par la crise.

Le principe est simple: un généreux inconnu prend son café mais en paie deux, le second restant "en suspens" le temps qu'une personne dans le besoin en bénéficie gratuitement.

Signalés à la craie sur un tableau, des dizaines de cafés "en suspens" permettent aux milliers de pauvres - napolitains et immigrés - de boire chaud et de se sentir réconfortés pendant quelques instants.

La tradition du "caffè sospeso" remonte à l'après-guerre, quand le café était un bien de luxe, que beaucoup de Napolitains ne pouvaient se permettre.

"Bien sûr, c'était une habitude toute simple, mais c'était le signe d'un peuple civilisé, qui réussissait à pallier tout un tas de besoins primaires de cette façon", explique à l'AFP Maurizio del Bufalo, qui a travaillé dans l'humanitaire avant de créer le "réseau du café suspendu", auquel sont désormais affiliés quelque 200 cafés dans le monde.

Il ajoute: "Il suffisait d'avoir une bonne nouvelle à fêter - réussir un examen, gagner au loto, fêter un anniversaire - ou de vouloir aider son prochain pour laisser un café en suspens à un inconnu".

"Nous avons souhaité relancer la tradition. Le café en suspens est une expression typique de la culture populaire napolitaine. Il ne pouvait exister qu'ici", ajoute M. del Bufalo, en marge d'un festival célébrant la journée internationale des droits de l'homme, qui se fête également mardi.

Cette coutume est basée sur la confiance entre le cafetier et le généreux donateur, qui ne doit en aucun cas rencontrer celui à qui il offrira son café.

Ivan Esposito, 74 ans, est l'un de ces Napolitains solidaires.

"Pour moi, c'est une question de civisme plus que de charité, c'est vraiment une très belle tradition", confie ce professeur de mathématiques à la retraite, après avoir laissé un "café en suspens" dans l'un des établissements les plus connus de Naples, le Gambrinus.

Une tradition mal connue des jeunes

Propriétaire du café, Antonio Sergio raconte qu'il n'est pas rare de voir le propriétaire du club de football de Naples, Aurelio de Laurentiis, laisser 15 ou 20 cafés en suspens après son passage.

Maurizio del Bufalo, le créateur du "réseau du café suspendu", le 9 décembre 2013 à Naples  [Carlo Hermann / AFP]
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Maurizio del Bufalo, le créateur du "réseau du café suspendu", le 9 décembre 2013 à Naples

"C'est une tradition que les jeunes ne connaissent pas vraiment", affirme encore M. Sergio, qui souhaite "que les jeunes reprennent cette habitude".

Dans le quartier réputé difficile de Sanità, au centre de Naples, ce sont justement des jeunes qui ont repris le concept, en l'étendant à la pizza.

"Nous nous sommes rendu compte que de très nombreux clients avaient de réelles difficultés économiques", explique à l'AFP Ciro Oliva, 21 ans, propriétaire de la pizzeria Da Concettina ai Tre Santi.

"La pizza est le pain quotidien que Jésus a laissé pour nous et nous devons la partager", ajoute-t-il, en expliquant qu'en fonction de la monnaie que laissent les clients, il parvient à fabriquer "en suspens" une ou plusieurs pizzas.

Mais parfois, les gens ont honte de demander une pizza "suspendue". Aussi, un service "à emporter" livre également chez des clients dans le besoin: 20% sont napolitains, les autres sont étrangers, la plupart roumains ou sri-lankais.

"Moi, je gagne 350 euros par mois, et je n'y arrive plus", confie cet employé au chômage, qui survit en vendant des fruits à la sauvette et grâce à la pension de retraite de sa soeur.

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