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Les drapeaux US, un business qui cartonne au Pakistan

Un vendeur montre un drapeaux américain dans sa boutique de l'Urdu Bazar de Rawalpindi, le 1er octobre 2012 [Farooq Naeem / AFP] Un vendeur montre un drapeaux américain dans sa boutique de l'Urdu Bazar de Rawalpindi, le 1er octobre 2012 [Farooq Naeem / AFP]

Quand il a entendu les mollahs s'emporter contre le film "L'innocence des musulmans", Naveed Haider a flairé la bonne affaire: il a imprimé des centaines de drapeaux américains, vite vendus à ses compatriotes pakistanais qui les brûlent avec frénésie à chaque occasion.

Depuis, il se frotte les mains: les manifestations de défense de l'islam se sont multipliées ces dernières semaines chez lui à Rawalpindi, près de la capitale Islamabad, comme ailleurs dans le pays. Pas massives, mais nombreuses et, surtout, frontalement anti américaines.

A l'annonce de la mobilisation contre le film américain, "je me suis dit que j'allais renflouer les caisses", raconte à l'AFP Naveed, gérant de l'imprimerie Panaflex, perchée en haut d'un immeuble vétuste.

"Dès qu'il y a ce genre de manifestations, je produis dix fois plus", sourit-il devant le réduit imprégné par l'odeur d'encre chimique où ses deux énormes rotatives crachent du drapeau américain en papier à la chaîne.

Depuis, Naveed voit avec joie ses produits, écoulés en un rien de temps 120 à 1.500 roupies (1 à 12,5 euros) pièce selon la qualité et la taille, s'envoler en fumée dans les journaux télévisés du soir.

L'explosion du marché des drapeaux américains, mais aussi israéliens, va de pair avec celle de l'antiaméricanisme, souvent associé à de l'antisémitisme, constatée ces dernières années dans un pays lassé des violences (combats avec les talibans, attentats, tirs de drones américains) qui le meurtrissent depuis que Washington a lancé sa "guerre contre le terrorisme" dans la région à la fin 2001.

Au point que les Etats-Unis, accusés de ces maux et de bien d'autres en ces temps de crise économique, ont supplanté le rival historique indien comme ennemi numéro un de l'opinion publique pakistanaise, selon nombre d'observateurs.

"Ca fait bien longtemps que je n'ai plus vendu un drapeau indien", s'amuse Nadeem Mahmood Shah, qui vend des accessoires de mariage sur l'allée principale du vrombissant Urdu Bazar de Rawalpindi. Alors que les acheteurs de drapeaux américains n'en fissent pas de défiler dans sa boutique devant laquelle flottent quelques vieux étendards en lambeaux.

Pour un large (3 m2) drapeau américain en tissu, il demande "1.500 roupies", soit un dixième du salaire moyen pakistanais. Pour ce prix-là, il garantit qu'il prendra feu sans faute, principal objectif des manifestants pyromanes, surtout en cas d'afflux de caméras de télévision.

Pour Asim, serveur dans un restaurant de fruits de mer à Rawalpindi, incendier la bannière étoilée est devenu un rituel. Vendredi dernier, emporté par la foule à Islamabad, il en a encore brûlé une, sa quatrième en un mois.

"Ca me procure un tel plaisir", sourit ce brun longiligne de 22 ans aux sourcils fournis en apportant deux assiettes à des clients. Pour lui, "ce n'est pas un crime, mais un moyen d'expression comme un autre".

Contrairement à Asim, la plupart des jeunes brûleurs de drapeaux sont affiliés à des groupes politiques ou religieux. La Jamaat-e-Islami, premier parti religieux du pays, fournit elle-même à ses militants "des drapeaux américains et israéliens pour qu'ils puissent exprimer leur mécontentement", explique Sajjad Abbas, un de ses cadres à Islamabad.

"Nous avons des accords avec des imprimeries, auxquelles nous fournissons le tissu", précise-t-il.

Une organisation bien rôdée qui permet aux groupes politiques d'être efficaces à moindre coût à chaque pic de tensions politiques.

La Jamaat-ud-Dawa, branche politique du groupe islamiste radical interdit Lashkar-e-Taiba, dit elle avoir une "équipe spéciale" dédiée à la confection de drapeaux américains ou israéliens en période de manifestation.

"Cela nous coûte au final 50 à 60 roupies (40 à 50 centimes d'euros) l'unité", se félicite Asif Khurshid, un de ses responsables à Islamabad.

Au Majlis-e-Wahadatul Muslimeen, un parti chiite très présents dans les manifestations anti-américaines ces derniers jours, c'est la branche étudiante qui coordonne la fabrique des drapeaux avec des imprimeurs partenaires.

Efficacité garantie: "On en sort 500 par heure", s'enorgueillit Mazhar Shigri, porte-parole du groupe à Lahore (est).

La "cellule drapeau" du groupe ne compte pas s'arrêter là et prépare un gros coup médiatique: un drapeau américain de 500 mètres de long et 60 de large, qui doit être déployé avant la mi octobre sur une route très fréquentée de Lahore.

Mazhar s'en délecte à l'avance: "Toutes les voitures et les piétons pourront le souiller en passant dessus".

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