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Fleury-Mérogis: entre misère, violence et folie, l'enfer des surveillants

La facade d'un des bâtiments de la prison de Fleury-Mérogis, près de Paris, rénovée et photographiée le 31 octobre 2013 [Eric Feferberg / AFP] La facade d'un des bâtiments de la prison de Fleury-Mérogis, près de Paris, rénovée et photographiée le 31 octobre 2013 [Eric Feferberg / AFP]

Il y a les détenus qui les insultent, ceux qui leur jettent des excréments et ceux qui les agressent physiquement: à Fleury-Mérogis, plus grande prison d'Europe, les surveillants affrontent un enfer quotidien, qu'ils ont dénoncé mardi en bloquant brièvement l'établissement.

Il s'en est finalement tiré avec sept points de suture et une large cicatrice au cou, à quelques millimètres de la carotide. Mais à Fleury-Mérogis, personne n'a oublié son agression, symbole des violences que subissent les surveillants de l'établissement, dont une centaine ont manifesté mardi matin pour réclamer de meilleures conditions de travail.

"Ça s'est passé au moment du repas, c'était un détenu qui attendait avec une fourchette dont il avait limé le manche", raconte l'un d'eux, qui témoigne, comme les autres, sous couvert d'anonymat.

Le détenu a d'abord visé sans succès un surveillant à l'abdomen, mais en a atteint un autre au cou, avant d'être maîtrisé.

Le gardien blessé a voulu retourner au travail après à peine deux mois d'arrêt. "Mais quand il a repris, il n'était plus comme d'habitude", soufflent ses collègues.

Conçue pour 2.748 personnes, la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis héberge actuellement 4.109 prisonniers, selon son directeur Hubert Moreau. "Aujourd'hui, on a environ un surveillant pour 90 détenus", dit-il.

Entre les suicides de détenus, les tentatives d'évasion et même les risques de prises d'otage --la dernière à Fleury-Mérogis a eu lieu en 2011-- les surveillants vivent dans une tension permanente, accentuée par des insultes quotidiennes.

Sur un service classique de 6 heures, un surveillant se fait injurier "une bonne dizaine de fois", affirme l'un d'eux.

Des gardiens à la prison de Fleury-Mérogis, près de Paris, le 27 octobre 2011 [Thomas Samson / AFP/Archives]
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Des gardiens à la prison de Fleury-Mérogis, près de Paris, le 27 octobre 2011

"Ils vous provoquent pour vous pousser à bout en sachant que vous ne pouvez rien faire. Ils disent: +Vas-y, touche moi le premier !+", explique-t-il.

Il ajoute, la voix chevrotante: "J'essaie de prendre sur moi, mais je me rends compte que chez moi, je m'énerve beaucoup pour rien. Ma compagne me le dit et j'en ai bien conscience."

-Gardien électrocuté-

Les surveillants affirment aussi devoir faire face à un nombre croissant de détenus "qui mériteraient d'aller en hôpital psychiatrique".

"Il y en a qui ne sortent jamais, qui parlent tout seuls et qui ne nettoient jamais leur cellule. Les déchets s'entassent", raconte un gardien.

Ces dernières années, certains ont selon lui commencé "à jeter leurs excréments" sur les surveillants.

Un autre se rappelle de ce prisonnier qui "badigeonnait sa cellule avec ses excréments" ou qui "s'en enduisait lui-même" pour éviter les extractions et être transféré dans une autre prison.

"Ça a duré trois semaines", soupire-t-il. "Et il a finalement obtenu gain de cause. Les détenus connaissent le système..."

L'ingéniosité de certains peut aller loin, comme l'illustre la stupéfiante agression dont à été victime, une nuit de 2012, un gardien de la prison, brusquement électrocuté au moment où il contrôlait un détenu à l’œilleton.

"Il est resté tétanisé, comme s'il s'était pris un gros coup de taser. Mais ça aurait pu être bien plus grave", affirme l'un de ses collègues.

Le détenu en question, incarcéré pour violences, avait dénudé le fil électrique d'un interrupteur de sa cellule, l'avait relié à la porte métallique et avait fait couler de l'eau sur le sol. "Il voulait se faire un gardien !", lâche un surveillant.

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