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Un ancien ministre khmer rouge est mort

Ieng Sary le 20 mars 2012 au tribunal à Phnom Penh [Nhet Sokheng / Nhet Sokheng/ECCC/AFP/Archives] Ieng Sary le 20 mars 2012 au tribunal à Phnom Penh [Nhet Sokheng / Nhet Sokheng/ECCC/AFP/Archives]

L'ex-ministre des Affaires étrangères des Khmers rouges Ieng Sary est décédé jeudi à Phnom Penh à l'âge de 87 ans, emportant avec lui les espoirs de tout un peuple d'entendre sa version des faits sur un régime qui a fait quelque deux millions de morts.

Jugé pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'Humanité, il avait été hospitalisé il y a dix jours.

"Ieng Sary est mort ce matin", a déclaré Lars Olsen, porte-parole de la cour, jugeant "regrettable" que la justice n'ait pu s'exprimer sur son cas mais soulignant que son décès n'aurait pas d'impact sur le procès des deux autres accusés restant.

L'ancien ministre et co-fondateur du mouvement marxiste totalitaire comparaissait devant le tribunal international de Phnom Penh, parrainé par l'ONU, avec l'ancien chef de l'Etat Khieu Samphan, 81 ans, et le "frère numéro deux" et idéologue du régime, Nuon Chea, 86 ans.

Ieng Sary disparaît sans avoir expliqué ni reconnu son rôle dans la machine qui a détruit un quart de la population du Cambodge en moins de quatre ans (1975-79), vidant les villes, supprimant la monnaie, la religion et l'éducation, et plongeant la société dans la terreur et la paranoïa.

Un autre de ses responsables politiques majeurs, Mme Ieng Thirith, est encore en vie. Mais l'ex-ministre des Affaires sociales, veuve de Ieng Sary, a perdu la raison et avait été déclarée l'an passé inapte à être jugée.

"Maintenant nous perdons des preuves. Je suis frustré qu'il n'ait pas reconnu sa culpabilité", a déclaré à l'AFP Chum Mey, 82 ans, un des rares survivants de la prison de Tuol Sleng, à Phnom Penh.

Les craintes étaient vives depuis longtemps que certains des accusés ne meurent avant de répondre de leurs actes. Et c'est sous cette pression macabre que le tribunal avait décidé de découper le procès, pour espérer obtenir plus vite un premier verdict, même incomplet.

Ieng Sary devant le tribunal le 30 avril 2010 à Phnom Penh [Tang Chhin Sothy / Pool/AFP/Archives]
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Ieng Sary devant le tribunal le 30 avril 2010 à Phnom Penh
 

Les juges avaient donc commencé par un segment consacré aux déplacements de population - notamment la terrifiante évacuation de Phnom Penh - et aux crimes contre l'humanité. Mais Ieng Sary, comme son épouse, aura malgré tout échappé à un verdict.

"C'est un coup dur pour le tribunal", a constaté Heather Ryan, de l'organisation Open Society Justice Initiative. "Sa mort (...) laissera les Cambodgiens dans une frustration sur la cour, et sur les chances d'établir les responsabilités dans les crimes des Khmers rouges".

"Son décès n'est pas une victoire et porte bien peu de signification pour les victimes du régime qui attendant patiemment que justice soit faite", a relevé de son côté Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge. Désormais, "la cour doit avancer", dit-il.

Ieng Sary devrait être incinéré dans les jours à venir à Malai, près de la frontière thaïlandaise, au coeur du bastion des Khmers rouges. Son avocat Michael Karnavas a salué un homme "gentil" et "apprécié" de l'équipe de défense. Son corps a été rendu à sa famille dès jeudi.

Le seul procès achevé à ce jour par la juridiction est celui de Kaing Guek Eav, alias Douch, patron de la prison de Phnom Penh, dans laquelle quelque 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées. Il a été condamné l'an passé à la perpétuité.

 
 

Les audiences ont été suspendues sine die depuis le début d'une grève des traducteurs, il y a dix jours. Ils protestent contre le fait que 270 employés cambodgiens - des magistrats aux chauffeurs - ne sont plus payés depuis trois mois.

"Quand le personnel national n'est pas payé, qu'un accusé meurt avant la fin d'un procès, qu'il y a des difficultés de procédure (...), il est juste de dire que la cour a traversé des moments difficiles", a reconnu le co-procureur international adjoint, Bill Smith.

Mais il a refusé l'idée que la cour était en "échec", promettant un verdict pour les deux derniers accusés d'ici "quatre ou cinq mois".

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