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Cagnotte polémique pour le policier : la famille de l'agent qui a tiré sur Nahel va-t-elle vraiment toucher l'argent collecté ?

Une cagnotte «de soutien pour la famille du policier» qui a tué le jeune Nahel, le 27 juin dernier, a été ouverte et compte déjà plus de 900.000 euros. [Capture d'écran GoFundMe]

Une cagnotte «de soutien pour la famille du policier» qui a tué le jeune Nahel a été ouverte et compte déjà plus de 900.000 euros. Le policier pourrait toutefois ne jamais toucher cet argent si la justice estime que la cagnotte ne répond pas aux critères légaux qui régissent sa création.

Quelques jours après la mort de Nahel, tué par balle lors d’un contrôle de police à Nanterre (Hauts-de-Seine), l’ex-soutien d’Eric Zemmour, Jean Messiha, a ouvert une cagnotte «de soutien pour la famille du policier» qui comptait plus de 925.000 euros ce lundi 3 juillet dans la matinée. Si la plate-forme GoFundMe a confirmé qu’elle ne comptait pas supprimer la cagnotte, le policier pourrait ne jamais toucher l’argent en raison du caractère de «trouble à l'ordre public» qu'elle revêt. 

«Soutien pour la famille du policier de Nanterre, Florian M. qui a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort, est-il ainsi écrit sous une photo d’illustration de motards de la police nationale. Soutenez-le MASSIVEMENT et soutenez nos forces de l’ordre !». Dans un premier temps, Jean Messiha a tenté de créer la collecte sur la plate-forme Leetchi. Mais le site le plus connu pour les collectes en ligne a décidé de la bloquer quelques heures plus tard, réclamant des documents officiels au créateur. Le polémiste s’est alors rabattu sur GoFundMe, une plate-forme internationale.

Sur la même ligne qu’une partie de la droite et de l’extrême droite, cette cagnotte relaie l’idée que le policier, mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, n’aurait fait que son travail. Et ce malgré les images de la vidéo publiée quelques heures après la mort de Nahel, montrant le policier tirer à bout portant sur l’adolescent dans une situation qui ne semble pourtant pas nécessiter une prise de décision aussi radicale. D’ailleurs, le parquet de Nanterre a considéré que «les conditions légales de l’usage de l’arme n’étaient pas réunies».

GoFundMe annonce que la cagnotte est «conforme»

Malgré la polémique, les très nombreuses réactions de personnalités politiques, notamment de gauche ou de la majorité, pour dénoncer l’indécence d’une telle cagnotte, et malgré la mobilisation de nombreux internautes pour signaler en masse la collecte afin qu’elle soit annulée, la plate-forme GoFundMe a fait savoir qu’elle n’annulerait pas la cagnotte et que cette dernière est «conforme aux conditions d’utilisations», rapporte Challenges. «La famille a été ajoutée comme bénéficiaire», a assuré la plate-forme.

GoFundMe estime également que la cagnotte n'entre pas dans le champ des «cagnottes dont les fonds seraient utilisés pour la défense juridique d'un crime violent ou dont les pages contiendraient des propos haineux», et donc ne devrait pas être arrêtée. Pourtant, il n’est pas certain que le policier, ou sa famille, soit en mesure de toucher ne serait-ce qu’un seul euro de cette cagnotte. Et pour cause, les règles qui régissent ce type de collectes sont plutôt strictes.

Selon l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881, «il est interdit d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle». Si une interprétation littérale de cette loi n’empêcherait pas la famille du policier de toucher l’argent d’une cagnotte pour d’autres raisons que celles de payer les amendes de futures condamnations ou des frais de justice, la loi peut également être interprétée de manière plus pragmatique, comme certains précédents ont pu le montrer.

Le précédent Christophe Dettinger

C’est notamment le cas du gilet jaune Christophe Dettinger, un boxeur filmé en janvier 2019 en train de se battre à mains nues face à des policiers. Le manifestant s’était rendu lui-même à la police deux jours plus tard, et une cagnotte avait été ouverte sur Leetchi par l’un de ses proches. L’affaire faisant parler, le montant avait rapidement atteint les 145.000 euros. Face au tollé, la plate-forme avait finalement décidé de fermer la cagnotte, invoquant un non-respect de ses conditions générales d’utilisation qui «proscrivent toute incitation à la haine ou à la violence».

Deux ans plus tard, le tribunal judiciaire de Paris prononçait la nullité du contrat conclu avec la société Leetchi. Dans un communiqué, le tribunal expliquait que «la cagnotte a eu, initialement, pour but de soutenir un combat consistant en l’usage de la violence physique contre les forces de l’ordre» et que, «par son projet large», elle avait également pour but de «compenser les condamnations susceptibles d’intervenir à l’avenir». 

Dans le cas de la cagnotte pour le policier auteur du tir mortel sur Nahel, il faudra donc être plus clair aux yeux de la justice sur le but de la collecte afin de déterminer sa légalité. En l’état actuel des choses, la justice pourrait considérer que les termes utilisés, combinés à la situation particulièrement explosive dans le pays, pourraient faire entrer cette cagnotte dans la catégorie «trouble à l’ordre public». Dans ce cas-là, la cagnotte serait annulée.

Une autre cagnotte a été ouverte pour la famille de Nahel, et a récolté plus de 173.000 euros ce lundi 3 juillet. Si cette collecte devra également prouver sa légalité, les créateurs ont bien précisé qu’il s’agissait d’une cagnotte pour la mère de Nahel afin qu’elle «affronte les longues épreuves qui l’attendent», ce qui ne semble pas entrer d’une quelconque manière dans la catégorie du trouble à l'ordre public. 

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