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Une de Charlie Hebdo : l'islam de France appelle au calme

La une de Charlie Hebdo du mercredi 14 janvier 2015. [HO / CHARLIE HEBDO / AFP]

Le premier Charlie Hebdo d'après les attentats avec en Une Mahomet la larme à l'oeil, une pancarte "Je suis Charlie" dans les mains : anticipant des réactions hostiles à cette nouvelle caricature du Prophète, les responsables de l'islam de France ont appelé mardi au calme une opinion musulmane sous tension.

 

Il faut "garder son calme en évitant les réactions émotives ou incongrues incompatibles" avec la "dignité" et la "réserve", tout "en respectant la liberté d'opinion", ont souligné dans un communiqué le Conseil français du culte musulman (CFCM), institution représentative de la première communauté musulmane d'Europe, et l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans.

La Une de l'hebdomadaire satirique à paraître mercredi, qui doit être tiré exceptionnellement à 3 millions d'exemplaires, représente le prophète Mahomet, une larme à l'oeil, tenant une pancarte "Je suis Charlie". Comme celles brandies par les millions de personnes qui ont manifesté dimanche en France pour défendre la liberté d'expression, après les attentats parisiens ayant fait 20 morts, dont trois jihadistes.

Le dessin, sur un fond vert, est surmonté du titre "Tout est pardonné", une formule apaisante qui tranche avec la veine souvent féroce du journal, comme avec la représentation en 2006 d'un Mahomet se prenant la tête entre les mains avec dans une bulle l'inscription: "C'est dur d'être aimé par des cons".

Par respect pour la mémoire des victimes de Charlie Hebdo, nous ne ferons pas de commentaire à cette provocation. Ils sont restés dans la ligne habituelle", a tout de même relevé auprès de l'AFP le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie au sein du CFCM, Abdallah Zekri, échaudé par les chiffres d'actes antimusulmans recensés depuis l'attentat contre Charlie : plus d'une cinquantaine en six jours visant des mosquées, des biens et des personnes.

Représenter Mahomet, même s'il s'agit de le glorifier, est interdit en islam par un "hadith" (paroles du Prophète rapportées par ses compagnons) du IXe siècle, et les moqueries le concernant sont jugées offensantes par la plupart des croyants.

 

Et ça va retomber sur qui ?

Les musulmans interrogés par l'AFP mardi en région parisienne semblaient partagés dans leur jugement sur la nouvelle caricature, mais beaucoup rappelaient l'interdit théologique pesant sur ce genre de représentations. 

"D'un côté, je trouve ça courageux de leur part. Mais moi, personnellement, j'aurais calmé le jeu. La représentation (de Mahomet), c'est une forme de provocation. Mais pas le message" du dessin, estime Hawa Camara, 31 ans, une fonctionnaire de l'Éducation nationale à Créteil.

Karim, 30 ans, a découvert la Une mardi matin sur les réseaux sociaux. "C'est n'importe quoi!" s'emporte-t-il. "Ils ont le droit de dessiner, mais là il faut calmer les choses. Les gens qui ont fait ça sont des criminels, des crétins qui ne connaissent rien à l'islam, mais il faut respecter la religion", prône ce Marocain domicilié à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qui ne connaissait pas l'hebdomadaire avant l'attentat.

"Nous, les musulmans, on n'accepte pas ce qui s'est passé, on a mal au coeur. Mais cette Une, ça nous touche. Pourquoi mettre le Prophète? On croit à Allah et à Mahomet, et ils ont joué avec ça", regrette Abdallah, 59 ans, un Tunisien d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

A la sortie de la mosquée de Créteil, Zahia, la cinquantaine, voit d'un mauvais oeil ce retour de Mahomet en Une de l'hebdomadaire satirique: "Ça a fait trop de dégâts. Recommencer c'est prendre le risque que ça pète à nouveau. Et ça va retomber sur qui? Nous, les pauvres musulmans, nous, les femmes, qui allons être montrés du doigt."

"On a l'impression qu'ils ont mis de l'eau dans leur vin. Le vert est plus doux, pas comme le fond rouge de la caricature d'il y a huit ans", estime a contrario un autre fidèle de ce lieu de culte, ajoutant : "Tout est pardonné ça veut dire que Charlie, mais aussi le Prophète sont pardonneurs. Le message reste fort: on ne va pas s'arrêter, on est toujours en vie."

 

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