En direct
A suivre

Coronavirus : nouveau répit pour les précaires avec la prolongation de la trêve hivernale

[JOEL SAGET JOEL SAGET / AFP]

Encore un peu de répit : avec la prolongation annoncée jeudi de la trêve hivernale jusqu'en juillet, des milliers de foyers modestes, dont les difficultés ont été aggravées par le confinement, échapperont pour quelques semaines supplémentaires aux expulsions locatives.

Conquête de l'Abbé Pierre après l'hiver 1954, la trêve hivernale suspend les expulsions habituellement entre le 1er novembre et le 31 mars. 

Mais en raison de la crise du coronavirus, le gouvernement avait pris une première fois mi-mars la décision inédite de reporter la fin de la trêve au 31 mai. Elle sera finalement prolongée « jusqu'en juillet» , a annoncé le ministre du Logement. 

« Personne ne peut accepter que dans cette période sanitaire, il puisse y avoir des personnes expulsées de leur logement» , a déclaré Julien Denormandie jeudi matin sur Franceinfo. La date précise doit être annoncée dans la journée après consultation des parlementaires.

Chaque année, entre 15.500 et 16.000 expulsions avec le concours de la force publique mettent à la rue ceux qui n'arrivent plus à se payer un toit. 

Et après plus de 7 semaines de confinement, ils sont de plus en plus nombreux à être dans ce cas, ont récemment alerté les associations.

« Avec cette crise sanitaire, on voit un appauvrissement des pauvres et surtout, une menace d'appauvrissement massif de ceux qui vivaient de petits boulots et de la débrouille» , analyse le sociologue François Dubet, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et spécialiste des inégalités sociales, interrogé par l'AFP.

Le risque, selon les associations: une explosion des procédures d'expulsions locatives avec le déconfinement, aussi bien dans le parc social que dans le parc privé. 

« Ce nouveau report est une bonne nouvelle, mais maintenant il faut transformer l'essai et mettre sur pied un outil de protection pour éviter les expulsions» , explique à l'AFP Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre (FAP). 

Les associations réclament la création d'un fonds national d'aide au paiement de la quittance doté d'au moins 200 millions d'euros. Cette structure viendrait renforcer les Fonds de solidarité logement (350 millions d'euros) gérés par les départements et qui, sur critères, peuvent effacer tout ou partie d'une dette locative. 

« C'est un premier pas qui permet de gagner quelques semaines de plus. Mais il faut étendre cette trêve sur toute l'année 2020, le temps de trouver des solutions stables aux sans-abri» , abonde Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe 800 associations de lutte contre l'exclusion. 

Interrogé sur une prolongation jusqu'au début de l'hiver, le ministre n'a pas tranché mais s'est dit favorable à l'interdiction des expulsions tant que la crise continue.

« Aucune mise à la rue»

Parallèlement, les 14.000 places d'hébergement temporaires pour les sans-abri, financées par l'État pendant la période hivernale, seront maintenues.

Depuis le début du confinement, plus de 21.000 places supplémentaires ont par ailleurs été mises à disposition, dont près de 11.400 places réquisitionnées dans des hôtels, pour mettre à l'abri ceux qui étaient « confinés dehors» . Elles devraient également rester ouvertes après le début du déconfinement lundi, a laissé entendre M. Denormandie.

« Quand vous êtes dans un décalage de la trêve hivernale, ça veut bien dire que l'intention est de ne jamais avoir de mise à la rue pendant cette période que nous traversons» , a assuré le ministre.

Même si, selon les associations, certains hôteliers commencent à vouloir récupérer les chambres réquisitionnées en vue de la reprise de leur activité avec le déconfinement progressif à partir de lundi. 

Par ailleurs, 97 sites d'hébergement spécialisés ont été mis à disposition dans 80 départements, pour les SDF contaminés par le Covid-19 mais dont l'état ne nécessite pas une hospitalisation. 

Malgré ces dispositifs, plus de 2.000 exclus sont aujourd'hui encore à la rue, estiment les associations. Au Samusocial de Paris, 1.000 personnes qui appellent chaque jour le 115 (numéro d'urgence des sans-abri) ne trouvent pas de solution d'hébergement. 

Les places n'ont jamais été aussi nombreuses mais elles sont attribuées pour la durée du confinement et non plus à la nuitée, explique Anne-Ségolène Goumarre, directrice de la régulation au Samusocial. Ceux qui ne sont pas hébergés aujourd'hui n'ont donc quasiment aucune chance de l'être, déplore-t-elle.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités