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Les anti-prostitution se mobilisent

La pénalisation des clients des prostituées a été supprimée par la commission spéciale du Sénat [Remy Gabalda / AFP/Archives]

Les militants anti-prostitution ont mobilisé leurs troupes dimanche, avec la parution d'une lettre d'élus de tous bords dénonçant l'enlisement d'une proposition de loi au Sénat, devant lequel arrivait, après 800 km de marche, une ex-prostituée en lutte, Rosen Hicher.

 

"Si l'on veut que la prostitution s'arrête, il faut pénaliser les clients", a lancé, émue, cette femme de 57 ans, entourée d'une centaine de militants. Derrière elle, à quelques pas des Champs-Élysées, se tenait il y a un quart de siècle le bar à hôtesses où elle a fait sa première passe.

"C'est là qu'une prostituée m'a dit +on dirait que tu as fait ça toute ta vie+", a-t-elle raconté. "Il faut dire aux jeunes filles de ne pas accepter une première relation tarifée", "quand on rentre dans la prostitution, on finit par en mourir".

Pendant six semaines, Mme Hicher, prostituée pendant 22 ans, a martelé son credo : la prostitution "n'est pas un droit, on n'a pas le droit d'acheter une femme ou de la vendre". Elle a traversé la France, depuis Saintes en Charente-Maritime jusqu'au Sénat, où la proposition de loi censée pénaliser les clients n'a toujours pas été adoptée.

Le texte a été voté en première lecture par les députés en décembre 2013. Mais la disposition pénalisant les clients, à laquelle le gouvernement est favorable, a depuis été supprimée, en juillet, par une commission de la chambre haute du Parlement. Elle la jugeait inefficace contre les réseaux et susceptible de précariser davantage les prostituées.

"Que les sénateurs se réveillent et bougent enfin !", a lancé Mme Hicher. "S'il y avait eu la pénalisation des clients" à l'époque, "je n'aurais pas été prostituée", a regretté cette mère de six enfants. Son arrivée à Paris a coïncidé avec la parution dans le Journal du dimanche d'un appel de maires et élus de tous bords aux sénateurs, contre la prostitution.

    
"Son exemple m'encourage"

Dans cette tribune signée notamment par les maires socialistes de Paris, Anne Hidalgo, de Nantes, Johanna Rolland, de Strasbourg, Rolland Ries, mais aussi leurs collègues UMP d'Orléans, Serge Grouard, ou de Mulhouse, Jean Rottner, les élus rappellent que la "prostitution est d'abord une exploitation des plus vulnérables".

"Le Sénat se doit de rediscuter cette loi. Les Français y sont en grande majorité favorables", a dit la secrétaire d'État chargée du Droit des femmes, Pascale Boistard, qui a marché dimanche avec Mme Hicher. Mme Boistard espère un examen du texte par le Sénat, qui ne l'a pas encore inscrit à son agenda, début 2015.

Outre la pénalisation des clients par une contravention de 1.500 euros, la proposition prévoit le renforcement de la lutte contre le proxénétisme, une aide aux victimes et le développement d'alternatives à la prostitution, et une politique d'éducation auprès des jeunes.

Une loi prohibitionniste qui ne fait pas l'unanimité dans la classe politique ni même chez les militants féministes, dont une partie défend une régulation du métier de prostituée, mais qui fait son chemin dans la société, juge Mme Hicher, "agréablement surprise" par les réactions au fil de sa marche.

Parmi les rencontres qui l'ont marquée, celles de clients, occasionnels ou réguliers, reconnaissant que leurs relations avec des prostituées avaient représenté "un échec sexuel, un échec dans leur vie".

Sa marche a aussi eu un écho chez des prostituées ou ex-prostituées, comme la dizaine de jeunes femmes venues dimanche de l'Est de la France, pour saluer le "courage" de Mme Hicher. "Je suis passée par là. J'avais peur de la police. Son exemple m'encourage", a témoigné Blessing, une Nigériane de 20 ans.

Au milieu des militants se trouvaient également deux enfants de Rosen Hicher, au début incrédules face à la détermination de leur mère et aujourd'hui très "fiers" de son combat. "Ce n'est pas fini. Tant qu'elle aura pas ce qu'elle voudra, elle continuera", promet sa benjamine, âgée de 17 ans.

 

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