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Festivals : les intermittents déploient des trésors d'imagination

Des intermittents du spectacle bloquent l'entrée de la Fnac à Avignon pour protester contre la réforme de leur système d'assurance chômage, le 7 juillet 2014 [Boris Horvat / AFP] Des intermittents du spectacle bloquent l'entrée de la Fnac à Avignon pour protester contre la réforme de leur système d'assurance chômage, le 7 juillet 2014 [Boris Horvat / AFP]

Les grands festivals de l'été donnent résolument dans l'"agit-prop", avec des "actions" et autres "interventions" de sensibilisation à la cause des intermittents, qui rivalisent d'imagination pour tenter de convaincre un public parfois réticent.

 

C'est devenu une routine: pas de spectacle sans son préalable militant. Et... cela ne date pas d'hier.

Le festival d'Avignon de 1968, fortement perturbé, avait inauguré les actions militantes des comédiens sur le plateau. Le Living Theatre de l'Américain Julian Beck avait intégré en arrière-plan de la représentation d'Antigone des comédiens immobiles, la bouche fermée par du sparadrap, pour protester contre la censure qui avait frappé une pièce du théâtre du Chêne noir.

Quarante six ans plus tard, à Aix-en-Provence, des intermittents au T Shirt barré d'un grand "X" (symbole des intermittents et précaires) se sont couchés silencieusement devant le Grand Théâtre de Provence où se tenait la première de "La Flûte enchantée", mercredi dernier.

Mais les actions sont plus loquaces que muettes. Ainsi dans la Cour d'honneur du Palais des Papes, lieu mythique du théâtre, à Avignon, la parole est déclamée avec emphase par les comédiens et techniciens du "Prince de Hombourg" éparpillés sur le plateau. Ces "Cyrano" improvisés apostrophent le patronat ("Messieurs du Medef, si vous pensez qu'il y a trop de culture, c'est que vous en manquez!") ou donnent dans le lyrisme ("Tous ensemble, jour et nuit, nous nous dédions à la poésie").

- Hugo à la rescousse -

Une éloquence qui n'attire pas que les applaudissements. "C'est honteux", s'exclame une dame dans les gradins. "On n'a pas payé pour ça". "Taisez-vous, c'est ça ou pas de pièce", lui rétorque sa voisine, plus au fait des débats internes sur le choix entre grève et prises de paroles militantes.

Une protestataire contre la réforme du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, à Avignon, le 7 juillet 2014 [Boris Horvat / AFP]
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Une protestataire contre la réforme du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, à Avignon, le 7 juillet 2014

Pour son "Orlando", le directeur du festival, Olivier Py, a choisi Hugo. Malicieux, il laisse d'abord déclamer tout le texte avant de donner le nom de l'auteur. "Jaurès?" s'interroge l'un. "Hugo", devine son voisin.

L'écrivain s'adressait alors à la Chambre des députés, le 10 novembre 1848: "Le remède à l'embarras de nos finances n'est pas dans quelque économies chétives et détestables (...) il serait dans une politique intelligente et rassurante, qui donnerait confiance à la France".

On se croirait en 2014, avec l'agrément par le gouvernement de la convention chômage contestée par le monde du spectacle, qui rogne sur le régime spécifique des intermittents.

Sur la place historique du Palais des Papes, des slogans rappelant étrangement mai 68 sont inscrits en lettre rouge sur les parois des caisses du festival: "Liberté"! "Mange la vie!" "Prends ton temps!".

Olivier Py lui même revendique un festival "militant". "Je voulais un festival politique, je l'ai!", a-t-il reconnu dans un entretien à l'AFP, le jour où le personnel écartait l'option ultime de l'annulation du festival.

 
 

Le public d'Avignon, où les enseignants forment les gros bataillons, se montre plus compréhensif que les aficionados de l'art lyrique à Aix-en-Provence. Lorsqu'en ouverture de l'opéra "Ariodante", y résonne pendant dix minutes la chronique du journaliste Edwy Plenel sur France Culture, les spectateurs ulcérés manifestent leur impatience. Une dame poursuit même ses invectives alors que l'orchestre a commencé de jouer, déclenchant une remarque excédée de son voisin: "mais enfin taisez-vous! C'est encore pire que les intermittents!"

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