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Philippe Bilger : "Le conseil d'Etat ordonne d'effacer Vincent Lambert de la planète"

Philippe Bilger, ancien avocat général près la cour d'appel de Paris. [PHILIPPE MARTIN / AFP]

Alors que le conseil d'Etat s'est prononcé en faveur de l'arrêt des soins dispensés à Vincent Lambert, Philippe Bilger, ex-avocat général près la cour d'appel de Paris et président de l'Institut de la Parole, analyse cette décision.

 

Sur votre blog, avant que ne soit prise cette décision, vous avez estimé que le rapporteur du conseil d'Etat avait requis une "peine de mort" contre Vincent Lambert. Reprendriez-vous la même expression pour qualifier la décision prise aujourd'hui ?

Face à la délicatesse de ce sujet, je ne peux m'avancer qu'avec la main et la plume tremblantes. Mais en dépit des conclusions médicales et scientifiques, je m'étonne de cette décision du conseil d'Etat. Décider de la vie ou de la mort ne relève pas de la justice, qu'il s'agisse de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif. Il y a là quelque chose de bouleversant : cette juridiction ordonne aujourd'hui de ne plus alimenter Vincent Lambert, de l'effacer de la planète. 

 

Mais Vincent Lambert n'est-il pas arrivé à un point de non-retour ? L'expertise médicale, réclamée par le conseil d'Etat, a estimé que les lésions cérébrales étaient irréversibles et que le pronostic clinique était "mauvais".

Malgré l'existence d'un coma végétatif, une dignité demeure inscrite dans cet être réduit à sa plus simple expression. Il semble imprudent, voire dangereux, de considérer que le coma prive un individu de sa dignité. Je crois savoir que des familles, proches de malades plongés dans un état végétatif, avaient très peur de cette décision. On assiste au mélange d'une compassion apparente et d'une technicité redoutable qui invite à la plus grande prudence.

 

La décision du conseil d'Etat constitue t-elle un tournant sociétal et jurisprudentiel ?

Une fois de plus, il convient de se garder de toute approche péremptoire. Néanmoins, on a beau tourner la question dans tous les sens, on a décidé de faire de l'interruption de l'alimentation de Vincent Lambert un acte juridiquement justifié. Que dans l'espace démocratique, le rapporteur d'un appareil officiel - la plus haute juridiction administrative en l'occurence - puisse émettre une telle recommandation, et que cette recommandation soit suivie par les magistrats : voilà qui n'est pas anodin. A force de vouloir réglementer par humanité ce qui relève de l'intimité, on risque de faire naître des mécanismes délétères.

 

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