En direct
A suivre

Des taudis à l'ombre de Gangnam, le quartier chic de Séoul devenu célèbre

Les gratte-ciels de Séoul derrière les cahutes en contre-plaqué du bidonville de Guryong, le 11 octobre 2012 [Kim Jae-Hwan / AFP] Les gratte-ciels de Séoul derrière les cahutes en contre-plaqué du bidonville de Guryong, le 11 octobre 2012 [Kim Jae-Hwan / AFP]

A quelques encablures de Gangnam, le quartier chic de Séoul devenu célèbre grâce au tube planétaire du chanteur Psy, quelque 2.000 habitants, souvent très âgés, vivent dans des taudis: un symbole de la marginalisation des plus faibles en Corée du Sud, quatrième économie d'Asie.

Dans des ruelles bordées de cahutes, Kim Bok-Ja, 75 ans, pousse un chariot qui déborde de cartons qu'elle récupère tout au long de la journée.

"C'est tout ce que je peux faire pour survivre, et je le ferai sans doute jusqu'à ma mort car je vis seule, sans revenu", déclare-t-elle, en comptant les quelques pièces de monnaie obtenues auprès d'entreprises de recyclage.

Kim habite à Guryong, un quartier de bicoques en contre-plaqué et recouvertes de bâches, sorti du sol en 1988 avec l'arrivée de squatteurs évincés de leurs précédentes habitations lors des travaux pour les Jeux Olympiques de la capitale sud-coréenne.

Un quart de siècle plus tard, le bidonville de 30 hectares abrite quelque 2.000 personnes, dans des conditions semblables à celle d'un pays du Tiers monde, sans installation sanitaire ni gaz ou électricité.

Seule une route à six voies sépare Guryong du quartier chic de Gangnam, rendez-vous des branchés et des mondains de Séoul. Le nom de ce quartier est maintenant connu dans le monde entier grâce au tube "Gangnam Style" du chanteur pop sud-coréen Psy, dont la vidéo a été visionnée près de 525 millions de fois sur internet.

Mais les chauffeurs de taxi ne savent pas se rendre à Guryong, donc le nom signifie "neuf dragons".

"Notre village est le plus grand taudis de Séoul, mais il n'apparaît sur aucune carte", constate Lee In, vice-responsable du conseil des habitants de Guryong.

Beaucoup de ceux qui vivent là ont plus de 70 ans, sont seuls, et ne bénéficient pas d'assistance de l'Etat. "Ils ont des petits boulots, souvent pénibles, pour gagner de quoi vivre", ajoute Lee. "Ils ne meurent pas de faim grâce aux associations caritatives et religieuses".

Le quartier est hérissé de croix en bois, perchées sur les toits de petites églises de fortune qui proposent leur aide aux habitants. Autre particularité du lieu: le moindre lopin de terre disponible est transformé en potagers, cultivés par les résidents.

Symbole de l'inégalité

Les masures de Guryong sont toutes des constructions illégales. En l'absence de gaz et d'électricité, les habitants combattent le froid perçant des hivers sud-coréens en brûlant des briquettes de charbon. Un incendie a détruit plusieurs habitations en janvier dernier et des inondations ont balayé une autre partie du quartier en juillet.

L'avantage de ces constructions de bric et de broc, c'est qu'elles peuvent être facilement remplacées, note sans sourire Kim Mi-Ran, un habitant de 54 ans. "Ce qui tombe dans la journée, on le redresse dans la nuit".

Malgré sa misère, Guryong attire la convoitise des promoteurs immobiliers, en raison de son emplacement.

Le terrain appartient à des propriétaires privés. Mais les habitants y sont depuis si longtemps que les autorités municipales leur ont accordé l'an dernier un permis de résidence temporaire.

Début 2012, un promoteur a proposé aux habitants de les reloger dans des habitations à loyer modéré et de redévelopper le site. Les autorités de la capitale ont elles aussi un plan de réhabilitation. Ces projets divisent la communauté.

"Nous ne faisons pas confiance aux hommes politiques qui font des promesses mais ne les tiennent pas", déclare Kim Mi-Ran.

Une éviction par la force n'est pas à l'ordre du jour. Lorsque la police avait tenté de déloger des squatteurs dans un autre quartier de Séoul en 2009, l'opération s'était soldée par la mort de six personnes, dont un policier.

Park Won-Soon, le maire de Séoul élu cette année, est un activiste social qui a insisté pour que les projets sur Guryong prennent en compte l'opinion et les intérêts des habitants.

Pour Kim Kyo-Seong, professeur à l'université de Chung-Ang, Guryong concentre tout ce qui ne va pas en Corée du Sud, parvenue au rang de quatrième puissance économique d'Asie en quelques décennies: creusement des écarts entre les revenus, protection sociale minimale pour les plus âgés dans un pays vieillissant, marginalisation croissante des laissés-pour-compte de l'industrialisation.

Guryong "est un symbole puissant de l'inégalité de notre société", estime le professeur.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités