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Essai nucléaire nord-coréen : l'alliance Pékin-Pyongyang sur le gril

L'ambassade de Corée du Nord à Pékin, le 12 février 2013 [Ed Jones / AFP] L'ambassade de Corée du Nord à Pékin, le 12 février 2013 [Ed Jones / AFP]

Défi frontal à la communauté internationale, le nouvel essai nucléaire de la Corée du Nord va forcer une Chine au bord de l'humiliation à louvoyer plus que jamais entre sa solidarité avec son allié historique et les sanctions exigées à l'ONU, estiment les analystes.

Malgré de fermes avertissements de Pékin par voie de presse, et vraisemblablement entre les deux directions communistes, mais sans publicité, Pyongyang a procédé mardi "avec succès" à son troisième essai nucléaire, a annoncé l'agence officielle KCNA, alors que la Chine entière est à l'arrêt pour les fêtes du Nouvel an.

Dans un communiqué, le ministère chinois des Affaires étrangères, sans employer le mot "condamnation", a fait part de la "ferme opposition" de Pékin au geste nord-coréen.

"La République démocratique et populaire de Corée a effectué un nouvel essai nucléaire malgré l'opposition générale de la communauté internationale. Le gouvernement chinois exprime sa ferme opposition".

Un ton plutôt modéré qui contraste avec les avertissements de Pékin la semaine dernière, via un éditorial de la presse officielle, qu'en cas de nouveau test, Pyongyang devrait en "payer le prix fort", allant jusqu'à invoquer le mot tabou de "rupture" entre les deux alliés et la réduction de l'aide chinoise, vitale pour l'économie exsangue de la Corée du Nord.

Officiellement, Pékin s'était borné jusque-là à souhaiter que "toutes les parties concernées conservent leur calme et restent mesurées".

Au Conseil de sécurité de l'ONU convoqué mardi, Pékin devrait, comme en janvier, joindre sa voix au concert attendu de condamnations.

Un garde militaire chinois devant l'ambassade de Corée du Nord, le 12 février 2013 à Pékin [Ed Jones / AFP]
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Un garde militaire chinois devant l'ambassade de Corée du Nord, le 12 février 2013 à Pékin
 

Mais au-delà des mots, et comme pour les deux précédents essais nucléaires et les tirs balistiques nord-coréens, la question va être de savoir jusqu'où la Chine est prête à aller dans les sanctions.

"Je pense que la Chine est très en colère contre ce test", a déclaré mardi Stephanie Kleine-Ahlbrandt, directrice à Pékin pour l'Asie du Nord-Est de l'International Crisis Group.

Mais, tout en s'attendant à des "réactions plus fortes" que son prédécesseur Hu Jintao de la part du nouveau chef du PC chinois (PCC), Xi Jinping, cette analyste prévoit qu'"on ne saura pas nécessairement ce qu'il en est des mesures punitives de la Chine. Elles ne dissuaderont pas forcément la Corée du Nord, car la Chine n'est disposée à aller que jusqu'à un certain point".

"Leur préoccupation première, c'est la stabilité de la Corée du Nord", souligne-t-elle.

Indéfectible, le soutien chinois à Pyongyang, qui n'a jamais été mis à si rude épreuve, se fonde sur la hantise de Pékin de voir s'écrouler le régime de Kim Jong-Un sous l'effet de sanctions internationales draconiennes.

Un scénario dont la direction chinoise ne veut à aucun prix, car il se solderait par un renforcement de la présence militaire américaine dans la région dans le cadre d'une Corée réunifiée sous la bannière de Séoul.

La survie économique du régime, affecté de famines chroniques, est entre les mains de la Chine, notamment au plan énergétique.

Après le tir d'un engin balistique en décembre par la Corée du Nord, la Chine n'avait voté les nouvelles sanctions en janvier qu'après une longue bataille pour en atténuer la portée. Un scénario répété après le second essai nucléaire de Pyongyang en 2009. Et aucune sanction unilatérale chinoise n'a été rendue publique.

En 2006, Pékin avait réduit ses fournitures de pétrole à Pyongyang deux mois après le tir d'un missile balistique et un mois avant son premier test nucléaire. Le geste n'avait été rendu public que des mois plus tard, au détour de révélations de chiffres du commerce bilatéral avec Pyongyang.

Wang Dong, expert chinois de l'Asie du Nord-Est à l'Université de Pékin, compare le comportement de la Corée du Nord avec Pékin à certains des alliés de Washington durant la guerre froide: "Vous aviez alors de petits pays alliés qui se comportaient de façon très dangereuse, agressive et provocatrice, au risque d'entraîner les Etats-Unis dans un conflit dont ils ne voulaient pas", a-t-il déclaré à l'AFP.

"La Chine est dans un dilemme très similaire".

Selon lui, Pékin répondra au défi de Pyongyang par des mesures limitées, peut-être en réduisant son aide financière, et sans en faire de publicité, pour éviter une humiliation publique à son allié.

"La face est quelque chose qui doit absolument être pris en considération dans les relations internationales en Asie", rappelle M. Wang.

Mais devant l'intransigeance de Pyongyang, le soutien constant de la Chine à ce régime suscite désormais un vif débat parmi les analystes chinois, de plus en plus nombreux à considérer que la solidarité chinoise génère plus d'ennuis que d'avantages.

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