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Appels pour sauver le tribunal des Khmers rouges

Ieng Sary le 20 mars 2012 au tribunal à  Phnom Penh [Nhet Sokheng / Nhet Sokheng/EEC/AFP/Archives] Ieng Sary le 20 mars 2012 au tribunal à Phnom Penh [Nhet Sokheng / Nhet Sokheng/EEC/AFP/Archives]

Les appels se sont multipliés vendredi en faveur d'une reprise rapide des audiences du tribunal pour les Khmers rouges à Phnom Penh, après le décès d'un des trois accusés qui a souligné combien la juridiction luttait contre le temps et était guettée par un échec qui serait dramatique.

Ieng Sary, 87 ans, était jugé pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'Humanité.

Sa disparition jeudi a rappelé que la cour, créée en 2006, n'avait prononcé qu'un seul verdict - une perpétuité pour "Douch", patron de la prison de Phnom Penh sous le régime de Pol Pot. Elle confirme aussi qu'il ne lui reste sans doute pas très longtemps pour en rendre un deuxième.

Désormais, seuls l'ex-chef de l'Etat Khieu Samphan, 81 ans, et le "frère numéro deux" et idéologue du régime, Nuon Chea, 86 ans sont jugés.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'Homme au Cambodge, Surya Subedi, a lancé un appel à l'ONU, à la cour, au gouvernement et aux bailleurs pour qu'ensemble ils "réitèrent leurs engagements" à accélérer le procès. "Nous le devons aux survivants des Khmers rouges, aux familles des victimes et à toute la société cambodgienne qui continue de souffrir".

Ieng Sary devant le tribunal le 30 avril 2010 à Phnom Penh [Tang Chhin Sothy / AFP]
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Ieng Sary devant le tribunal le 30 avril 2010 à Phnom Penh
 

Un appel d'autant plus pressant que le tribunal est au point mort. Il est paralysé depuis deux semaines par une grève des traducteurs, alors que les 270 employés cambodgiens de la cour n'ont pas été payés depuis novembre.

En toile de fond, un bras de fer financier entre bailleurs et régime de Phnom Penh pour savoir qui rallongera sa contribution.

"Plus que jamais, il est urgent que chaque partie (...) assume ses responsabilités pour que le procès des autres accusés se poursuive d'une manière juste, efficace et rapide", ont réclamé les ambassades de France et du Japon dans un communiqué commun.

Un observateur étranger a confirmé à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, "l'agacement de certaines chancelleries vis-à-vis de l'inertie du gouvernement", accusé de ne rien faire pour sauver le tribunal. "Le décès de Ieng Sary ne devrait qu'exacerber ce sentiment de frustration", a-t-il ajouté, précisant que les discussions se poursuivaient pour trouver des fonds et "rappeler aux Cambodgiens leurs obligations".

Jeudi, le coprocureur international adjoint a promis un verdict d'ici l'été. Mais sans nier l'évidence. "Quand le personnel national n'est pas payé, qu'un accusé meurt avant la fin d'un procès, qu'il y a des difficultés de procédure (...), il est juste de dire que la cour a traversé des moments difficiles".

Montage de portraits de Ieng Sary, Nuon Cheaon et Khieu Samphan lors de leur comparution le 23 novembre 2011 Phnom Penh [Mark Peters / EEC/AFP/Archives]
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Montage de portraits de Ieng Sary, Nuon Cheaon et Khieu Samphan lors de leur comparution le 23 novembre 2011 Phnom Penh
 

Vendredi, quelques centaines de villageois, proches et partisans, se sont inclinés sur la dépouille de Ieng Sary dans son village près de la frontière thaïlandaise, dans le nord-ouest du pays. Il doit être incinéré la semaine prochaine.

Les victimes, elles, perdent chaque jour un peu plus espoir d'entendre des réponses à leurs questions sur ces quelque deux millions de personnes mortes d'épuisement, de faim, sous la torture ou dans des exécutions sommaires, entre 1975 et 1979. Outre les deux vieillards dans le box, deux enquêtes supplémentaires ont été ouvertes en 2009. Mais elles n'avancent pas: Hun Sen n'a jamais caché qu'il ne les laisserait pas prospérer.

"Les Cambodgiens font face à la possibilité que seulement trois personnes seront tenus légalement responsables de la destruction de leur pays", a constaté Brad Adams, patron en Asie de Human Rights Watch pour qui "la mort de Ieng Sary montre l'échec du tribunal".

Un échec qu'il impute au Premier ministre Hun Sen, lui-même un ancien cadre khmer rouge qui avait fait défection et a "tout fait pour plonger le travail du tribunal dans l'impasse", a insisté Adams. L'homme fort du pays "porte la responsabilité primaire du déni de justice".

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