En direct
A suivre

Moines de Tibéhirine: l'exhumation des têtes, un pas dans la quête de vérité

Tombes de moines cisterciens de Tibéhirine à Medea, le 27 mars 1996 [Fayez Nureldine / AFP/Archives] Tombes de moines cisterciens de Tibéhirine à Medea, le 27 mars 1996 [Fayez Nureldine / AFP/Archives]

Il ne suffira pas mais le feu vert des autorités algériennes au juge antiterroriste français Marc Trévidic pour exhumer les têtes des sept moines cisterciens de Tibéhirine, assassinés en 1996, est un pas dans la quête de vérité des proches des religieux.

Le magistrat et sa consoeur Nathalie Poux avaient formulé cette requête il y a deux ans, dans une commission rogatoire internationale. A défaut d'obtenir l'accès à la vingtaine de témoins qu'il souhaitent entendre, dont des ravisseurs présumés, Marc Trévidic, qui s'est rendu cette semaine en Algérie, a obtenu d'y retourner pour expertiser les sept têtes, enterrées dans les jardins du monastère.

"Il y avait deux demandes. La plus importante à mes yeux, c'était de pouvoir entendre les témoins. L'autopsie des têtes, c'était un complément. Cela peut apporter quelque chose, mais si le juge n'a pas l'autorisation d'entendre des témoins, il n'a pas gagné grand chose...", relativise auprès de l'AFP le père Armand Veilleux, ancien supérieur des sept moines de l'Ordre de Citeaux de la Stricte Observance.

Selon une source proche du dossier, "le juge avance pas à pas" et ce feu vert est "important". Le nouveau voyage est prévu fin février début mars si les conditions météorologiques le permettent dans cette région montagneuse.

Seront alors exhumées les têtes de Christian de Cherge, Luc Dochier, Paul Favre Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère isolé de Tibéhine, non loin de Medea (nord-ouest).

Un mois plus tard, le rapt était revendiqué par le GIA via un communiqué signé de son "émir" Djamel Zitouni, le commanditaire des attentats de 1995 en France, qui proposait un échange avec un autre responsable des GIA, Abdelhak Layada, aujourd'hui en liberté. Mais le 21 mai, un second communiqué annonce l'exécution des religieux dont seules les têtes seront retrouvées neuf jours plus tard au bord d'une route de montagne.

Thèse officielle contestée

Trois moines qui étaient parvenus à se cacher tout comme des villageois confirment aux gendarmes l'implication d'un groupe islamique armé dans le rapt survenu dans une des zones les plus troublées d'une guerre civile qui a fait quelque 200.000 morts dans la décennie.

Mais cette thèse officielle est vite contestée. Le 25 juin 2009, l'ancien attaché militaire de l'ambassade de France à Alger, le général François Buchwalter, livre au juge Trévidic le témoignage indirect d'un militaire algérien.

Le général explique que "les hélicoptères (de l'armée) ont vu un bivouac". "Comme cette zone était vidée, ça ne pouvait être qu'un groupe armé. Ils ont donc tiré sur le bivouac (...) Une fois posés, ils ont découvert qu'ils avaient tiré notamment sur les moines. Les corps des moines étaient criblés de balles". C'est pour dissimuler cette bavure que les corps auraient été décapités.

Le juge français Marc Trévidic le 14 janvier 2013 à Paris [Jacques Demarthon / AFP/Archives]
Photo
ci-dessus
Le juge français Marc Trévidic le 14 janvier 2013 à Paris

Outre la présence d'impacts de balles, les analyses prévues sur les têtes visent notamment à établir si la décapitation a été menée avant ou après la mort et pourraient permettre d'écarter certains témoignages et d'en accréditer d'autres, selon une source proche du dossier.

Pour l'heure, Marc Trévidic n'a pas obtenu d'entendre les témoins, notamment un des ravisseurs présumés des moines, Abderrazak El Para, ancien lieutenant de Zitouni, détenu pour le rapt de touristes européens et soupçonné d'avoir entretenu des liens avec le contre-espionnage algérien.

Durant l'enquête, deux anciens officiers algériens ont évoqué la thèse d'un crime fomenté par les services algériens, tel Abdelkader Thiga qui, en 2011, a expliqué que les assassinats auraient été commis pour "faire du chantage vis-à-vis de la France et jeter un discrédit sur les mouvements islamistes".

Assassiné en 1996, l'ancien évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie "avait la conviction profonde que les services algériens étaient mêlés à l'enlèvement des moines", avait rapporté le général Buchwalter.

Quant aux liens entre les services algériens et Zitouni, tué en 1996, peu après les assassinats des moines, ils n'ont jamais été établis.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités