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Réforme pénale: débat explosif attendu au Sénat

La Garde des Sceaux Christiane Taubira à l'Assemblée nationale le 11 juin 2014  [Eric Feferberg / AFP/Archives] La Garde des Sceaux Christiane Taubira à l'Assemblée nationale le 11 juin 2014 [Eric Feferberg / AFP/Archives]

Deux semaines après son adoption à l'Assemblée, la réforme pénale arrive mardi au Sénat où le débat promet d'être explosif après le vote en commission d'un texte qui va au-delà de la version du gouvernement.

La commission des Lois a ainsi adopté un amendement du rapporteur Jean-Pierre Michel (PS) concernant la contrainte pénale, mesure-phare du texte de la garde des Sceaux Christiane Taubira, pour laquelle elle avait dû batailler à l'été dernier contre Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur.

Cette sanction consiste, sous le contrôle du juge d'application des peines, à respecter en milieu ouvert des obligations et interdictions durant six mois à cinq ans, afin de prévenir la récidive en favorisant la réinsertion.

M. Michel a proposé qu'elle puisse être encourue comme peine principale pour une série de délits pour lesquels de courtes peines d’emprisonnement sont actuellement encourues: vol simple, conduite sous l’empire de l’alcool, usage de stupéfiants, occupation de halls d'immeuble etc. Les atteintes aux personnes en seraient exclues.

"Ces délits représentent environ 220.000 condamnations en 2012, soit près du tiers de l'ensemble des condamnations prononcées par les juridictions pénales, et un peu plus de 50.000 condamnations à un emprisonnement ferme ou avec sursis", a souligné M. Michel.

"Le but, a poursuivi le sénateur de Haute-Saône, c'est d'individualiser les peines et de réduire la récidive".

Une vision contestée par l'UMP Jean-Jacques Hyest. "Il y a déjà des dispositions qui existent, comme les aménagements de peine prévus par la loi pénitentiaire et que l'on n'a pas mis en place. Ce n'est pas la peine d'inventer l'eau chaude", a-t-il dit.

- "Eminemment de gauche" -

"On ne sait pas non plus très bien ce que c'est la contrainte pénale", ajoute-t-il, qualifiant cette mesure de "purement idéologique".

"On ne peut pas se passer du caractère dissuassif du Code pénal et de la hiérarchisation des peines", poursuit-il. Selon lui, "ce n'est pas acceptable pour l'opinion".

Le centriste Vincent Capo-Canellas pointe de son côté un risque politique. "Comment voulez-vous expliquer à quelqu'un que le voleur de sa voiture ne fera pas de prison", demande le sénateur-maire du Bourget (Seine-Saint-Denis). "C'est faire le lit du Front national".

En revanche pour le président de l'influente commission des Lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur (PS), ce texte et sa version amendée sont "éminemment de gauche".

Vue de l'hémicycle du Sénat, à Paris [Joel Saget / AFP/Archives]
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Vue de l'hémicycle du Sénat, à Paris

"Avec lui, dit-il, il n'y a pas d'immunité". "Tout délit mérite une sanction. Mais depuis Nicolas Sarkozy, on est dans une situation où 100.000 peines de prison ont été prononcées et n'ont pas été exécutées", souligne-t-il. "Et pour que tout délit donne lieu à une sanction, il faut diversifier ces dernières. C'est l'objet de la contrainte pénale".

L'écologiste Esther Benbassa, qui a déposé plusieurs amendements similaires à ceux de M. Michel, affirme qu'avec ce texte les membres de son groupe "ne sont ni dans l’idéologie ni dans l’angélisme mais guidés par un certain pragmatisme et par la conviction que la peine, la sanction, doit, in fine, permettre aux auteurs d’infractions de réintégrer la société".

Quant aux communistes, ils sont également sur la même longueur d'ondes, se félicitant que la commission ait également supprimé les tribunaux correctionnels pour mineurs, "première étape vers la réhabilitation de la justice des mineurs".

Parmi d'autres mesures, la commission a adopté un amendement pour maintenir à deux ans d'emprisonnement (et un an pour les récidivistes) le seuil permettant de bénéficier d’un aménagement de peine, alors que l'Assemblée a voté un an. Elle a supprimé plusieurs dispositions introduites par les députés étendant "excessivement", selon M. Michel, les pouvoirs de la police et de la gendarmerie.

Le texte réécrit par la commission des Lois a également divisé les syndicats de magistrats et attiré l'opposition des syndicats de police, les uns y voyant un texte plus ambitieux et cohérent, et les autres "idéologie" et dogmatisme".

Le débat devrait se prolonger jusqu'à jeudi soir ou vendredi matin.

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