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Kerviel, nouveau porte-drapeau "anti-système" et maître-communicant

Jérôme Kerviel le 18 mai 2014 à Vintimille  [Anne-Christine Poujoulat / AFP] Jérôme Kerviel le 18 mai 2014 à Vintimille [Anne-Christine Poujoulat / AFP]

Jérôme Kerviel, passé de l'état de vil trader à celui de pourfendeur du système bancaire, s'est offert une tribune inespérée, avec une opération médiatique orchestrée, et soutenu par des militants trop heureux de se ranger derrière ce nouveau porte-drapeau.

Conseillé par une douzaine de stratèges de son comité de soutien, l'ancien courtier, qui a finalement décidé de rentrer en France dimanche soir, a pu, en attendant, à Vintimille ce weekend, marteler son innocence devant tous les médias français, pointant un doigt accusateur en direction de son ancien employeur, la Société générale, et dénonçant des "dysfonctionnements judiciaires" dans le dossier.

Samedi, son entourage a fait durer le plaisir, en organisant des "séquences", laissant croire que Kerviel, attendu pour purger trois ans de prison pour avoir provoqué des pertes abyssales pour sa banque, allait bien fouler le sol français, au terme de deux mois et demi de marche en Italie.

L'évêque Jean-Michel di Falco et Jérôme Kerviel devant l'église Saint-Augustin le 17 mai 1014 à Vintimille [Marco Bertorello / AFP]
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L'évêque Jean-Michel di Falco et Jérôme Kerviel devant l'église Saint-Augustin le 17 mai 1014 à Vintimille

Départ de l'hôtel avec un Kerviel mutique qui avait accordé des entretiens tous azimuts la veille, messe célébrée par l'évêque Jean-Michel di Falco qui préside son comité de soutien, suivie d'une première bribe de déclaration de l'ex-banquier se disant "content" de revenir en France. Puis arrivée aux abords de la frontière française. Avec finalement l'annonce, face à la mer et une cohorte de caméras, de son intention de rester en Italie.

Une centaine de sympathisants l'attendaient, venus à la sortie du dernier tunnel italien ovationner un homme qui pourfend désormais les excès du monde de la finance.

La Société Générale, vilipendée, a dénoncé samedi un "tapage médiatique". "Je vois que le sujet passionne nos concitoyens !", s'est réjoui pour sa part l'avocat de Kerviel, David Koubbi, chef d'orchestre de l'équipe.

"Kerviel utilise ce qu'il faut pour faire parler de son combat", louait en fin de journée samedi Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche, venu l'accueillir. "On le soutient, mais on utilise son combat", a-t-il admis, en déclinant un des slogans de son parti pour les européennes, "L'Europe de la finance, ça suffit".

- Risque de "manipulation médiatique" -

Le parcours du spéculateur repenti, marchant sur les routes, de Rome à Vintimille à la rencontre de la richesse humaine, suscite-t-il une véritable admiration chez les sympathisants de Mélenchon ou du parti communiste, très présents samedi avec leurs pancartes ?

"La vie serait trop belle si on n'avait que de belles icônes", glissait Magali, une militante d'extrême gauche. "Il a été acteur, puis victime du système. Je suis surtout là pour dénoncer le système de la finance, qui conduit à ce que des individus soient condamnés".

Jérôme Kerviel a aussi convaincu des hommes d'Eglise, touchés par sa transfiguration depuis sa rencontre en février avec le pape François à Rome.

Jérôme Kerviel et le père Patrice Gourrier le 17 mai 2014 à Vintimille [Marco Bertorello / AFP]
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Jérôme Kerviel et le père Patrice Gourrier le 17 mai 2014 à Vintimille

Le Père Patrice Gourrier - prêtre à Poitiers, psychologue et instructeur en méditation de pleine conscience, précise sa carte de visite - a ainsi demandé à son évêque une disponibilité de trois ou quatre mois pour terminer la marche jusqu'à Paris qu'avait prévue Jérôme Kerviel.

"J'irai jusqu'au bout avec lui. Je sais qu'il est impossible que Jérôme ait pu agir seul", confie-t-il, annonçant qu'il entamait un jeûne "jusqu'à ce que Jérôme soit assuré de pouvoir rentrer en France librement".

"Je le fais aussi pour une autre raison", a-t-il précisé. "Depuis toujours j'ai combattu la barbarie économique et je souhaite attirer le regard des uns et des autres sur cette barbarie économique qui broie des hommes et des femmes", a-t-il lancé face aux caméras.

Florian Silnicki, expert en stratégie de communication de crise, dresse un bilan très négatif de ce déploiement : "C'est trop mis en scène pour être efficace", dit-il, fustigeant "un manque de transparence". L'appel lancé au président, pour qu'il accorde une "immunité" à des témoins, est selon lui une erreur car François Hollande "a été échaudé par l'affaire Leonarda".

"Tout ce processus est extravagant" et présente "un grand risque de manipulation médiatique", a commenté sur France Info l'ancien magistrat Philippe Bilger, rappelant que Kerviel a été condamné.

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